Publié le 04 oct 2005Lecture 3 min
Plaidoyer pour une médecine basée sur les preuves : l'angioplastie coronaire
M.-C. MORICE, Institut Jacques Cartier, Massy
Après avoir lancé un vibrant plaidoyer en faveur de la chirurgie coronaire devant le large public du journal télévisé de 20 h sur TFI, le Professeur Jean-Noël Fabiani (Hôpital européen George Pompidou) récidive auprès de ses confrères et réitère ses arguments dans les colonnes de Cardiologie Pratique (n° 735 du 7 septembre 2005) avec un « Plaidoyer pour la chirurgie coronaire ».
Cet article polémique nous a conduits à solliciter un droit de réponse.
Il faut tout d’abord souligner que le Professeur Fabiani a vraisemblablement mal lu l’article de Hannan et coll. publié dans le New England Journal of Medicine (figure 1). En effet, cet article ne rapporte pas un mais deux registres new-yorkais, l’un consacré à la chirurgie et l’autre à l’angioplastie (figure 2) avec les défauts inhérents aux registres : critères démographiques différents, absence ou limitation des audits, résultats différents.
Figure 1 et 2. Les deux registres new-yorkais du NEJM.
Il est surprenant de constater dans cet article que bien que la mortalité observée soit plus faible dans le registre angioplastie que dans le registre chirurgie, un ajustement de la sévérité des patients au moyen d’un calcul statistique habile fait apparaître les résultats sous un jour favorable à la chirurgie, qui entraînerait une meilleure survie (figure 3).
Figure 3. Mortalité comparée.
En fait, le biais est extrêmement simple. Prenons deux exemples (tableau) : on observe moins d’atteintes carotidiennes chez les patients stentés que chez les patients opérés et beaucoup moins d’insuffisances respiratoires chez les stentés que chez les opérés, ce qui ne manque pas de surprendre. Ceci tient, bien entendu, exclusivement au fait que les deux données citées en exemple sont scrupuleusement recueillies avant chaque chirurgie car elles constituent un facteur pronostique important. VEMS et examen Doppler des carotides font partie du bilan préopératoire, ce qui n’est pas du tout le cas dans une population de patients traités par angioplastie où l’on ne recherche pas ces pathologies ajoutées puisqu’elles n’ont aucun caractère pronostique ; ils sont donc sous-reportés dans le registre angioplastie.
C’est en pratiquant des ajustements selon des critères semblables que les auteurs arrivent à leur conclusion.
On sait le peu de valeur qu’ont ces registres rétrospectifs. Il est vraiment impossible de prendre des décisions thérapeutiques sur la base de données aussi pauvres. Nos patients méritent mieux que cela.
Quelles sont les vraies données objectives ?
Avant l’arrivée des stents actifs, les résultats des études randomisées comparant la chirurgie avec l’angioplastie, que ce soit au ballonnet ou au stent nu, ont montré l’avantage constant de la chirurgie en termes de nouvelle revascularisation. Mais cet avantage n’est pas retrouvé en ce qui concerne la mortalité et l’infarctus, ce que mettent également bien en évidence les métaanalyses.
Toutes ces études, bien évidemment, ont été conduites avant l’ère des stents actifs. On leur a reproché également de ne pas porter sur une population de patients tout-venant.
Est en cours l’étude Syntax à laquelle j’ai l’honneur et le plaisir de participer, tant pour ce qui concerne l’organisation que le recrutement des patients auquel notre centre participe. Cette étude englobe une population de patients tout-venant qui seront tous suivis qu’ils soient randomisés ou non. De plus, contrairement à ce que le Pr Fabiani a pu constater dans son centre — puisqu’il se plaint d’une absence de dialogue entre les chirurgiens et les cardiologues interventionnels — des discussions réunissant les équipes interventionnelles et chirurgicales, dans le cadre des Heart Team Meetings, ont lieu quotidiennement ; dommage que les équipes de l’HEGP n’aient pas participé à Syntax (Synergy between TAXus stent and CABG) !
Cette étude, ainsi que Freedom et Cardia dans lesquelles ne seront inclus que des patients diabétiques, apportera de vraies réponses basées sur des populations identiques qui guideront les choix thérapeutiques, ce que méritent patients, cardiologues et autres praticiens plutôt que des billets d’humeur.
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