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Cardiologie générale

Publié le 10 oct 2006Lecture 5 min

Les modifications de « style de vie »

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il aurait été tentant, dans le cadre de ce « banc d’essai » de zapper ce chapitre pour deux excellentes raisons :
• des essais thérapeutiques contrôlés méthodologiquement valables sont en ce domaine, sinon inexistants, tout du moins fort peu nombreux ; il est donc difficile de parler de « banc d’essai » en quasi-absence d’essai ;
• il s’agit d’un domaine peu consensuel à bien des égards ; chacun d’entre nous projetant dans les conseils de « style de vie » à proposer au patient sa propre subjectivité, ses propres craintes et ses propres préjugés. Ces précautions maintenant énoncées, quelques notions fondamentales méritent cependant d’être rappelées.

Le sevrage tabagique Un sevrage tabagique réussi, rapidement et durablement après un accident coronaire aigu inaugural représente le plus puissant traitement que l’on puisse proposer à un coronarien. Comparativement à un sevrage tabagique « raté », cette réussite réduit de moitié le risque de récidive d’un événement cardiovasculaire important, notamment d’un décès d’origine cardiovasculaire. Fait fondamental, le délai nécessaire à l’obtention de cet énorme bénéfice est très court de l’ordre de quelques mois. Rappelons que les effets néfastes du tabac sur la circulation coronaire s’apparentent plus à une toxicité aiguë qu’à une toxicité chronique cumulative. L’essentiel des effets délétères du tabac sur la circulation coronaire est, en effet, représenté par la vasoconstriction, fréquent déclencheur du phénomène de rupture de plaques et la très forte exacerbation du risque de thrombose. Ces effets toxiques du tabac apparaissent donc très rapidement après le début de l’intoxication mais se dissipent également rapidement ; le bénéfice du sevrage tabagique étant quasiment complet en 6 à 12 mois, délai bien plus court que la réduction du risque de cancer du poumon ou de bronchite chronique. L’amplitude du bénéfice est supérieur à ce que peuvent revendiquer les autres traitements de la maladie coronaire, y compris les plus puissants et les plus lourds tels la reperfusion en phase aiguë d’infarctus ou le pontage !!! S’il y avait à l’issue de la lecture de cette intégrale une seule palme d’or à attribuer elle reviendrait indiscutablement au sevrage tabagique. Cette démarche doit donc être prioritaire, initiée dès les premières dizaines de minutes de la prise en charge hospitalière, c’est-à-dire en pratique dès la salle de cathétérisme, après « réussite » de la désocclusion coronaire, se poursuivre pendant toute la durée (de plus en plus brève !) de l’hospitalisation, être formalisée et solennisée à l’occasion de l’entretien de fin d’hospitalisation et enfin poursuivie avec assiduité à l’occasion du suivi au long cours de ce patient. Il n’y a quasiment aucune exception à la place prioritaire accordée au sevrage tabagique ; ce n’est que dans certains cas extrêmes de très importante comorbidité associée ou de survenue d’un événement coronaire inaugural chez un fumeur extrêmement âgé que l’on peut envisager de ne pas être trop insistant en la matière. L’utilisation de substitut nicotinique dès la phase aiguë hospitalière et l’orientation des patients volontaires vers une consultation spécialisée en tabacologie sont souvent utiles. Une bonne information de l’entourage familial est indispensable de même que, chez certains patients, l’analyse de l’exposition au tabac en milieu professionnel. Dans certain cas, il peut être légitime de retarder de quelques semaines la reprise d’activité professionnelle si celle-ci risque de s’accompagner de façon hautement prévisible d’une rechute tabagique. Enfin, j’insisterai sur cette notion de priorité au sevrage tabagique. En dehors d’un diabète associé, l’importance d’une désintoxication tabagique l’emporte très largement sur toute considération diététique. La désintoxication d’un grand fumeur représente pour lui un défi difficile ; il n’est généralement pas judicieux de l’alourdir par des recommandations diététiques contraignantes ; surtout à l’ère des statines. Si le sevrage tabagique s’accompagne d’une prise pondérale de quelques kilos, il n’y a là rien de dramatique ; il sera toujours temps de rectifier le tir quelques mois plus tard lorsque la désintoxication aura été consolidée et psychologiquement « digérée ».   Le régime alimentaire Il joue bien entendu un rôle central lorsque la coronaropathie complique un diabète ou en cas de franche obésité associée et dans certaines formes particulièrement sévères « génétiques » de dyslipidémie. Dans toutes les autres situations, l’instauration d’une diététique particulièrement stricte et rigoureuse ne paraît pas « fondée » sur les preuves. Les essais thérapeutiques contrôlés des diverses approches alimentaires sont, en effet, très rares. Il ne faut pas les confondre avec les enquêtes confrontant les habitudes alimentaires d’une population donnée et la prévalence de la maladie coronaire dans cette même population. Ce qui est vrai et bon pour les Crétois en Crète ne l’est pas « automatiquement » pour les Gaulois en Gaule. De surcroît, les quelques évaluations contrôlées de régime alimentaire versus alimentation « libre » ont été effectuées avant que nos patients ne bénéficient de la prescription des statines. Le « banc d’essai » penche donc très nettement en faveur de recommandations et non pas de l’instauration d’une diététique stricte. Ces recommandations visent à obtenir, en souplesse, une réduction de la consommation d’acides gras saturés, une restriction raisonnable des apports caloriques et enfin la consommation des quelques aliments dont l’effet protecteur a été à peu près validé. Rappelons, en la matière, que la validation la plus solide concerne l’effet protecteur de la consommation régulière d’alcool à dose modérée !   La prévention de la sédentarité Cet item peut être considéré maintenant comme largement validé et devant donc être systématiquement mis en œuvre chez tous les coronariens. Prévention de sédentarité ne signifie cependant pas prescription obligatoire d’une activité sportive. La pratique pluri-hebdomadaire (2 à 3 fois par semaine) de la marche rapide pendant une durée de 45 à 60 min par séance ou tout équivalent représente une prévention efficace de la sédentarité. Si cette prévention de sédentarité peut s’effectuer, selon les souhaits, les goûts et le plaisir du patient dans le cadre d’une activité sportive, tant mieux. Sinon, la prévention de la sédentarité peut être organisée sans passer par le short et les baskets. Il n’y a pas de réelle donnée quantitative concernant le risque coronaire inhérent à certains sports « brutaux » ; mais il existe de solides arguments physiopathologiques permettant raisonnablement de donner la préférence aux sports d’endurance et de déconseiller la pratique des sports nécessitant des efforts brutaux et saccadés. Sans nier l’implication très probable de certains facteurs psychosociaux et du stress, tout du moins comme facteur déclenchant, précipitant (trigger) d’un événement coronaire aigu, aucun élément dans la littérature n’incite à modifier l’activité professionnelle ou les modalités de relation sociale des patients coronariens. Les seules exceptions viendraient d’une exposition ou incitation tabagique « incontournable » en milieu professionnel, de professions nécessitant des efforts physiques, intenses, brutaux et répétés, et enfin de celles qui impliqueraient un isolement et un éloignement des structures de soins particulièrement important et prolongé.

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