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Mise au point

Publié le 15 mar 2018Lecture 5 min

IRM sur matériel « non IRM compatible » - Quel protocole adopter ?

Pierre-François WINUM, M. GRANIER, CHU de Nîmes

Le risque d'une IRM chez les patients porteurs de prothèses conventionnelles a été largement surestimé, notamment depuis la mise sur le marché des prothèses dites « IRM compatibles », labellisées initialement selon des modélisations informatiques et des tests in vitro. Désormais, les preuves cliniques de la faisabilité d’une IRM sur pacemaker (PM) ou défibrillateur automatique implantable (DAI) non labellisés comme compatibles, sous réserve de respecter certaines conditions, sont suffisantes pour adopter quasiment la même attitude quel que soit le type de prothèse.

L’IRM est une source d’interférences. Elle utilise, pour la réalisation des images, des champs magnétiques (statique et gradient) et des impulsions de radiofréquence. En l’absence de programmation préalable, l’effet électromagnétique (« bruit ») reste le problème essentiel car il peut leurrer l’asservissement, inhiber la stimulation et entraîner des thérapies inappropriées. L’effet mécanique (« déplacement ») est négligeable, du fait de la très faible quantité, depuis de nombreuses années, des composants ferromagnétiques. Par ailleurs, l’échauffement des sondes au niveau de l’interface tissulaire, dû à l’extension d’énergie de radiofréquence, a été démontré in vitro mais l’impact clinique est peu significatif, au moins pour les sondes endocardiques non abandonnées. Les recommandations ESC de 2013(1) Elles autorisent la réalisation d’une IRM sur des prothèses conventionnelles jusqu’à 1,5 tesla, et selon certaines conditions (classe II b, niveau de preuve B). Depuis 1996, plus de 15 études monocentriques ont été publiées, toutes concluant au faible impact de l’IRM. En 2011, S. Nazarian et al.(2) ont relevé seulement 3 passages en mode reset sur une étude prospective de 438 porteurs de PM et DAI conventionnels programmés préalablement et bénéficiant de 555 IRM de 1,5 tesla. J.-D. Cohen et al.(3) ont démontré dans une étude prospective et randomisée, face à un groupe contrôle, l’absence d’événements graves sur 125 IRM 1,5 T dont 10 % thoraciques. Tout au plus, ils ont noté quelques variations d’impédances, de recueil et de seuil de stimulation sans conséquences. L’année 2017 est une année pivot Le registre MagnaSafe(4) confirme l’innocuité de l’IRM, sous conditions, sur plus de 1 500 porteurs de prothèses conventionnelles dont 500 DAI. Les résultats de ce registre prospectif multicentrique, réalisé entre 2009 et 2014 aux États-Unis, ont été communiqués en novembre 2014 lors de la Heart Rhythm Society (HRS) et publiés en février 2017. Ont été inclus les patients avec des prothèses implantées après 2001, quel que soit le type et l’ancienneté de sonde, pour bénéficier d’une IRM 1,5 T non thoracique, sous surveillance, avec une programmation pré et post-IRM. Les patients avec des sondes abandonnées étaient exclus, tout comme ceux porteurs de DAI dépendants de la stimulation car beaucoup de ces appareils étaient dépourvus de mode de stimulation asynchrone. Au final, on constate seulement, parmi les patients préprogrammés, la survenue de 6 modes reset. En mai 2017, un consensus d’experts HRS(5) encourage la réalisation d’une IRM sur prothèses non labellisées avec une recommandation classe IIA et niveau de preuve B, en l’absence de sonde défectueuse, abandonnée ou épicardique et selon un protocole prédéfini. Enfin, en décembre 2017, Nazarian et son équipe(6) ont publié les données de 1 509 patients implantés avec des systèmes conventionnels (42 % de DAI, 11 % de CRT, 9 % dépendants de la stimulation), inclus dans un registre prospectif monocentrique de 2003 à 2015. Plus de 2 000 IRM ont été réalisées dont 12 % thoraciques. Aucun événement grave n’a été relevé (9 modes reset, dont 1 définitif en raison d’une batterie proche de l’indication de remplacement électif, ERI). Il est également intéressant de noter que le radiologue était libre dans son protocole d’acquisition, le taux d’absorption spécifique (SAR en watt/kg) n’étant pas limité. Ces données sont donc rassurantes. Toutefois, il convient d’être prudent car toutes les prothèses conventionnelles de chaque constructeur n’ont pas été testées ou l’ont été en petit nombre. À titre d’exemple, une information de sécurité(7) a été émise en 2017 par LivaNova à propos d’une surconsommation de batterie sur certains DAI, défaillance corrigée depuis. En pratique, comment faire ? Établir un protocole institutionnel Du fait de la multiplicité des intervenants, il s’avère incontournable pour un fonctionnement routinier. Il est d’ailleurs recommandé par la HRS, et indispensable à l’ère des certifications. Il précise notamment le circuit patient (figure), l’information du patient, l’environnement (chariot de réanimation), la surveillance per-IRM (ECG, oxymétrie de pouls, conditions d’arrêt de l’examen), le brancardage et la disponibilité du cardiologue. Figure. Exemple de circuit patient pour tous types de PM ou DAI. Traçabilité par une checklist (tableau) Sur cet exemple, utilisé en routine, nous avons récemment écarté le classique délai empirique de 6 semaines postimplantation (recommandation classe IIa, niveau de preuve B, HRS 2017) et l’exclusion du thorax(6). Les sondes épicardiques chirurgicales présentant un risque thermique plus élevé car en milieu exsangue, et en l’absence de données cliniques suffisantes, elles sont actuellement contre-indiquées, de même que les sondes abandonnées. Programmation du « mode IRM » La fonction stimulation est habituellement activée en asynchrone, à l’étage atrial et/ou ventriculaire, avec une fréquence élevée et fixe, ce qui facilite la surveillance. La fonction défibrillation est systématiquement désactivée. Il faut rester très vigilant vis-à-vis du risque d’une programmation en mode asynchrone et ne pas hésiter à refuser un examen en cas d’instabilité rythmique. La société Boston Scientific a d’ailleurs fait le choix de ne pas proposer de mode asynchrone sur ses DAI, même labellisés. Les systèmes (boîtier et sondes) labellisés « IRM compatible » présentent-ils un avantage ? Certainement, puisque le risque d’interférence est prévu pour être encore plus faible, voire nul. Ils facilitent la programmation du mode IRM par des préréglages et peuvent éviter une consultation post-IRM grâce aux minuteries ou à un mode IRM automatique. De plus, certains sont validés pour des examens à 3 teslas. Conclusion Les prothèses, labellisées ou non IRM compatibles, peuvent évoluer dans un environnement IRM mais sous conditions, globalement similaires. Le risque de l’IRM sur les prothèses conventionnelles, si ces conditions sont remplies, est très faible et permet donc l’accès à ce type d’examen. La survenue d’un mode reset est la complication la plus fréquente ; elle n’est pas délétère et peut être classiquement corrigée par une reprogrammation.

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