Publié le 31 mai 2011Lecture 11 min
Recommandations de la société européenne de cardiologie sur la revascularisation myocardique
F. DELAHAYE, A.-M. ANTCHOUEY, Bron
La Société européenne de cardiologie, conjointement avec l’Association européenne de chirurgie cardiothoracique, a récemment publié ses recommandations sur la revascularisation myocardique[1].
La revascularisation myocardique, par pontage ou par angioplastie coronaire, est un traitement bien établi de la maladie coronaire. Alors qu’il y a eu des avancées techniques importantes, en particulier les pontages artériels et les endoprothèses « actives », leur rôle dans le traitement des patients avec maladie coronaire stable est défié par les avancées du traitement médical, incluant la prise en charge intensive du mode de vie et le traitement pharmacologique. Par ailleurs, il faut connaître les différences entre les deux stratégies de revascularisation. Les pontages sont placés à la partie moyenne de l’artère, au-delà de la lésion coupable, fournissant une source externe d’apport sanguin au myocarde et offrant une protection contre les conséquences d’une évolution des lésions proximales. Les endoprothèses (stents) ont pour but de restaurer une perfusion sanguine normale par les vaisseaux épicardiques natifs, sans offrir de protection contre une évolution des lésions en amont du stent.
De plus, dans les situations aiguës, les sténoses coronaires coupables sont habituellement identifiées avec facilité par l’angiographie, alors que chez les patients avec maladie coronaire stable et atteinte pluritronculaire, l’identification des lésions coupables nécessite une approche combinée, anatomique et fonctionnelle. De nombreuses situations peuvent être traitées de diverses façons, incluant la revascularisation percutanée ou chirurgicale. Le moment du risque et la morbidité sont différents lors de la chirurgie de pontage et lors d’une intervention coronaire percutanée (ICP). Donc, les patients et les médecins doivent mettre en balance les avantages à court terme de l’ICP, moins invasive, et la durabilité de l’approche chirurgicale, plus invasive.
Scores et stratification du risque, impact des comorbidités
(tableau 1)
La revascularisation myocardique est appropriée quand les bénéfices escomptés, en termes de survie, de symptômes, d’état fonctionnel et/ou de qualité de vie, dépassent les conséquences négatives attendues de l’intervention. Il n’existe pas de score de risque prédisant exactement les évènements chez un patient donné, qui peut avoir des comorbidités non prises en compte dans le modèle de risque. La stratification du risque doit être utilisée comme un guide, mais le jugement clinique et le dialogue pluridisciplinaire restent essentiels.
Processus de décision et d’information du patient
Information du patient
Elle doit être objective et non biaisée, orientée vers le patient, basée sur des preuves, à jour, fiable, compréhensible, accessible, pertinente, et en accord avec les obligations légales. Le consentement informé nécessite de la transparence, particulièrement s’il y a une controverse connue à propos des indications d’un traitement particulier (ICP versus intervention chirurgicale versus traitement médical optimal seul). La Société européenne de cardiologie recommande fortement la documentation écrite du consentement du patient pour toutes les interventions de revascularisation, si le temps le permet.
Prise de décision multidisciplinaire (équipe cardio-chirurgicale [heart team])
Les patients doivent être informés de façon adéquate sur les bénéfices potentiels et les risques à court et à long terme de l’intervention de revascularisation. La stratégie appropriée de revascularisation chez les patients avec maladie pluritronculaire doit être discutée par l’équipe cardio-chirurgicale, qui implique un cardiologue clinicien non interventionnel, un cardiologue interventionnel et un chirurgien cardiaque.
Une ICP est dite « ad hoc » lorsqu’elle est réalisée immédiatement après l’examen diagnostique (le patient est encore dans la salle de cathétérisme).
Les indications potentielles d’une ICP ad hoc sont les suivantes :
– patients hémodynamiquement instables (y compris avec choc cardiogénique) ;
– lésion coupable lors d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST ou d’un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST ;
– patients stables et à risque faible, avec une maladie coronaire mono- ou bitronculaire (excepté l’IVA antérieure proximale) et avec une morphologie favorable (artère coronaire droite, portion non ostiale de l’artère circonflexe, portion médiane ou distale de l’IVA) ;
– resténose non récidivante.
Les indications potentielles d’une revascularisation différée sont les suivantes :
– lésions avec morphologie à haut risque ;
– insuffisance cardiaque chronique ;
– insuffisance rénale (clairance de la créatinine < 60 ml/min), si le volume total requis de produit de contraste est > 4 ml/kg ;
patients stables avec une atteinte pluritronculaire incluant l’IVA ;
– patients stables avec une atteinte ostiale ou proximale complexe de l’IVA ;
– tout argument clinique ou angiographique indiquant un risque supérieur de l’ICP ad hoc.
Il est recommandé que les patients soient adéquatement informés sur les bénéfices potentiels et les risques à court et long terme des techniques de revascularisation ; suffisamment de temps doit être passé pour une prise de décision informée. La stratégie appropriée de revascularisation chez les patients avec atteinte pluritronculaire doit être discutée par l’équipe cardio-chirurgicale.
Stratégies de diagnostic et d’imagerie avant l’intervention
L’épreuve d’effort et l’imagerie cardiaque sont utilisées pour confirmer le diagnostic de maladie coronaire, pour documenter une ischémie chez les patients stables, pour stratifier le risque des patients avec maladie coronaire stable ou syndrome coronaire aigu, pour aider à choisir les options thérapeutiques et pour évaluer leur efficacité. Le tableau 2 liste les indications des diverses techniques d’imagerie pour le diagnostic de maladie coronaire obstructive et pour l’évaluation du pronostic chez les sujets sans maladie coronaire connue.
Revascularisation en cas de maladie coronaire stable
(tableaux 3 et 4)
Selon sa complexité symptomatique, fonctionnelle et anatomique, la maladie coronaire stable peut être traitée par traitement médical seul ou combiné avec un geste de revascularisation, percutané ou chirurgical.
Situations particulières
Diabète
(tableau 5)
La proportion des diabétiques au sein des patients coronariens augmente. Ils sont à risque accru, y compris en termes de mortalité à long terme. Le taux de récurrence après intervention coronaire est plus élevé que chez les non diabétiques.
Patients avec une maladie rénale chronique
En cas d’insuffisance rénale chronique légère ou modérée :
– le pontage coronaire doit être envisagé plutôt que l’ICP lorsque l’étendue de la maladie coronaire justifie une approche chirurgicale, que le profil de risque du patient est acceptable et que l’espérance de vie est raisonnable ;
– un pontage coronaire sans circulation extracorporelle peut être envisagé plutôt qu’un pontage coronaire avec circulation extracorporelle ;
– en cas d’ICP, la pose d’un stent actif plutôt que nu peut être envisagée.
Les recommandations sont moins bien établies en cas de maladie rénale chronique sévère (TFG < 30 ml/min/1,73 m2) ou au stade terminal ou en hémodialyse.
Patients nécessitant un remplacement valvulaire
Chez les patients ayant une indication première de chirurgie valvulaire aortique ou mitrale, un pontage coronaire :
– est recommandé s’il y a une sténose coronaire ≥ 70 % ;
– doit être envisagé s’il y a une sténose coronaire entre 50 % et 70 %.
Chez les patients ayant une indication première de pontage coronaire :
– une chirurgie valvulaire mitrale est indiquée en cas de régurgitation mitrale ischémique sévère* avec une FEVG > 30 % ;
– une chirurgie valvulaire mitrale doit être envisagée en cas de régurgitation mitrale ischémique modérée, lorsqu’une plastie valvulaire est possible et réalisée par une équipe expérimentée ;
– une chirurgie valvulaire aortique doit être envisagée en cas de sténose aortique modérée (gradient ventriculo-aortique moyen 30-50 mmHg ou pic de vélocité du flux aortique 3-4 m/s ou calcifications aortiques sévères, même lorsque le pic de vélocité est à 2,5-3 m/s).
Maladie artérielle carotide, périphérique ou rénale associée
Le tableau 6 présente le problème de l’association d’une atteinte artérielle coronaire et carotide. Un dépistage échographique carotidien est recommandé chez les patients ayant des antécédents d’AVC/AIT ou un souffle carotidien à l’auscultation. Il doit être envisagé chez les patients ayant une atteinte du tronc commun coronaire gauche, une athérosclérose périphérique sévère, ou âgés d’au moins 75 ans. Une IRM, une tomodensitométrie ou une angiographie digitalisée peut être envisagée si une sténose carotidienne > 70 % a été dépistée à l’échographie et si une revascularisation myocardique est envisagée (pour les méthodes de mesure des sténoses carotidiennes, voir la version en ligne des recommandations : www.escardio.org/guidelines).
En cas de maladie artérielle coronaire et périphérique associée : si la maladie coronaire est instable, elle doit être traitée en priorité et la chirurgie vasculaire doit être reportée, sauf si une intervention en urgence s’impose du fait d’un pronostic vital engagé ;
– les bêtabloquants et les statines sont indiqués en pré- et post-opératoire chez les patients ayant une maladie coronaire connue et chez lesquels une chirurgie vasculaire à haut risque est programmée ;
– le choix entre pontage coronaire et ICP doit être individualisé et décidé par une équipe cardio-chirurgicale au regard de l’évolution de la maladie coronaire, de l’artériopathie périphérique, des comorbidités et de la présentation clinique ;
– une revascularisation myocardique prophylactique avant une chirurgie vasculaire à haut risque peut être envisagée chez les patients stables s’ils ont des signes persistants d’ischémie extensive ou un risque cardiaque élevé.
En cas d’atteinte associée artérielle coronaire et rénale, l’évaluation fonctionnelle de la sévérité de la sténose de l’artère rénale par la mesure du gradient de pression peut être utile pour sélectionner les patients hypertendus pouvant bénéficier de la pose d’un stent dans l’artère rénale. La pose systématique d’un stent dans l’artère rénale pour prévenir la dégradation de la fonction rénale n’est pas recommandée.
Revascularisation myocardique dans l’insuffisance cardiaque chronique
Deux situations sont envisagées chez les patients ayant une insuffisance cardiaque chronique et une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG < 35 %), selon qu’ils présentent des symptômes prédominants d’angine de poitrine ou d’insuffisance cardiaque (tableau 7).
Nouvelle intervention de revascularisation
Une ischémie après pontage coronaire peut être due à une atteinte nouvelle, à une progression des lésions en aval des anastomoses ou à une maladie au niveau du greffon lui-même.
Une nouvelle intervention de revascularisation chez les patients avec atteinte du pontage coronaire est indiquée en cas de symptômes sévères malgré le traitement anti-angineux, et chez les patients moins ou non symptomatiques selon la stratification du risque par les examens non invasifs (tableau 8). Une intervention hybride, définie comme une revascularisation coronaire percutanée et chirurgicale consécutive ou combinée, peut être envisagée chez certains patients dans des centres expérimentés.
Arythmies chez les patients atteints de cardiopathie ischémique
Les mesures de prévention et de traitement de la fibrillation atriale lors d’un pontage coronaire sont présentées dans le tableau 9.
Aspects techniques du pontage coronaire
Si le patient a un traitement bêtabloquant, celui-ci ne devrait pas être arrêté afin d’éviter une ischémie aiguë suite à l’arrêt du traitement.
Les interventions chirurgicales doivent être réalisées dans des hôpitaux avec un plateau technique adapté, par des équipes de chirurgie cardiaque utilisant des protocoles écrits. Le réseau de l’IVA doit être ponté par un greffon artériel. Une revascularisation complète par greffons artériels en dehors du réseau de l’IVA est indiquée chez les patients ayant une espérance de vie raisonnable. Les manipulations aortiques doivent être minimisées. Le greffon doit être évalué avant de quitter le bloc opératoire.
Aspects techniques des interventions coronaires percutanées
Les contre-indications relatives à l’utilisation d’un stent actif sont :
– une histoire clinique difficile à faire préciser, en particulier dans un contexte de conditions cliniques sévères (infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST ou choc cardiogénique) ;
– un risque de mauvaise observance à la bithérapie antiplaquettaire, y compris les patients ayant des comorbidités multiples et polymédicamentés ;
– la nécessité d’une intervention chirurgicale dans un délai bref obligeant à interrompre la bithérapie antiplaquettaire ;
– un risque accru de saignement ;
– une allergie connue à l’aspirine ou au clopidogrel/prasugrel/ticagrélor ;
– une indication absolue d’anticoagulation au long cours.
Traitement antithrombotique
(tableau 10)
L’algorithme de prise en charge pré-opératoire des patients qui reçoivent une double anti-agrégation plaquettaire est dans la figure 1.
Figure 1. Algorithme de prise en charge pré-opératoire des patients qui reçoivent une double antiagrégation plaquettaire.
Prévention secondaire
(tableau 12)
Les algorithmes de prescription de l’évaluation fonctionnelle au début de la réadaptation après ICP et après pontage coronaire sont présentés dans les figures respectivement 2 et 3.
Figure 2. Algorithme de prescription de l’évaluation fonctionnelle au début de la réadaptation après intervention coronaire programmée. Les critères généraux suivants doivent être pris en compte lors de la planification d’une épreuve d’effort avant prescription d’une activité physique : sécurité (stabilité des paramètres cliniques, hémodynamiques et rythmiques) ; seuil ischémique et angineux (en cas de revascularisation incomplète), degré d’altération de la FEVG, facteurs associés (niveau de sédentarité, limitations orthopédiques, besoin en termes de profession et d’activité de loisirs).
* Limite supérieure pour arrêter une épreuve d’effort sous-maximale à palier unique de 6 minutes : niveau perçu d’épuisement (échelle de Borg) 11-13/20 ou fréquence cardiaque maximale = fréquence cardiaque au repos debout + 20-30 battements par minute.
§ Limite supérieure pour arrêter une épreuve d’effort sous-maximale progressive : fréquence cardiaque maximale = 70 % de la réserve de fréquence cardiaque ou 85 % de la fréquence cardiaque maximale prédite par l’âge.
Figure 3. Algorithme de prescription de l’évaluation fonctionnelle au début de la réadaptation après pontage coronaire. Les critères généraux suivants doivent être pris en compte lors de la planification d’une épreuve d’effort avant prescription d’une activité physique : sécurité (stabilité des paramètres cliniques, hémodynamiques et rythmiques) ; comorbidités (taux d’hémoglobine, inconfort musculosquelettique, cicatrisation au niveau des sites d’incision) ; facteurs associés (déconditionnement dû à une hospitalisation prolongée, niveau de sédentarité, limitations orthopédiques, besoin en termes de profession et d’activité de loisirs).
* Limite supérieure pour arrêter une épreuve d’effort sous-maximale à palier unique de 6 minutes : niveau perçu d’épuisement (échelle de Borg) 11-13/20 ou fréquence cardiaque maximale = fréquence cardiaque au repos debout + 20-30 battements par minute.
§ Limite supérieure pour arrêter une épreuve d’effort sous-maximale progressive : fréquence cardiaque maximale = 70 % de la réserve de fréquence cardiaque ou 85 % de la fréquence cardiaque maximale prédite par l’âge.
Stratégies de suivi
(tableaux 12 et 13)
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