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Diabéto-Cardio

Publié le 04 mai 2010Lecture 7 min

Réponses et interrogations pour le patient diabétique

P. SABOURET, Institut du Cœur, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris

ACC

Les objectifs tensionnels à atteindre, la stratégie hypolipémiante optimale et l’impact de l’action d’un bloqueur du système rénine-angiotensine et d’un antidiabétique oral demeuraient jusqu’ici l’objet de nombreuses incertitudes. C’est ce que soulignaient les dernières recommandations de l’ESH 2009, sur la base des données récentes des études INVEST, où l’on observait une courbe en J sur les événements cardiovasculaires en cas de baisse trop prononcée de la PA, et de l’étude ACCORD où la diminution intensive de l’HbA1c était associée à une surmortalité, probablement liée à des épisodes d’hypoglycémie. Les données des bras lipidiques et tensionnels de l’étude ACCORD, de l’étude INVEST, ainsi que les résultats de l’étude NAVIGATOR apportent des réponses pratiques sur les stratégies à (ou ne pas) adopter.

ACCORD-Lipid Le bras lipidique de l’étude ACCORD avait pour objectif d’évaluer l’intérêt du fénofibrate versus placebo chez les patients diabétiques de type 2, tous traités par simvastatine, dont les bénéfices cardiovasculaires avaient été clairement démontrés dans l’étude HPS-Diabetes. Une total de 5 518 patients diabétiques de type 2, âgés de 40 à 80 ans, avec une HbA1c à l’inclusion > 7,5 %, ont été inclus s’ils présentaient les critères lipidiques suivants : un LDL-C compris entre 0,60 g/l et 1,80 g/l, un HDL-C < 0,50 g/l (< 0,55 g/l pour les femmes ou sujets de race noire), et un taux de triglycérides < 7,50 g/l sans traitement hypolipémiant (ou < 4 g/l sous traitement hypolipémiant). Les patients inclus ont été traités par simvastatine (dose moyenne 22 mg/j) et randomisés entre le fénofibrate et le placebo. La taille calculée de l’effectif était de 5 800 patients pour conforter l’hypothèse initiale d’une réduction de 20 % du critère primaire sous fénofibrate.   Résultats : aucun bénéfice du fibrate Au terme d’un suivi moyen de 4,7 ans, aucun bénéfice du traitement par fénofibrate n’a été observé aussi bien sur le critère primaire composite (IDM fatals ou non, AVC mortels ou non, mortalité totale, mortalité CV) ni sur aucun des critères secondaires. On observe même un effet qui semble défavorable chez la femme et sur la fonction rénale, ce qui était anciennement connu des lipidologues et a contraint les investigateurs à diminuer la posologie du fénofibrate chez 15,9 % des patients. La bonne tolérance musculaire de l’association statines-fénofibrate est confirmée, puisque ce dernier, contrairement au gemfibrozil, n’interagit pas avec le catabolisme des statines. Se pose donc le problème crucial de l’intérêt des fibrates chez les patients en termes de protection cardiovasculaire après les résultats de FIELD et d’ACCORD, alors que les médecins français sont les champions du monde des prescriptions de fibrates, qui devraient trouver pour indication principale les hypertriglycéridémies (> 7 g/l) isolées, ne répondant pas aux règles hygiéno-diététiques.   ACCORD-BP : jusqu’où abaisser la PA du diabétique ? Cette étude randomisée s’avérait fondamentale pour déterminer les objectifs tensionnels chez les patients diabétiques, afin d’évaluer si un contrôle plus intensif que celui obtenu dans l’étude ADVANCE apporte des bénéfices cliniques additionnels chez les patients diabétiques de type 2, et si les recommandations actuelles ont un socle scientifique solide. Au total, 4 733 patients diabétiques de type 2 ont donc été randomisés avec deux objectifs tensionnels différents, indépendamment de la stratégie thérapeutique antihypertensive choisie : un bras avait pour objectif une PAS comprise entre 135 et 140 mmHg, l’autre bras de randomisation devait atteindre un objectif de PAS < 120 mmHg. Le critère primaire composite associait AVC, IDM et mortalité d’origine cardiovasculaire pour un suivi moyen de 4,7 ans. Les résultats montrent que, sur le plan tensionnel, les objectifs ont été atteints à un an, avec des chiffres de PAS respectivement à 119,3 mmHg et 133,5 mmHg. Ces différences tensionnelles ne se sont pas accompagnées de bénéfices cardiovasculaires sur le critère primaire composite. Seul le taux d’AVC a été réduit dans la groupe « intensif » (0,32 % versus 0,53 % de taux annuel, p = 0,01), ce qui mériterait d’être évalué par une étude spécifique sur les associations antihypertensives employées (bloqueurs du SRA-diurétiques versus bloqueurs du SRA-inhibiteurs calciques), réponse qui ne peut être apportée par l’étude ACCORD en raison de sa méthodologie. La baisse intensive de la PA systolique s’est logiquement accompagnée d’un surcroît d’effets indésirables graves (3,3 % versus 1,3 %, p < 0,001), sans surmortalité comme nous l’avons vu. Il est donc raisonnable de définir un objectif tensionnel chez les patients diabétiques entre 130 et 135 mmHg sur la base des données de ADVANCE et ACCORD, avec toutes les difficultés d’application pratique liées à la variabilité tensionnelle.   INVEST conforte la cible tensionnelle L’étude INVEST (the International Verapamil SR-Trandolapril) enfonce le clou avec la présentation des données des 6 400 diabétiques inclus. Ces patients ont été analysés en 3 groupes en fonction des chiffres tensionnels obtenus, indépendamment de la stratégie thérapeutique utilisée dans l’étude (pour rappel : association trandolapril-vérapamil versus bêtabloquant-diurétique thiazidique) : – un groupe « non contrôlé » pour lequel la PAS est > 140 mmHg, – un groupe « contrôle standard » qui présente une PAS entre 130 et 140 mmHg, – un groupe « contrôle intensif » pour lequel une PAS < 130 mmHg a été obtenue. Les résultats montrent (tableau) une réduction significative des événements cardiovasculaires composant le critère primaire pour les 2 groupes dont la PAS est < 140 mmHg versus le groupe non contrôlé, avec des bénéfices obtenus dès 2,5 ans de suivi et qui se maintiennent à 5 ans. En revanche, la courbe en J réapparait pour la mortalité totale du groupe de patients diabétiques traités intensivement lorsque la PAS systolique est < 115 mmHg, ce qui conforte la stratégie proposée par les dernières recommandations et les données d’ACCORD et INVEST (encadré). L’étude NAVIGATOR ou la TITANIC study ? Ce titre provocateur pour illustrer combien il est difficile de démontrer par les preuves cliniques un concept physiopathologique, jette un nouveau pavé dans la mare de la diabétologie. Nombre d’experts ont souligné antérieurement l’importance de la glycémie post-prandiale et son action délétère sur les lésions de micro- et macroangiopathie. Sur la base de ce rationnel, l’étude NAVIGATOR (Nateglinide and Valsartan in Impaired Glucose Tolerance Outcomes Research) a évalué l’action de la natéglinide, médicament « sulfonylurea-like » de la classe des méglitinides, qui diminue la glycémie post-prandiale, et du valsartan, les bloqueurs du SRA ayant démontré des effets favorables sur la glycémie sur des critères secondaires d’études antérieures, sur la prévention d’un nouveau diabète et des événements cardiovasculaires majeurs chez des patients intolérants aux hydrates de carbone, selon un plan factoriel habituel de 2 x 2. L’étude a randomisé 9 306 patients dysglycémiques (glycémie comprise entre 0,95 g/l et 1,26 g/l dans l’étude), ayant au moins un facteur de risque ou un antécédent cardiovasculaire selon le plan factoriel 2 x 2 entre la natéglinide (60 mg x 3/j avant les repas) ou un placebo, et entre le valsartan (160 mg/j) ou un placebo. Le suivi moyen a été de 5 ans pour l’évaluation de la survenue d’un diabète et de 6,5 ans pour le statut vital. Deux critères primaires avaient été définis : l’évolution vers un diabète et un critère composite cardiovasculaire (décès cardiovasculaires, AVC fatals ou non, IDM mortels ou non, hospitalisations pour angor instable, insuffisance cardiaque, ou revascularisation artérielle). Résultats décevants pour le bras natéglidine Les résultats sont décevants avec une absence de bénéfices sur les deux critères primaires, et sur chacun des éléments du critère composite analysé séparément. Sur le plan de la tolérance, on observe davantage d’hypoglycémies sous natéglinide versus placebo ; à la surprise générale, la glycémie post-prandiale est plus élevée sous natéglinide que sous placebo. Un effet rebond est suggéré par les auteurs, la natéglinide n’étant pas administré le matin de l’HGPO ; cette explication est contredite par l’éditorialiste du NEJM, qui souligne l’absence d’argument pour conforter cette hypothèse, et s’étonne de la non-publication des résultats sur l’HbA1c. Résultats modestes pour le bras valsartan On observe une réduction significative du risque relatif de survenue d’un diabète de 14 % (soit une réduction du risque absolu de 3,7 %), sans effet protecteur sur le plan cardiovasculaire à 5 ans de suivi. Ce bénéfice est jugé modeste par le D. Nathan qui souligne dans son éditorial l’efficacité nettement supérieure des règles hygièno-diététiques et de la metformine, démontrée dans l’étude DPP (Diabetes Prevention Program), étude où les modifications du mode de vie permettaient une réduction du risque de nouveau diabète de 58 % et 34 % à 3 et 10 ans respectivement, la metformine réduisant l’incidence de 31 % et 18 % à 3 et 10 ans.   En pratique   Le traitement par statines reste la pierre angulaire du traitement des dyslipidémies des patients diabétiques, la prescription de fibrates devant être réservée aux hypertriglycéridémies. La pression artérielle systolique optimale chez le diabétique de type 2 semble se situer entre 130 et 140 mmHg, objectif réaliste en utilisant une plurithérapie antihypertensive, en évitant d’abaisser la PAS en dessous de 115 mmHg. Ces études ont permis de préciser que la prévention de la survenue d’un diabète passe avant tout par l’application de règles hygiéno-diététiques adaptées, complétées dans certains cas par de la metformine. Le blocage du système rénine angiotensine est fondamental chez les diabétiques hypertendus et/ou en présence d’une atteinte rénale (diminution de la clairance et/ou microalbuminurie), mais que son intérêt en prévention de survenue d’un diabète est faible (études NAVIGATOR et DREAM).

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