Publié le 14 déc 2010Lecture 6 min
L'avenir de la cardiologie interventionnelle - Une technique plus performante pour moins de complications
M.-C. MORICE, Institut Cardiovasculaire Paris Sud, Massy, France
En l’espace d’une vingtaine d’années, les indications de l’angioplastie se sont considérablement élargies, grâce en premier lieu aux stents nus qui ont sécurisé les procédures de revascularisation coronaire percutanée, et par la suite avec l’apparition de la technologie des stents actifs permettant de franchir à pas de géant une étape décisive vers l’amélioration des traitements proposés aux malades coronariens.
Indications élargies de la revascularisation percutanée
Ainsi, aujourd’hui, certains patients porteurs de lésions pluritronculaires ou de sténoses du tronc commun se voient communément proposer une revascularisation par voie percutanée alors que ces sténoses ont longtemps été du ressort exclusif de la chirurgie de pontage.
En effet, l’étude Syntax(1), ainsi que les analyses de sous-groupes(2) comparant les stents actifs au paclitaxel à la chirurgie de pontage chez les patients multitronculaires et/ou porteurs d’une lésion non protégée du tronc commun, a permis d’aboutir à la conclusion que, si la chirurgie demeure la meilleure stratégie de revascularisation des patients les plus complexes (terciles supérieurs du score Syntax), l’angioplastie avec implantation de stents actifs constitue une option thérapeutique efficace pour les patients présentant des lésions moins complexes (score Syntax ≤ 22 pour les patients pluritronculaires, ≤ 32 pour les patients avec lésion du tronc commun). Cette population est susceptible à l’avenir de se voir proposer en priorité le traitement percutané.
En ce qui concerne le traitement des lésions du tronc commun, une étude spécifique est sur le point de débuter, qui proposera une comparaison entre la revascularisation percutanée avec implantation de stent actif (XIENCE) et la chirurgie de pontage. Les résultats de cette étude, dont la population comprendra 2 500 patients, devraient fournir des données supplémentaires sur les sous-groupes.
Soulignons également que la valeur prédictive du score Syntax observée dans l’étude éponyme et confirmée par d’autres études en fait un outil décisionnel appelé à jouer un rôle grandissant dans la stratification des patients en pratique clinique courante.
Une nouvelle stratégie : l’évaluation de la réserve coronaire avant stenting
Parmi les techniques qui permettront de rationaliser la pratique et le coût du stenting, la mesure de la réserve coronaire devrait occuper une place de choix. Les auteurs de l’étude FAME(3) ont démontré que la mesure systématique de la réserve coronaire chez les patients pluritronculaires traités par revascularisation percutanée avec stents actifs est associée à une réduction significative du risque de décès, d’infarctus et de nouvelle revascularisation comparativement à la stratégie standard. L’étude portait, en effet, sur la comparaison de deux stratégies : le stenting systématique de toutes les lésions considérées comme hémodynamiques angiographiquement par rapport au stenting des seules lésions ayant un retentissement hémodynamique démontré par la mesure de la réserve coronaire. L’implantation d’un moindre nombre de stents résultant de la généralisation de cette stratégie devrait logiquement entraîner une diminution du coût global des procédures pour peu que cette mesure rapide et efficace fasse l’objet d’un remboursement, ce qui n’est pas le cas actuellement en France.
Apport des nouveaux stents actifs ou biorésorbables
Alors que sont peu à peu retombées les polémiques sur les risques de thrombose des endoprothèses actives et sur leur utilisation un temps jugée abusive chez les coronariens stables, la technologie mise au service de la cardiologie interventionnelle continue de progresser, et les techniques percutanées s’appuient sur des outils de plus en plus performants qui, tout en accroissant la sécurité des interventions, améliorent les résultats cliniques et la qualité de vie des patients.
La quasi-disparition du phénomène de thrombose de stent et de son cortège de complications graves semble désormais une réalité depuis l’avènement de nouvelles générations de stents actifs(4-6).
Le polymère étant souvent incriminé comme facteur de risque de thrombose tardive, l’industrie biotechnologique se concentre sur le développement de nouvelles plateformes offrant une meilleure biocompatibilité, soit avec un polymère fixe mais plus neutre (XIENCE)(4), soit avec un polymère biorésorbable qui, au bout de quelques mois, ne laisse en place qu’un stent nu (Nobori, Biomatrix)(5-6).
De nouvelles molécules (everolimus, biolimus) ont fait leur apparition ; tout en conservant leur action antiproliférative, elles permettent d’éviter la survenue de dysfonctions endothéliales. Leur efficacité renforcée se mesure par un taux de procédures itératives réduit et l’éloignement du spectre de la thrombose.
De grandes espérances se fondent actuellement sur la technologie des stents entièrement biorésorbables qui sont métabolisés et disparaissent complètement de la paroi artérielle, une fois leur action thérapeutique accomplie. Les études publiées à ce jour montrent des résultats prometteurs et laissent entrevoir la place grandissante que pourrait prendre ce nouveau concept(7). On pense en particulier à l’intérêt de ces nouvelles endoprothèses pour les patients coronariens jeunes susceptibles de nécessiter des procédures itératives.
Traitement antiplaquettaire plus performant
La résistance aux traitements antiplaquettaires est souvent citée comme entraînant un risque accru de thrombose de stent. Des tests de résistance à l’aspirine et au clopidogrel peuvent maintenant être réalisés en salle d’examen afin de mieux adapter le traitement.
Des perspectives d’avenir s’ouvrent avec la nouvelle génération d’agents antiplaquettaires entraînant une inhibition plaquettaire plus intense et dotés d’une efficacité plus homogène, qui devrait permettre d’élargir encore le champ d’action de la cardiologie interventionnelle(8-9). Le prasugrel est déjà disponible pour les syndromes coronaires aigus et le ticagrelor le sera en 2011.
Traitement percutané des pathologies valvulaires en hausse
Le dialogue qui s’est ouvert entre les chirurgiens et les cardiologues interventionnels à l’occasion de l’étude Syntax pourrait bien augurer d’une coopération multidisciplinaire accrue dans le futur.
C’est dans le domaine du traitement percutané des pathologies valvulaires et notamment du rétrécissement aortique que cette synergie trouve actuellement une application efficace qui lui donne tout son sens. En effet, les procédures hybrides d’implantation de prothèses aortiques par voie apicale réunissent autour des patients les compétences médico-chirurgicales d’équipes pluridisciplinaires.
Au vu des résultats récemment publiés(10), la technique d’implantation de valve aortique par voie percutanée semble tenir ses promesses et devrait, en offrant un espoir de traitement efficace aux patients inopérables, voir s’élargir ses indications dans un avenir proche vers des patients à haut risque chirurgical (cohorte B de l’étude Partner).
Les enseignements tirés des études médico-économiques actuellement en cours éclaireront sans doute les perspectives de cette technique et la place qu’elle prendra dans la pratique quotidienne des cardiologues interventionnels.
Les implantations de valve aortiques par voie percutanée représentent d’ores et déjà une proportion importante des procédures réalisées dans les salles de cathétérisme cardiaque par certaines équipes. Les stratégies percutanées de traitement des pathologies mitrales avec les techniques du type MITRACLIP devraient également devenir une option thérapeutique proposée par les cardiologues interventionnels. Des études cliniques sont actuellement en cours.
Il est vraisemblable que la proportion des procédures valvulaires augmentera à l’avenir et pourrait atteindre jusqu’à 30 % du volume globale de l’activité dans les centres aptes à recevoir les patients concernés.
En pratique
Si la plupart des nouveaux stents ont été développés par des sociétés américaines, il faut cependant souligner le dynamisme et la créativité des équipes françaises qui se sont montrées pionnières depuis le début de la cardiologie interventionnelle, de la mise au point du traitement antiplaquettaire double (ticlopidine, aspirine) jusqu’au développement du stenting du tronc commun et des techniques appliquées aux bifurcations coronaires.
Les valves percutanées actuellement implantées, qui constituent une innovation biotechnologique majeure, ont été imaginées par des Français et développées dans le cadre d’études précliniques menées en France.
Souhaitons que cette énergie créatrice perdure et se concrétise à l’avenir par la mise au point de techniques et de stratégies de traitement qui amélioreront encore le pronostic et la qualité de vie de nos patients.
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