Publié le 04 nov 2008Lecture 9 min
Retour à l'optimisme pour les stents actifs
M. ZELLER et Y. COTTIN, CHU de Dijon
ESC
À Munich, les différents essais cliniques présentés durant ces journées ont abordé des enjeux stratégiques importants pour la pratique quotidienne du cardiologue interventionnel, notamment sur les stents actifs, et sur les patients multitronculaires. Les voies de recherche actuelles pour améliorer la prise en charge des patients, leurs espoirs et leurs déceptions, ont également été évoquées.
Sécurité d’emploi des stents actifs : 2 ans après Barcelone !
Dans le domaine des stents actifs, le pessimisme ambiant après l’ESC de Barcelone en 2006, qui avait tiré la sonnette d’alarme sur la sécurité d’emploi de ces dispositifs, en particulier face au problème des thromboses apparaissant sur le long terme, a évolué vers un optimisme raisonnable. Une session plénière a été consacrée à ce sujet brûlant. En effet, depuis 2 ans, plusieurs études ont été passées au crible afin de pouvoir tirer des conclusions applicables aux patients « tout venant ».
Leurs conclusions, plutôt rassurantes, convergent pour penser que la survenue de thromboses tardives ne correspond pas nécessairement à une augmentation de la mortalité ou à un IDM, même si elles y sont souvent associées.
Plus précisément, des métaanalyses issues d’études randomisées avec plus de 5 000 patients suivis à 4-5 ans, complétées par celles provenant de registres, incluant donc des patients non sélectionnés, indiquent que si les thromboses de stent survenant plus d’1 an après la procédure sont rares, elles surviennent plus fréquemment avec les stents actifs, sirolimus ou paclitaxel, qu’avec les stents nus. De façon apparemment paradoxale, les stents nus et les stents actifs ont cependant le même taux de mortalité et d’IDM. Ces études montrent en outre sans surprise un taux favorable de réinterventions aux stents actifs.
Il reste cependant plusieurs questions cruciales qui restent en suspens sur la sécurité d’emploi de ces stents et qui concerne spécifiquement trois groupes de patients à haut risque :
– les diabétiques,
– les infarctus du myocarde (ST- et ST+),
– les patients avec des lésions complexes.
L’apport complémentaire indispensable, dans ce type d’approche visant à déterminer la sécurité d’emploi de tels dispositifs, des registres par rapport aux études randomisées, a également été souligné lors de cette session.
Un stent actif avec un polymère biodégradable leaders
Présentée en hot-line, LEADERS (LImus Eluted from A Durable versus ERodable Stent coating), était très attendue car c’est la première étude portant sur une nouvelle génération de stent actif recouvert avec un polymère biodégradable. Dans cette étude européenne multicentrique, 1 707 patients coronariens symptomatiques avec 2 472 lésions ont été randomisés pour recevoir soit le nouveau stent BIOMATRIX, recouvert de BiolimusA9TM avec un polymère biodégradable, soit un stent actif conventionnel (sirolimus avec un coating non résorbable) (CYPHER). Les critères d’inclusion étaient larges, afin de refléter au mieux la pratique clinique de routine, sans limitation concernant le type de vaisseaux, la longueur des lésions ou le nombre de lésions traitées. La moitié des patients ont été inclus avec un SCA et un tiers avec des lésions pluritronculaires. Le biolimus est un analogue du sirolimus, qui est 10 fois plus lipophile. Le nouveau polymère ne recouvre pas la surface du stent qui est en contact avec la lumière du vaisseau, afin de limiter le risque de thrombose, et se dégrade entièrement en 6 à 9 mois, en CO2 et en eau 9 mois après la procédure.
Le critère clinique primaire, qui est un critère combiné (décès d’origine cardiaque/IDM/réintervention pour resténose), a été similaire dans les deux groupes (9,2 % avec le BIOMATRIX vs 10,5 % avec le CYPHER). Aucune différence significative entre les deux groupes n’a été observée lorsqu’on considère les événements séparément. La non-infériorité de ce nouveau dispositif par rapport à un stent actif standard est retrouvée dans les sous-groupes prédéfinis (diabétiques, SCA, etc.) et ce, quelles que soient la localisation et la longueur des lésions. Le taux de thrombose de stent est de 2,6 % pour le biolimus et de 2,2 % pour le CYPHER. Au suivi angiographique à 9 mois, les diamètres de sténose intra-stent sont également similaires entre les deux groupes.
Leaders
Cette étude au design original incluant des patients coronariens « tout venant » et majoritairement en dehors des indications des stents actifs, a montré la sécurité d’emploi et d’efficacité de ce nouveau stent sur un suivi à 9 mois. Il reste cependant indispensable de tester leur persistance sur le plus long terme, et également chez les patients présentant les indications des stents actifs.
Nouvelles données chez les patients tritronculaires et/ou avec des lésions du tronc commun
À la lumière des progrès techniques significatifs réalisés ces 10 dernières années dans la revascularisation coronaire, tant par la chirurgie cardiaque que par l’angioplastie coronaire, une actualisation des données comparant les deux procédures chez les patients tritronculaires et/ou avec des lésions du tronc commun était nécessaire.
SYNTHAX
Tel était l’objectif de SYNTHAX (SYNergy between Percutaneous Coronary Intervention and Cardiac Surgery), vaste étude randomisée européenne et américaine, qui a inclus 1 800 sujets, soit dans un groupe pontage (n = 897), soit dans un groupe angioplastie avec pose de stent actif TAXUS express (n = 903). Les patients étaient inclus sur la base d’un consensus médicochirurgical dès lors qu’ils présentaient l’indication de revascularisation et les critères de faisabilité de chirurgie de pontage et d’angioplastie. Les patients qui ne présentaient pas ces conditions (inopérables ou lésions coronaires non accessibles à une angioplastie) ont été inclus dans deux registres SYNTHAX. Seuls les patients avec des antécédents de revascularisation, un IDM aigu ou une chirurgie cardiaque programmée ont été exclus. Environ 28 % des patients étaient diabétiques.
Au suivi à 12 mois, 17,8 % des patients du groupe angioplastie contre seulement 12,1 % des patients pontés ont présenté un événement cardiaque majeur (décès de toutes causes, AVC, IDM ou nouvelle revascularisation) (p = 0,0015). Le taux de thrombose de stent et d’occlusion du greffon ont été similaires (3,3 % vs 3,4 %, p = 0,89).
L’analyse en sous-groupe montre que, chez les patients diabétiques, le taux d’événements cardiaques majeurs est près du double dans le groupe TAXUS par rapport au groupe pontage. De plus, chez les troncs communs sans autre atteinte ou au plus monotronculaire, l’angioplastie fait aussi bien que les pontages.
Pour le critère principal de SYNTHAX, l’angioplastie par stent actif ne remplit donc pas les critères de non-infériorité par rapport à la chirurgie chez ces patients, et ceci est essentiellement lié à un taux supérieur de nouvelles revascularisations avec les stents actifs. Dans les deux registres, qui analysaient des patients à plus haut risque, le critère primaire est également moins fréquent avec la chirurgie.
Même s’ils ne sont pas franchement positifs pour les stents actifs, ces résultats issus d’une étude « dans la vraie vie », laissent cependant entrevoir une sécurité équivalente pour ces deux stratégies chez ces patients avec une maladie coronaire à un stade avancé.
CARDIA
Chez les patients diabétiques pluritronculaires, la détermination de la stratégie de revascularisation constitue un enjeu clinique majeur. La référence dans ce domaine était jusqu’à présent l’étude BARI qui montrait, il y a plus de 10 ans, la supériorité des pontages par rapport à l’angioplastie. Les résultats de l’étude randomisée CARDIA (Coronary Artery Revascularisation in Diabetes) ont été présentés. Cette étude a comparé la chirurgie coronaire à l’angioplastie, dans 24 centres britanniques.
Ces résultats montrent que l’angioplastie réalisée de façon optimale, définie par la pose d’un stent avec abciximab, est à présent aussi efficace que les pontages dans cette population à très haut risque.
Au total, 510 patients ont été inclus sur la base de l’éligibilité aux deux types de procédure. Les critères d’exclusion étaient la présence d’un antécédent de revascularisation, un tronc commun ou des contre-indications aux antiagrégants plaquettaires ; 30 % des patients étaient sous insuline, et l’ancienneté du diabète (environ 10 ans) était similaire dans les deux groupes. Dans le groupe angioplastie, 71 % des patients ont reçu un stent actif. Au suivi à 1 an, les patients ont présenté le même taux d’événements du critère primaire (décès de toutes causes, IDM, AVC non fatal) dans les 2 groupes (11,6 % pour l’angioplastie vs 10,2 % pour les pontages, p = 0,63). Si le taux de revascularisation est 5 fois supérieur chez les patients stentés (p = 0,001), on note dans ce groupe une tendance à un plus faible risque d’AVC (p = 0,09).
Ces données suggèrent que l’angioplastie, à l’heure des stents actifs, peut constituer une stratégie de choix chez ces patients diabétiques multitronculaires.
Cependant, la puissance insuffisante de l’essai (seulement 85 % des patients prévus ont été inclus) souligne la nécessité d’autres études randomisées menées sur de plus vastes populations et sur un suivi à plus long terme afin de conclure.
Nouvelles stratégies antiplaquettaires per procédure
Au cours des procédures d’angioplasties, on sait que la réponse au traitement antiplaquettaire (aspirine ou clopidogrel) présente de très importantes variations interindividuelles. Or, les patients résistants ou peu répondeurs aux antiagrégants sont exposés à un plus fort risque d’événements cardiovasculaires post procédures. Chez ces patients, il était donc intéressant de rechercher comment on pouvait améliorer le pronostic.
L’étude 3T/2R
Cette étude (Tailoring Treatment with Tirofiban in patients showing Resistance to aspirin or Resistance to clopidogrel study) avait pour objectif de tester si une perfusion de tirofiban au cours d’une angioplastie programmée pouvait réduire l’incidence des IDM post-procédure. Dans 10 centres européens, 263 patients peu répondeurs à l’aspirine ou au clopidogrel ont été randomisés pour recevoir soit un bolus de tirofiban à forte dose suivi par une infusion sur 24 heures, soit le placebo du tirofiban. Dans les deux groupes, la couverture par les autres antiagrégants correspondait à la dose optimale standard. Seulement 20,4 % des patients du groupe tirofiban contre 35,1 % dans le groupe placebo ont présenté un IDM, dans les 48 heures, défini par une augmentation des troponines à 3 fois la valeur normale. Au suivi à 30 jours, une réduction significative des événements cardiaques majeurs a été rapportée en faveur du tirofiban. Il est important de noter que le taux de saignements mineurs est similaire dans les deux groupes.
La taille réduite de la population limite la portée des conclusions de cette étude. Cependant, elle confirme l’intérêt actuel pour la recherche de la résistance au traitement puis l’adaptation personnalisée des antiagrégants, afin de limiter les effets délétères de cette résistance.
Cardioprotection au cours de l’angioplastie : nouvelles voies thérapeutiques ?
Limiter les lésions de reperfusion constitue depuis de nombreuses années un challenge important auquel se sont attelés de nombreux travaux de recherche expérimentale et plus récemment de recherche clinique. Dans ce domaine, les approches pharmacologiques ou mécaniques visant à stimuler les mécanismes de post-conditionnement sont les plus avancées.
Une autre stratégie de cardioprotection, sous l’aspect anti-inflammatoire, a été abordée dans l’étude FIRE (FX06 on Ischemia REperfusion) par l’utilisation d’un peptide dérivé de la fibrine, le FX06, au cours de la procédure d’angioplastie. Ce peptide de synthèse présente en effet des propriétés anti-inflammatoires, locales et systémiques. Cette étude randomisée de phase II, en double aveugle vs placebo, a inclus 234 patients dans 26 centres européens devant bénéficier d’une angioplastie primaire pour un IDM inaugural. Le FX06 a été administré à la dose de 400 mg en bolus IV pendant la procédure. Les patients thrombolysés ou en choc cardiogénique ou avec des antécédents de pontages ou d’insuffisance rénale ou cardiaque ont été exclus. Les caractéristiques de patients étaient identiques dans les deux groupes.
Le critère principal, qui était la taille de la nécrose mesurée en IRM à J5, n’a pas été modifié par le traitement au FX06. De plus, ni les marqueurs biologiques de nécrose, ni la FEVG, ni l’indice IRM d’obstruction microvasculaire, ni les événements cardiaques à 4 mois ne sont significativement réduits par le traitement adjuvant de la reperfusion. Seule la zone de nécrose est diminuée de 58 % par le FX06.
Cette étude préliminaire négative ne doit cependant pas fermer la porte à ce type d’approche, car la sécurité d’emploi de ce peptide semble bonne. Les cibles cellulaires du peptide FX06 au cours de la séquence ischémie/reperfusion nécessitent d’être précisées.
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