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Coronaires

Publié le 24 mai 2011Lecture 10 min

SCA - Traitement antiagrégant plaquettaire

C. MEUNE, hôpital Cochin, Paris

Les médicaments antiagrégants plaquettaires appartiennent à plusieurs classes pharmacologiques distinctes. Il s’agit d’un des domaines ayant le plus évolué au cours des 10 dernières années. La récente mise sur le marché du prasugrel (Efient®), celle prochaine (sauf surprise annoncée par la FDA) du ticagrelor (Brilique®), les autres molécules en cours d’évaluation (cancagrélor et cilostazol) vont nous offrir la possibilité d’un traitement adapté au profil de risque ischémique du patient.

En marge de l’aspirine, dont l’utilisation semble incontournable, les traitements disponibles ou en cours de développement se divisent en thiénopyridiniques (ticlodipine, clopidogrel, prasugrel, élinogrel) et non thiénopyridiniques (ticagrelor, cancagrelor, cilostazol). Certains de ces traitements sont pourvus d’une réversibilité biologique (ticagrelor, elinogrel), ce qui aura pour conséquence de minimiser les risques hémorragiques chez les patients candidats à une revascularisation chirurgicale. Enfin, il faut signaler que, malgré ces progrès considérables, l’observance de ces traitements reste capitale. Aspirine Son utilisation vient d’être confirmée par l’ensemble des guidelines les plus récentes. L’aspirine doit être systématique (avec une dose de charge de 300 mg) et poursuivie indéfiniment chez tous les patients avec SCA (figure 2). Figure 2. Bénéfice de l’aspirine au cours des SCA. Les posologies utilisées au long cours varient selon les pays : elles sont plus élevées outre-Atlantique (de 250 à 350 mg/j) et plus faibles en Europe (de 75 à 250 mg/j) (figure 3). L’aspirine permet de diminuer de 20 % le risque de décès ou de récidive d’un SCA. Figure 3. Bénéfice de l’aspirine selon la posologie. Clopidogrel La posologie recommandée par les guidelines est une dose de charge de 300 mg et un traitement d’entretien à la posologie de 75 mg/j. Plusieurs études récentes ont mis en évidence qu’une dose de charge de 600 mg était souhaitable chez les patients candidats à une prise en charge invasive dans les 24 heures suivantes. Chez les patients déjà traités au long cours et candidats à une prise en charge invasive, une dose de charge est également souhaitable. Pendant très longtemps, grâce aux études CURE et CREDO, les patients ont été traités par l’association clopidogrel + aspirine et continuent à l’être. Ces dernières années, plusieurs études ont rapporté des taux de thrombose de stents pouvant aller jusqu’à 3 %. Ces épisodes de thromboses de stents sont particulièrement graves car leur traduction clinique est le plus souvent un infarctus massif ou un décès. L’une des raisons évoquées pour expliquer ces phénomènes de thrombose aiguë est la très grande variabilité de la réponse au clopidogrel, l’existence de patients dits « non répondeurs » et donc des risques de résistance au traitement. En effet, le clopidogrel est une prodrogue qui nécessite une transformation hépatique par une série de réactions faisant intervenir une série de cytochromes dont le plus puissant est le CYP2C19. Cette grande hétérogénéité de réponse est due à la perte d’un allèle (30 % des cas) ou de deux allèles (3 % des cas). Ceci a été suggéré initialement à partir d’une cohorte française de 2 208 patients avec IDM traités par clopidogrel. Les auteurs ont mis en évidence un sur-risque d’événement cardiovasculaire (IDM ou décès) (21,5 % en cas de perte d’au moins un allèle contre 13,3 % en son absence (figure 4)[6]. Figure 4. Risque d’événement cardio-vasculaire selon le polymorphisme pour le CYP2C19. Quel est l’impact des variations alléliques de CYP2C19 ? Une métaanalyse des études ayant étudié l’impact du polymorphisme pour le gène codant pour le CYP2C19 vient d’être rapportée dans le JAMA. À partir d’une revue de la littérature exhaustive, les auteurs ont identifié 9 études, correspondant à une population de 9 685 patients (dont 91,3 % de patients traités par angioplastie et 54,5 % pour un SCA). La prévalence des « mutants pour le gène CYP2C19 » est de 26,3 % pour les hétérozygotes et de 2,2 % pour les homozygotes. Les patients avec perte d’un allèle (HR 1,55 ; IC : 1,11-2,17 ; p = 0,01) ou de deux (HR 1,76 ; IC : 1,24-2,50 ; p = 0,002) ont un sur-risque de survenue d’événement cardiovasculaire par comparaison aux patients non porteurs de ce polymorphisme. Le risque de survenue de thrombose de stent était encore plus grand (sur-risque respectif de 167 % et 297 %)[7].   Dans ces conditions, comment améliorer l’effet antiagrégant plaquettaire ? Il existe plusieurs possibilités : • la première consiste à privilégier d’autres antiagrégants plaquettaires, plus puissants et/ou ayant une pharmacologie différente (indépendante de la voie du CYP2C19 par exemple) ; • une autre possibilité consiste à réaliser des tests d’efficacité in vitro, avant la mise en place du traitement, mais cela semble difficile, voire impossible, en pratique devant une urgence ; • enfin, il est possible de faire une analyse génétique (étudier le polymorphisme du CYP2C19). Dans les deux derniers cas, l’objectif est de pouvoir adapter les doses de clopidogrel à chaque patient, en tenant compte de sa sensibilité à ce médicament. Le bénéfice d’une telle attitude semble évident, et pourtant…   GRAVITAS Les résultats de cette étude qui viennent d’être présentés à l’AHA 2010 sont quelque peu déconcertants. 5 429 patients traités par clopidogrel au décours d’une angioplastie coronaire ont été évalué par un des tests les plus répandus, le VerifyNow. 2 214 avaient une activité plaquettaire résiduelle importante (PRU > 230) et ces patients ont été randomisés en deux groupes : poursuite du clopidogrel à la posologie de 75 mg/j ou doublement de la posologie de clopidogrel à 150 mg/j. À 6 mois, le critère combiné de décès cardiovasculaire/IDM/ thrombose de stent était comparable (2,3 % dans chacun des groupes) ainsi que le taux de saignements. Ces résultats sont d’une importance capitale pour notre pratique quotidienne, ce qui est quelque peu inhabituel pour une « étude négative ». Le doublement de la posologie de clopidogrel chez les patients « non répondeurs » identifiés par le VerifyNow est inutile. Les raisons d’un tel échec restent en revanche inexpliquées. Anti-glycoprotéine IIb/IIIa (GPIIb-IIIa) Les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa (anti-GPIIb-IIIa) inhibant la dernière étape de l’agrégation plaquettaire sont l’abciximab (un anticorps monoclonal), le tirofiban et l’eptifibadite (des analogues peptidiques). Tous ces produits doivent être administrés par voie IV. Initialement évalués en association avec l’aspirine et l’héparine, ces médicaments ont démontré une diminution du risque de récidive d’événement ischémique (thrombose de stent inclus), au prix d’un sur-risque hémorragique. Leur place apparaît actuellement plus en retrait depuis l’avènement des inhibiteurs du P2Y12. En cas de SCA sans sus-décalage du segment ST, ils sont indiqués chez les seuls patients à haut risque soumis à une angioplastie. Chez les patients avec SCA et sus-décalage du segment ST, l’administration précoce d’abciximab en amont de la coronarographie offre des bénéfices divergents selon les études. Les données de registres ainsi que les métaanalyses retrouvent un bénéfice de l’administration d’antiGpIIb-IIIa chez les patients à haut risque, pris en charge précocement, en amont de l’angioplastie. Prasugrel Le prasugrel est un antiagrégant thiénopyridinique dont l’effet est également médié par l’inhibition du récepteur P2Y12 (comme le clopidogrel). Il est cependant moins sensible que le clopidogrel au variant génétique du CYP2C19. Son effet antiagrégant plaquettaire est plus puissant et semble constant, y compris chez les patients qui présentent une « résistance biologique » au clopidogrel. Son efficacité a été démontrée dans les SCA dans l’étude TRITON-TIMI 38[8]. Au terme de l’étude, le prasugrel a réduit de 19 % (différence significative) le risque relatif de survenue du critère principal, un critère composite regroupant décès cardiovasculaire, IDM non fatal ou AVC non fatal. Le bénéfice du prasugrel était également démontré sur la majorité des critères secondaires, à l’exception de la mortalité totale ou de la mortalité cardiovasculaire (tableau 2). Ce bénéfice était associé à une augmentation de 0,6 % des hémorragies majeures (critères TIMI) non liées à un pontage coronarien. Ainsi, sur l’ensemble de la population de l’étude, la balance bénéfice-risque était significativement en faveur du prasugrel. Ce bénéfice est plus marqué encore dans le sous-groupe des patients diabétiques (analyse prévue par le protocole) avec une réduction du risque relatif de survenue du critère principal de 30 % sans sur-risque hémorragique significatif. Dans les sous-groupes, les patients ayant des antécédents d’AVC ou d’AIT, âgés de ≥ 75 ans et ceux de < 60 kg, il n’existait pas de bénéfice clinique net significatif du prasugrel (en raison d’un risque hémorragique accru essentiellement). Les points forts de cette étude sont sa méthodologie rigoureuse, le nombre de patients étudiés, la comparaison versus clopidogrel (avec dose de charge) et la démonstration d’un bénéfice sur le critère principal et la majorité des critères secondaires. Ses principales limites sont l’utilisation du clopidogrel à la posologie de 300 mg en dose de charge (aucun patient traité par 600 mg), l’exclusion des patients traités par clopidogrel préalablement à l’étude, et surtout les critères d’inclusion non adaptés à la pratique quotidienne : les patients étaient randomisés au décours immédiat de la coronarographie. En effet, on peut imaginer qu’une administration plus précoce de prasugrel (chez des patients moins sélectionnés) puisse majorer le risque hémorragique. Le prasugrel (Efient®) a été approuvé en Europe et aux Etats-Unis.   Ticagrelor Le ticagrelor est antagoniste réversible de l’ADP qui n’appartient pas à la famille des thiénopyridines. Il évite donc la métabolisation par les différents cytochromes hépatiques et est dépourvu d’interaction médicamenteuse significative. Le ticagrelor a été évalué dans une très large étude clinique (PLATelet inhibition and Patient Outcome-PLATO) de 18 624 patients et son bénéfice démontré[9]. Les patients inclus avaient un SCA évoluant depuis moins de 24 heures ; les patients ont été randomisés entre ticagrelor (180 mg en dose de charge puis 90 mg x 2/j) versus clopidogrel (300 mg de dose de charge en l’absence de traitement préalable puis 75 mg/j) pour une durée de 12 mois. Le critère principal était l’association des décès cardiovasculaires, IDM et AVC. Les traitements associés étaient conformes aux dernières recommandations et identiques dans les 2 groupes. Au terme du suivi, le ticagrelor a diminué de 16 % le risque de survenue du critère principal par rapport au clopidogrel (figure 5). Sa supériorité par rapport au clopidogrel était démontrée pour l’ensemble des critères secondaires, y compris la mortalité (diminution relative de 22 %) (tableau 3). Les points forts de cette étude sont sa méthodologie rigoureuse, les critères d’inclusion adaptés (correspondent aux patients rencontrés en pratique quotidienne), la comparaison au clopidogrel (avec dose de charge), la démonstration d’un bénéfice sur le critère principal, les principaux critères secondaires et surtout la mortalité globale et cardio-vasculaire. Ses points faibles sont le délai tardif de prise en charge, le faible taux d’utilisation d’anti-GPIIb-IIIa, la dose de charge de clopidogrel de 300 mg seulement et l’utilisation d’une énième définition des accidents hémorragiques. Plusieurs études ancillaires ont été rapportées et confirment le bénéfice du prasugrel dans différents sous-groupes préspécifiés à l’avance. Chez les patients ayant bénéficié d’une prise en charge invasive, le prasugrel diminue de 15 % le critère d’évaluation principal et de 18 % la mortalité globale par rapport au clopidogrel. Chez les patients n’ayant pas bénéficié d’une angioplastie, la réduction du critère principal est également significative. Enfin, le bénéfice du ticagrelor est retrouvé tant chez les patients diabétiques (quel que soit le niveau de contrôle de la glycémie) que chez les non diabétiques, et chez les patients avec ou sans allèle muté codant pour le CYP2C19. En effet, il était important de savoir si le bénéfice du ticagrelor pouvait être dû à une « résistance au clopidogrel ». La réduction du risque d’événement cardiovasculaire obtenue avec le ticagrelor est indépendante de la perte ou non d’un allèle (réduction relative par rapport au clopidogrel de 14 % en l’absence de perte d’un allèle et de 23 % en cas de perte d’un allèle ou plus). Le ticagrelor n’a à ce jour pas été approuvé par les différentes agences du médicament, mais nul doute qu’il obtiendra ce fameux sésame. En effet, la FDA a pour l’instant mis sa décision en suspens de nouvelles informations fournies par le laboratoire. Le premier problème est celui de la nécessité d’une prise biquotidienne. Les résultats d’un nouvel essai comparatif de ticagrelor par rapport au clopidogrel ont été récemment rapportés : la suppression d’une des 2 doses de ticagrelor n’entraîne pas de diminution de l’effet antiagrégant. L’autre problème soulevé est celui de la survenue de dyspnée (13,8 % dans le groupe ticagrelor contre 7,8 % dans le groupe clopidogrel) qui reste pour l’instant inexpliquée (il n’existe pas de modification de la contractilité) et pourrait risquer de diminuer l’observance des patients. Figure 5. Résultats de l’étude PLATO sur le critère principal. Autres antiagrégants plaquettaires en cours de développement Parmi ces molécules figurent le cancagrelor. Il s’agit d’un agent non thiénopyridinique, dont le mécanisme d’action est similaire à celui du ticagrelor mais à demi-vie plus longue. Le cilostazol est un antiagrégant plaquettaire inhibiteur des phosphodiestérases qui possèderait des propriétés pléiotropes anti-athéromateuse et anti-resténose. Enfin, le récepteur plaquettaire à la thrombine (protéase activated receptor 1) constitue une cible potentielle du traitement de la thrombose artérielle. Le vorapaxar est un nouvel antagoniste du récepteur PAR-1 actuellement à l’étude. Les premiers résultats indiquent que le vorapaxar associé à la bithérapie aspirine + clopidogrel diminue les événements ischémiques post-angioplastie sans augmentation significative du risque hémorragique.

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