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Cardiologie générale

Publié le 20 avr 2010Lecture 4 min

Red alert for women's hearts !

J.-P. USDIN, Hôpital Américain de Paris

C’est sous ce titre inquiétant que se sont réunis une cinquantaine d’experts européens dans la Maison européenne du cœur à Sofia Antipolis près de Nice.
Cette réunion est le fait de l’Euroheart Project (résolution Work Package 6) mandatée par l’European Society of Cardiology. Le but est d’avertir le public mais aussi les professionnels de santé, de la gravité et de la fréquence trop souvent méconnues des maladies cardiovasculaires chez la femme.Il ressort de cette journée que cette sous-estimation des affections cardiovasculaires est le fait : des femmes elles-mêmes, des médecins, des chercheurs, des enseignants et, si l’on n’y prend pas garde, des futurs médecins !

Sous-estimation des affections cardiovasculaires chez la femme Par les femmes elles-mêmes Si l’on pose la question suivante aux femmes : quel est pour vous l’affection la plus pourvoyeuse de mortalité et de morbidité chez la femme ? la réponse est : « le cancer », formulée par 60 % des femmes interrogées, les maladies cardiovasculaires sont mentionnées par 14 % des femmes. Or c’est l’inverse ! 35 % des décès chez la femme sont causés par une affection coronarienne, plus de la moitié des décès sont imputables à une affection cardiaque ; 15 % des décès féminins sont en rapport avec les cancers (notamment les « cancers Bikini »). Par les médecins Les médecins ont, eux aussi, tendance à minimiser la fréquence des accidents coronariens chez la femme. En effet, les symptômes sont souvent différents, moins évocateurs que ceux enseignés et habituellement rencontrés chez leurs patients masculins. Les investigations sont moins souvent prescrites quand il s’agit des femmes dont on sait « que le test d’effort est de toute façon anormal ! » et ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg de notre défaut ! Les coronarographies notamment sont moins souvent pratiquées chez les femmes qui ont des symptômes. Par les chercheurs Les grands essais thérapeutiques qui sont, depuis le milieu des années 80, le fondement de nos traitements en cardiologie incluent seulement 30 à 35 % de femmes ; parfois même il s’agit d’études exclusivement masculines. Vu le tribut payé par les femmes aux maladies cardiaques, cette faible inclusion est bien évidemment préjudiciable. Par les universitaires Dans les ouvrages destinés à l’enseignement sont décrits les signes typiques des maladies coronariennes ou artérielles qui sont les symptômes des patients masculins. Il s’agit là d’un manque certain dans l’apprentissage pour nos futurs confrères. Le paradoxe des affections cardiovasculaires chez la femme La mortalité cardiovasculaire a diminué, c’est vrai, depuis ces vingt dernières années mais cette diminution est notée chez les hommes et non chez les femmes ! Insuffisance cardiaque majeure, accidents vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde connaissent souvent un retard de diagnostic et d’évaluation. De surcroît, ces accidents de surcroît surviennent à un âge plus avancé chez la femme s’associant alors à d’autres affections. Leur pronostic est plus sévère. Les accidents hémorragiques sont plus fréquents lors d’un syndrome coronarien aigu, les femmes récupèrent moins bien d’une attaque cérébrale. Les femmes arrivent plus tardivement à l’hôpital quand elles souffrent de ces affections et cela est fortement dommageable pour la prise en charge initiale. Les affections cardiovasculaires surviennent classiquement dix ans plus tard que chez l’homme (facteur de risque lié à l’âge : 60 ans pour la femme, 50 ans pour l’homme). Mais c’est aussi une des raisons pour lesquelles les maladies cardiovasculaires sont plus sévères. En effet, d’autres affections liées à l’âge peuvent venir compliquer ou masquer une affection cardiovasculaire. Le rôle délétère du traitement hormonal substitutif prolongé a aussi été évoqué pendant les débats. Davantage d’hommes souffrent d’insuffisance cardiaque à un plus jeune âge mais, après l’âge de 75 ans, c’est l’inverse. Cette proportion de femmes plus âgées souffrant d’insuffisance cardiaque va s’amplifier dans le futur avec l’augmentation de l’espérance de vie. Les jeunes femmes fument malheureusement autant sinon plus que leurs alter ego masculins. Toujours cette fausse idée de protection alors que l’on sait que la mortalité due aux maladies cardiovasculaires est plus élevée chez les femmes qui fument que chez les fumeurs masculins ! C’est aussi leur avenir artériel qu’elles imputent de cette façon. Les intervenants ont aussi insisté sur l’association éminemment dangereuse du tabac et de la pilule contraceptive. Ajoutons à cela que, parmi les adolescentes, le sport est considéré comme une activité masculine et nous avons le cercle infernal inactivité physique, surpoids, tabac… Le diabète et le syndrome métabolique sont non seulement des facteurs de risque mais aussi porteurs d’une sévérité plus grande chez la femme ; en effet, ces pathologies multiplient par 4 à 6 le risque de développer une maladie coronaire (chez l’homme, ce risque coronarien est multiplié par 2 à 3). Le pronostic d’un infarctus du myocarde est aussi beaucoup plus sombre chez la femme diabétique. Le diabète gestationnel représente en soi un élément de risque futur et cela a été l’occasion pour les experts de souligner l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire entre cardiologues et gynécologues à tous les âges de la vie de leurs patientes. Les médications cardiovasculaires sont fréquemment sous-utilisées chez les femmes, en particulier les thérapeutiques hypocholestérolémiantes, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion dans l’insuffisance cardiaque, certains antihypertenseurs en raison de leurs effets secondaires notamment plus fréquents. Certains antidiabétiques (glitazones) provoquent davantage de fractures chez la femme. L’aspirine est plus souvent impliquée dans les hémorragies cérébrales. En pratique L’inquiétude est réellement fondée, le message de cette journée étant qu’il faut répéter aux médecins, aux femmes, aux pouvoirs publics, aux investigateurs que les affections cardiovasculaires sont la cause principale des décès chez les femmes. Dans les pays occidentaux à partir de l’âge de 65 ans une femme sur trois risque de développer une maladie cardiovasculaire. Aussi pour paraphraser une récente campagne d’affichage contre le cancer, car il s’agit aussi, tous les participants étaient d’accord pour le dire, d’un enjeu politique. À la question « C’est grave docteur ? », il convient de répondre « Oui madame, c’est une affection cardiovasculaire ! ». Le déni a laissé la place à la sous-estimation ; ainsi il s’agit bien d’une « Alerte Rouge pour les cœurs féminins ».

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