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Cardiopathies congénitales

Publié le 12 oct 2010Lecture 4 min

La communication interauriculaire - Une cause peu connue de rétrécissement aortique serré à bas gradient malgré une fonction systolique du ventricule gauche préservée

F. JUTHIER, C. BANFI, A. VINCENTELLI, A. PRAT, P. ASSEMAN, S. MARÉCHAUX, P. V. ENNEZAT Hôpital cardiologique, Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Lille

L’existence d’une sténose aortique serrée (définie par une surface fonctionnelle ≤ 1 cm²) avec des gradients transvalvulaires bas (< 40 mmHg) malgré une fraction d’éjection du ventricule gauche normale est une entité clinique fréquemment observée. Elle est souvent l’apanage des femmes âgées, porteuses d’un remodelage concentrique du VG associé à une cavité ventriculaire de petite taille et donc à un volume d’éjection systolique du ventricule gauche bas. Nous décrivons ici le cas d’une patiente de 70 ans, adressée pour lipothymie. L’examen échocardiographique retrouvait une sténose aortique serrée (surface fonctionnelle 0,7 cm²) avec des gradients transvalvulaires paradoxalement bas (gradient moyen 18 mmHg, vélocité maximale transvalvulaire 2,8 m/s) du fait d’un shunt gauche-droit en rapport avec une communication inter-auriculaire. L’absence de diagnostic pré-opératoire du shunt lors de l’évaluation échocardiographique aurait pu entraîner des complications per-opératoires liées au risque de désamorçage du circuit de circulation extra-corporelle ou d’embolie gazeuse paradoxale.

Présentation du cas Une femme de 70 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle est adressée pour épisodes lipothymiques répétés. La tension artérielle est à 137/94 mmHg, la fréquence cardiaque à 96/min. La patiente signale une dyspnée d’effort d’apparition récente (stade III de la NYHA). L’examen clinique révèle un souffle de sténose aortique 2/6 avec B2 aboli sans autre particularité. La radiographie thoracique objective des calcifications du bouton aortique. L’électrocardiogramme met en évidence un bloc de branche droit complet et un hémibloc postérieur gauche (figure 1). Le BNP est mesuré à 676 pg/mL. l’examen échocardiographique révèle l’existence d’une sténose aortique serrée (surface fonctionnelle 0,7 cm²) avec des gradients transvalvulaires étonnamment bas (gradient moyen 18 mmHg, vélocité maximale transvalvulaire 2,84 m/s, figures 2 et 3). De plus, cet examen met en évidence une dilatation du ventricule droit (figure 4) sans hypertension artérielle pulmonaire (PAPS 30 + 5 mmHg). Le calcul du rapport débit pulmonaire sur débit aortique montre un shunt gauche-droit significatif (Qp/Qs estimé à 2,3) (figure 5). L’échocardiographie transthoracique puis transoesophagienne (figure 6) révèle l’existence d’une communication inter-auriculaire de type ostium secundum, expliquant le bas débit ventriculaire gauche et la diminution des gradients transvalvulaires. Figure 1. Bloc de branche droit complet et hémibloc postérieur gauche. Figure 2. Sténose aortique serrée (Index de perméabilité 0.19 (12.5 cm / 65 cm)) et surface fonctionnelle calculée à 0.7 cm² malgré des gradients transvalvulaires bas (moyen 18 mm Hg, maximal 32 mm Hg) du fait d’un bas débit cardiaque gauche systémique. Figure 3. Vue parasternale petit axe de la valve aortique mettant en évidence les calcifications et le caractère dégénératif de la sténose. La patiente bénéficie d’un remplacement valvulaire aortique par bioprothèse, la communication inter-auriculaire est fermée à l’aide d’un patch. On confirme en per-opératoire le caractère serré et dégénératif de la sténose valvulaire aortique. Les suites opératoires sont simples. La patiente après réadaptation retrouve une qualité de vie normale. Figure 4. Dilatation du ventricule droit observée en coupe apicale des 4 cavités. Figure 5. Enregistrement du flux pulmonaire par voie sous costale permettant d’autentifier l’hyperdébit pulmonaire et de calculer le rapport Qp/Qs. Figure 6. Communication interauriculaire de type ostium secundum visualisée par voie sous costale en échocardiographie transthoracique (A). (B) représente le flux Doppler pulsé systolodiastolique de la CIA. Discussion La sévérité de la sténose aortique est habituellement affirmée par la mesure de la vélocité maximale transvalvulaire du jet qui est fiable, reproductible et possède une valeur pronostique importante. Audelà de 4 m/s, la majorité des patients développent des symptômes lors du suivi et bénéficient d’un remplacement valvulaire aortique(1). Toutefois, les gradients peuvent être abaissés en cas de dysfonction systolique du ventricule gauche malgré une authentique sténose valvulaire serrée. Il s’agit de la situation clinique la mieux connue. Le challenge est ici de différencier l’authentique sténose calcifiée d’une pseudosténose liée à la diminution du débit cardiaque. L’échocardiographie transthoracique sous faible dose de dobutamine revêt alors un intérêt tout particulier en permettant d’évaluer l’ouverture et la compliance valvulaire à des niveaux de flux différents(2). Récemment une autre entité a été bien documentée par l’équipe de Philippe Pibarot (Laval, Québec) ; un certain nombre de personnes âgées (une majorité de femmes), avec des petits ventricules gauches en rapport avec un remodelage concentrique peuvent avoir une sténose aortique serrée (après avoir bien sûr écarté un effet de restitution de pression ou un diamètre de chambre de chasse sous-estimé) malgré des gradients transvalvulaires bas en raison d’un bas débit cardiaque relatif (faible volume éjecté en raison d’un petit volume ventriculaire télédiastolique). Ces patientes présentent par ailleurs une augmentation importante de la post-charge liée à une hypertension artérielle chronique et ont un mauvais pronostic similaire à celui des patients symptomatiques avec sténose aortique serrée et gradients élevés. Une autre étiologie de gradient transvalvulaire anormalement bas est la coexistence d'une sténose aortique et d’une insuffisance mitrale significative en général de type organique aboutissant à une réduction du débit cardiaque systémique et des gradients transvalvulaires. La communication inter-auriculaire est une cause méconnue de sténose aortique serrée à bas gradient malgré une fonction systolique du VG préservée. Le shunt gauche–droit conduit à la dilatation ventriculaire droite en l’absence d’hypertension pulmonaire sévère et au bas débit cardiaque systémique. Non diagnostiquée elle peut s’accompagner de complications per-opératoires sévères : lors de la mise en place de la circulation extra-corporelle, en cas de cannulation isolée de l’oreillette droite à l’aide d’une canule atrio-cave, l’ouverture des cavités gauches peut entraîner une embolie gazeuse massive dans la ligne veineuse avec un risque d’arrêt de la circulation extra-corporelle par désamorçage et donc d’arrêt circulatoire. Il existe également un risque d’embolie gazeuse systémique paradoxale durant la circulation extra-corporelle. Ces patients doivent faire l’objet d’une cannulation sélective des veines caves supérieure et inférieure pour éviter ce type de complications et permettre la fermeture de la communication inter-auriculaire après atriotomie droite. En pratique La recherche d’un shunt intracardiaque doit être systématique en cas de sténose serrée à bas gradient malgré une fonction systolique préservée associée à une dilatation du coeur droit. Elle doit être reconnue car elle s’accompagne d’une prise en charge chirurgicale spécifique. Toute dilatation du ventricule droit doit conduire en soi à la recherche systématique d’un shunt gauche-droit et ne doit pas être attribuée d’emblée à la maladie valvulaire du coeur gauche.

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