publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Coronaires

Publié le 16 juin 2009Lecture 11 min

Syndrome coronaire aigu

A. JÉGOU*, N. MARQUE**, C. SPAULDING** * Hôpital privé de Parly II, Le Chesnay ** Hôpital Cochin, Université Paris-Descartes

Les études épidémiologiques des urgences coronaires sont difficiles à réaliser, le terme général de syndrome coronaire aigu (SCA) incluant une grande diversité de diagnostics, au pronostic radicalement différent. La prévalence du SCA est estimée en France à environ 2 500 par million d’habitants.

Les patients présentant un SCA bénéficieront le plus souvent d’une exploration coronarographique et en fonction du terrain et des lésions coronaires, on proposera en plus du traitement médical, une revascularisation chirurgicale ou percutanée. Malgré cette prise en charge, la mortalité reste élevée. À 1 mois, elle est de 3,4 % dans les SCA ST- et de 6,4 % dans les SCA ST+ d’après le registre EuroHeart Survey(1). Ces 10 dernières années ont été riches en évolution sur le plan de l’environnement pharmacologique ou de la stratégie de reperfusion des SCA. FAST-MI est un registre des patients hospitalisés dans les 48 h suivant le début d’un infarctus du myocarde (IDM), avec ou sans sus-décalage ST, pendant une période de 31 jours consécutifs, au cours du dernier trimestre 2005(2). En 1995, 50 % de patients étaient reperfusés, 51 % l’étaient en 2000 et 60 % en 2005. On observe une montée importante de l’angioplastie primaire qui est passée de 13 % en 1995 à 23 % en 2000 et à 33 % en 2005. Du point de vue de la mortalité hospitalière (au 5e jour d’hospitalisation), on constate une nette diminution en 10 ans : de 8,3 % en 1995, à 6,6 % en 2000 et 4,3 % en 2005. Pour les patients thrombolysés uniquement, elle passe de 5,8 % en 1995, à 5,5 % en 2000 et 2,6 % en 2005. Dans le groupe angioplastie primaire, la mortalité hospitalière diminue très régulièrement, de 6,9 % en 1995 à 4,9 % en 2000 puis à 2,9 % en 2005. Chez les patients qui n’ont eu aucun traitement de reperfusion, on a également une baisse de la mortalité hospitalière très nette de 11 % en 1995 à 8 % en 2000 et 6,7 % en 2005. Cette amélioration est liée à la meilleure prise en charge pharmacologique et globale. Dans le registre OPERA qui a inclus 2 151 patients consécutifs hospitalisés en France pour SCA ST+ ou ST-, il ne semblait pas exister de différence en termes de mortalité hospitalière entre les deux types de SCA (4,6 % pour les SCA ST- vs 4,3 % pour le SCA ST+). À 1 an, près de 10 % des patients ayant présenté un infarctus décèdent (9,0 % pour les SCA ST+ vs 11,6 % pour le SCA ST- ; p = 0,09) et 16 % nécessitent une nouvelle revascularisation(3). Malgré les avancées thérapeutiques et une meilleure gestion des SCA, le risque d’événement athérothrombotique persiste et l’incidence des événements à 1 an reste élevée. En 2008, l’amélioration de la prise en charge des patients ayant présenté un SCA reste un défi pour le monde cardiologique. La physiopathologie de la maladie athéromateuse est complexe, impliquant notamment la thrombose, l’inflammation, la génétique et l’environnement. La survenue d’un nouvel événement cardiovasculaire chez un patient bénéficiant d’un traitement antiplaquettaire adéquat est probablement multifactorielle. Il est actuellement reconnu que pour un certain nombre de patients, le traitement antiagrégant actuellement recommandé s’avère insuffisant. En effet, depuis plusieurs années, on a démontré une hétérogénéité interindividuelle de la réponse plaquettaire et de l’impact biologique des traitements antiagrégants. Pour différents patients, le même traitement antiplaquettaire (clopidogrel) peut procurer des niveaux d’inhibition plaquettaire hétérogènes (figure 1). Ainsi sont apparues les notions de « résistance » ou de mauvaise réponse à l’aspirine et au clopidogrel. Figure 1. Distribution de la réponse au clopidogrel (d’après Serebruany et al.(3)). Variabilité interindividuelle aux antiagrégants plaquettaires Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer ces variations interindividuelles. La première cause à éliminer chez un patient présentant une hyperactivité plaquettaire malgré le traitement est une mauvaise observance. L’essai PREMIER (Prospective Registry Evaluating Myocardial Infarction : Events and Recovery) a fait participer 19 centres nord-américains de cardiologie, de janvier 2003 à juin 2004(4). Au total, 2 498 patients souffrant d’un IDM aigu ont été consignés. Seuls ceux stentés avec une endoprothèse active et sous thiénopyridine à la sortie de l’hôpital ont fait l’objet de ce travail. Les investigateurs ont mesuré le taux d’arrêt de la thiénopyridine (clopidogrel ou ticlopidine) à 30 jours. L’analyse a porté sur 500 patients. À 1 mois, 68 patients (13,6 %) avaient interrompu leur traitement par thiénopyridine. La mortalité à 1 an des patients qui ont arrêté la thiénopyridine dans le mois suivant la revascularisation a été de 7,5 %, contre seulement 0,7 % chez les observants. Après ajustement sur les facteurs de risque d’interruption, le risque relatif (RR) a été de 9. Les réhospitalisations pour cause cardiaque ont aussi été plus fréquentes après interruption précoce : 23 % versus 14 % (RR = 1,5). La non-observance et l’arrêt prématuré des traitements antiplaquettaires sont clairement identifiés comme un facteur de risque majeur de complication ischémique et notamment de thrombose de stent. Dans l’étude de Iakovou et al.(5), la première cause de thrombose de stent a été l’arrêt prématuré du traitement antiagrégant recommandé avec un risque relatif de 89,78 ! De très nombreux autres facteurs peuvent influencer la réponse biologique aux thiéropyridines : les plaquettes elles-mêmes peuvent être moins sensibles du fait d’un syndrome inflammatoire, d’un diabète, de l’augmentation du turn-over plaquettaire, etc. ; enfin, citons les interactions médicamenteuses. Comment tester l’antiagrégation plaquettaire ? Plusieurs tests ont été développés pour mesurer l’activité du traitement antiagrégant. Le temps de saignement n’a qu’un intérêt limité. Le dosage des métabolites du thromboxane A2. Il permet d’évaluer l’inhibition de la synthèse du thromboxane A2 par l’aspirine. Un mécanisme phare de la résistance à l’aspirine semble être le défaut d’inhibition de cette synthèse. Ce test est un bon reflet de l’efficacité biologique de la prise d’aspirine. L’agrégométrie plaquettaire. C’est actuellement le test de référence pour l’aspirine. Il a permis de montrer qu’il existait environ 5 % de patients résistants à l’aspirine. Ce test présente cependant des inconvénients : il doit être « techniqué » dans les 2 heures suivant le prélèvement, il requiert une équipe entraînée et il existe une grande variabilité interlaboratoires. Sa spécificité est insuffisante pour tester le clopidogrel. Le VerifyNow®. Il permet de tester l’aspirine, le clopidogrel, les anti-GpIIb/IIIa. Il est semi-automatique et le résultat est disponible en 5 minutes. Pour l’aspirine, il existe une bonne corrélation avec l’agrégométrie plaquettaire avec un seuil retenu d’efficacité de l’aspirine pour des valeurs < 550 unités. Pour le clopidogrel, les résultats sont exprimés en unités dont le seuil reste à définir et en pourcentage d’inhibition. Le test n’est pas fiable pour des valeurs d’hématocrite < 33 % et il existe une interaction entre les antiagrégants plaquettaires conduisant à surestimer l’activité du clopidogrel chez les patients déjà traités par aspirine. Le PFA-100, correspond à une mesure du temps de saignement in vitro (temps d’occlusion). C’est un test simple, automatisé, permettant une réponse rapide < 10 minutes. Il est par contre peu spécifique, sensible à la numération plaquettaire et inadapté à l’évaluation du clopidogrel. Le VASP (Vasodilatator simulated phosphoproteine), semble être le test le plus adapté à la mesure de l’efficacité du clopidogrel. La protéine VASP est non phosphorylée à l’état basal. La prostaglandine E1 (PGE1) grâce à la voie de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) va phosphoryler VASP. L’ADP par l’intermédiaire des récepteurs P2Y12 (cible des thiénopyridines) inhibe la synthèse d’AMPc et, par conséquent, la phosphorylation de la protéine VASP. Les plaquettes dont VASP reste phosphorylée (plaquettes clopidogrel) reflètent donc le blocage des récepteurs. Le clopidogrel est efficace quand l’index de réactivité de la protéine (IRP) VASP est < 50 %. Ce test est spécifique du récepteur au clopidogrel, mais nécessite une cytométrie de flux qui le limite aux gros centres. Antiagrégants plaquettaires et prévéntion des événements ischémiques Les thiénopyridines ont permis le développement de l’angioplastie coronaire avec un risque d’événements thrombotiques limité. Le clopidogrel a prouvé sa supériorité par rapport à la ticlopidine dès les années 2000(6) puis associant clopidogrel et aspirine a largement été évalué dans différentes études (CURE et PCI-CURE, CREDO, CLARITY) en termes d’efficacité et de tolérance. La bithérapie antiplaquettaire associant clopidogel et aspirine a permis une réduction des événements thrombotiques de 25 % environ chez les patients présentant un SCA par rapport à l’aspirine seule. La bithérapie antiplaquettaire clopidogrel-aspirine s’est ainsi imposée comme la pierre angulaire dans le traitement des patients présentant un SCA. Cependant, des limites au traitement par clopidogrel ont été décrites dont une variabilité d’inhibition plaquettaire aux tests d’agrégation in vitro (notamment les tests ADP, VASP et VerifyNow®) et un délai d’action jugé trop long. Aucun de ces tests n’est pour l’instant recommandé en routine car ils font toujours l’objet de recherche clinique. Ils ont cependant potentiellement un grand intérêt clinique. En effet, il a été démontré que la résistance au traitement par clopidogrel était prédictive d’un nouvel événement athérothrombotique chez un patient ayant déjà présenté un IDM(7). Dans l’étude de Matesky, 60 patients hospitalisés pour SCA ST+ et stentés ont été suivis prospectivement et répartis en quatre quartiles en fonction des résultats des tests d’agrégométrie plaquettaire sous ADP. Les patients non répondeurs sont ceux qui ont gardé une agrégabilité plaquettaire > 70 % sous ADP : – dans le 1er quartile, les patients étaient résistants au clopidogrel (25 %) ; – dans les quartiles 2 à 4, il y avait une diminution de l’agrégation plaquettaire après ADP à 69, 58 et 33 %, respectivement. À 6 mois, 40 % des patients du premier quartile (patients résistants) ont présenté une récurrence d’événement cardiovasculaire majeur contre 1 patient dans le 2e quartile (6,7 %) et aucun dans les 3e et 4e quartiles. Une étude récente de Buonamici a montré que la résistance au clopidogrel était également prédictive de la survenue de thrombose de stent actif(8). Elle a inclus 804 patients qui recevaient 600 mg de clopidogrel avant la procédure puis un traitement de fond de 325 mg d’aspirine et 75 mg de clopidogrel. Sur les 804 patients, 105 (13 %) étaient résistants au clopidogrel (agrégabilité plaquettaire > 70 % sous ADP). L’incidence de thrombose de stent (certaine et probable) était de 2,3 % chez les répondeurs contre 8,6 % chez les non-répondeurs (p < 0,001) (figure 2). En 2008, Bonello et al.(9) ont publié une étude dans laquelle pour la première fois la dose de clopidogrel était adaptée à la réponse biologique. L’objectif des investigateurs de cette étude était ambitieux : montrer qu’adapter le traitement antiplaquettaire selon le degré de réponse plaquettaire au clopidogrel permettait d’influer sur le pronostic, en particulier sur l’incidence des événements cardiovasculaires majeurs. L’étude a porté sur 406 patients bénéficiant d’une angioplastie non urgente pour angor stable ou pour un SCA. Tous les patients ont reçu de l’aspirine et une dose de charge de 600 mg de clopidogrel. Une faible réponse au clopidogrel dont témoigne un index VASP > 50 % a été retrouvée chez 162 patients. Les patients faiblement répondeurs (40 %) ont été randomisés entre deux groupes. Figure 2. Thrombose de stent en fonction de la réponse au clopidogrel (d’après Buonamaci P. et al.(8)). Dans le premier groupe, jusqu’à trois doses de charge supplémentaire de clopidogrel, à raison d’une dose de charge par 24 heures, ont été administrées jusqu’à ce que l’index VASP soit inférieur à 50 %. L’angioplastie était réalisée après ces adaptations du traitement. Malgré une augmentation des doses de clopidogrel jusqu’à 2 400 mg, 14 % des patients restaient encore non répondeurs à ces doses élevées. Le second groupe a été traité de manière conventionnelle et n’a pas reçu de doses de charge supplémentaires. À 30 jours, aucun événement n’est survenu dans le groupe guidé par le VASP contre 8 événements (décès CV, IDM, revascularisation) dans le groupe conventionnel, soit chez 10 % des patients (p = 0,07). Ces études sont très intéressantes d’un point de vue scientifique mais ont retardé la prise en charge interventionnelle par angioplastie pour certains patients (groupe guidé par le VASP) de plusieurs jours ce qui allonge considérablement le temps d’hospitalisation et les coûts. Ces études ont démontré la corrélation entre le niveau d’inhibition plaquettaire et la survenue d’événements ischémiques majeurs. Antiagrégants plaquettaires et thromboses de stents Parmi les événements aigus survenant après l’implantation d’une endoprothèse, la thrombose de stent est probablement le plus redouté. Malgré une incidence relativement faible (2 % environ), il persiste un risque de thrombose de stent au long cours d’environ 0,6 % par an (métaanalyse de Stettler(10)) sans différence entre les prothèses nues ou actives. Les thromboses de stent sont grevées d’une morbi-mortalité majeure avec environ 25 à 45 % de décès et 70 % d’infarctus avec ondes Q. Les facteurs favorisant la thrombose sont bien identifiés et sont retrouvés à tous les niveaux de la prise en charge. Tout d’abord, pendant la procédure, du fait de l’importante longueur de stent implanté, la petite taille du vaisseau, la présence d’une bifurcation, ou le mauvais déploiement des stents qui sont des situations à haut risque. Au niveau du patient : le diabète, l’obésité, et surtout la mauvaise observance. Au niveau du traitement : la mauvaise réponse au traitement antiagrégant. Interaction médicamenteuse liée au cytochrome P450 La transformation du clopidogrel en son métabolite actif est fortement dépendante (2 passages hépatiques) de cytochromes tels le cytochrome P450. Il existe des interactions médicamenteuses potentiellement nombreuses pouvant limiter l’activité de ce médicament. Il a été récemment suspecté que l’utilisation de certains inhibiteurs de la pompe à protons (IPP : oméprazole, lansoprazole, rabéprazole), limiterait l’efficacité du clopidogrel au long cours et augmenterait le risque de ré-infarctus, ce qui n’était pas le cas avec le pantoprazole. Cette interaction a été documentée récemment : chez 8 205 patients pris en charge après un syndrome coronaire aigu et traités par clopidogrel, 63,9 % (n = 5 244) prenaient également un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). En analyse multivariée, la coprescription clopidogrel-IPP augmente le risque de décès ou de réhospitalisation pour SCA de 25 %(11). Or en France, les IPP sont très souvent prescrits chez les patients présentant un SCA en association au clopidogrel pour réduire le risque de saignements gastro-intestinaux. Selon les auteurs d’une étude épidémiologique canadienne récente sur une cohorte de près de 1 800 patients, 7 à 14 % des hospitalisations pour réinfarctus dans cette cohorte seraient attribuables à l’interaction de certains IPP avec le clopidogrel en post-infarctus(12). L’oméprazole, le pantoprazole et la rabéprazole sont associés à une augmentation de 40 % du risque de réinfarctus à 90 jours. Aspect génétique de la variabilité de réponse au clopidogrel En dehors des interactions médicamenteuses, il a été récemment établi qu’il pouvait exister plusieurs prédispositions génétiques pouvant affecter la réponse au clopidogrel, notamment par l’intermédiaire d’un polymorphisme génétique sur le cytochrome P450 qui serait présent chez un quart de la population. Les porteurs de cette variante génétique seraient deux fois moins sensibles à une dose de 75 mg de clopidogrel que les non-porteurs. Il semble que d’autres variations génétiques pourraient influencer cette sensibilité d’action. Chez les 30 % de patients porteurs d’au moins un variant du cytochrome P450 2C19 (CYP2C19), il a été observé une augmentation de 53 % du risque de décès CV, d’infarctus ou d’AVC, ainsi qu’une multiplication par 3 du risque de thrombose de stent par rapport aux patients non porteurs de ce variant(13). De plus, chez les patients jeunes porteurs de la mutation ayant survécu à un infarctus, on note(14) : – une augmentation multipliée par 3,69 du risque de décès, d’infarctus et des revascularisations coronaires en urgence au cours du traitement avec le clopidogrel ; – le risque de thrombose de stent est multiplié par 6,02 chez les porteurs du variant génétique. En pratique Un très intéressant site internet (ONASSIST : ONline ASSIstance For stent Thrombosis)(15) vient d’être lancé par l’équipe de la Pitié-Salpêtrière (J.-P. Collet, J.-S. Hulot et G. Montalescot) qui collecte des données sur les thromboses de stent et apporte une expertise en ce qui concerne le régime antiplaquettaire souhaitable après d’éventuels tests biologiques et génétiques réalisés par cette équipe. Les nombreux développements en cours dans le domaine des antiagrégants plaquettaires et l’arrivée prochaine de nouvelles molécules devraient contribuer à une modification des pratiques dans la prise en charge des SCA, notamment chez les patients stentés.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 82

Vidéo sur le même thème