Publié le 29 fév 2016Lecture 4 min
Positionnement de boîtier : pré ou rétropectoral ?
H. BLANGY, département de cardiologie, Institut des maladies du coeur et des vaisseaux Louis Mathieu, CHU de Nancy
À l’aube d’une nouvelle ère de défibrillateurs (DAI) sous-cutanés et de stimulateurs (PM) sans sonde très prometteuse, la question du positionnement du boîtier peut sembler désuète, voire dépassée. Mais les sondes et les boîtiers que nous utilisons ne vont pas quitter notre paysage du jour au lendemain. Alors, sonde simple ou double coil, position pré ou rétropectorale restent des questions d’actualité et sont souvent le reflet d’habitudes qui varient en fonction des centres, voire des opérateurs.
Initialement, la position rétropectorale était pratiquement inévitable en raison du volume des prothèses. Aujourd’hui, elle se justifie surtout pour des motifs esthétiques, mais elle garde ses inconditionnels. Cette technique est associée à un certain nombre d’idées reçues : difficultés techniques, fragilisation des sondes, meilleure tolérance cutanée… Alors qu’en est-il exactement ?
Un peu d’histoire
Du fait de leur taille, les premiers PM ont été implantés en abdominal et connectés à des sondes épicardiques. Avec l’apparition des sondes endocardiques et des boîtiers de plus petite taille, la position pectorale s’est vite imposée. Le succès de l’implantation rétropectorale n’a jamais été majeur en raison de problèmes de stimulation musculaire dus à l’emploi de sondes unipolaires. Lorsque les sondes bipolaires se sont généralisées, la taille des boîtiers permettait depuis longtemps une implantation sous-cutanée, prépectorale, sauf dans de rares cas, par exemple chez l’enfant(1).
Tout comme le PM, le DAI a d’abord été implanté en abdominal sur des sondes épicardiques, avant de passer en pectoral sur des sondes endocardiques. Ici en revanche, la taille imposante des boîtiers pousse encore un certain nombre d’entre nous à privilégier la position rétropectorale.
L’implantation rétropectorale
Un minimum de maîtrise technique et de connaissance anatomique sont requis avant de se lancer dans une implantation rétropectorale. Le muscle grand pectoral permet les mouvements d’adduction, flexion et rotation du membre supérieur. Il est composé de deux chefs musculaires principaux : le claviculaire et le sternocostal.
La procédure commence comme d’habitude par l’implantation de la sonde via la veine céphalique ou la veine sousclavière. On aborde ensuite le plan de clivage entre les 2 chefs musculaires, situé environ 3 cm plus bas que le sillon deltopectoral (figure 1). Il est alors possible de créer une poche soit intrapectorale entre les 2 chefs musculaires(2), soit rétropectorale au contact du grill costal(3). Dans les deux cas, l’index suffit pour séparer les plans musculaires et ce faisant les risques de saignement demeurent limités. Le boîtier est inséré avec la sonde en dessous pour une position sous-cutanée ou intramusculaire, avec la sonde au-dessus en rétromusculaire pour éviter l’érosion sur le grill costal.
Figure 1. Anatomie de l’épaule et du muscle pectoral (vue antérieure).
Avantages et inconvénients
La taille actuelle des boîtiers de PM et de DAI permet, particulièrement chez le patient lorrain, d’envisager une implantation sous-cutanée. Toutefois, il faut bien admettre que la position rétropectorale limite davantage le préjudice esthétique. Passés les premiers jours, le patient est également moins gêné par la présence de son boîtier et cette position protège la peau du risque d’érosion. Il semble également exister moins de risques de déplacement précoce de sonde ou de Twiddler’s syndrome(2, 4).
En revanche, la procédure est un peu plus longue, plus délicate à mener en l’absence d’anesthésie générale et les changements de boîtiers sont un peu plus fastidieux. Mais tout cela est avant tout question d’habitude. Le risque le plus important concerne la sonde ellemême.
Dans une série de 176 patients implantés avec une sonde Medtronic Sprint Fidelis® et suivis pendant 35 ± 11 mois, N.E. Bernstein et al.(5) ont retrouvé un risque 7,5 fois plus important de rupture lorsque le DAI était implanté en rétropectoral (figure 2). En France, dans un registre multicentrique ayant inclus plus de 1 000 patients implantés avec ce modèle de sonde, le risque de rupture à 3 ans était 2,35 fois plus élevé lorsque le boîtier était positionné en rétropectoral(6).
Figure 2. Courbes de survie de sondes Sprint Fidelis® selon que les boîtiers sont en position pré ou rétropectorale dans la série de Bernstein et al.(5).
Alors pour qui la position rétropectorale ?
La plupart des boîtiers actuels de PM ou de DAI peuvent être implantés en sous-cutané (prépectoral). C’est la technique la plus simple, la plus accessible, elle a permis de démocratiser largement l’implantation de ces prothèses. A contrario, certains justifient l’implantation rétropectorale systématique par des arguments réels, mais ils ne doivent pas ignorer le risque de fragiliser la sonde, en particulier lorsqu’il s’agit de DAI. Au bout du compte, la vérité est entre les deux. Il est des cas où l’implantation rétropectorale doit être envisagée en première intention : ce sont les implantations chez les enfants, les jeunes femmes soucieuses de leur décolleté, mais aussi les jeunes hommes. Ces appareils sont souvent difficiles à accepter par des sujets jeunes, surtout lorsqu’ils sont très visibles. Un appareil rétropectoral caché derrière une petite cicatrice soignée (voir Rythmologies n° 17) favorisera une meilleure acceptation et une vie privée, sociale et professionnelle aussi normale que possible.
Conclusion
Aujourd’hui, l’implantation pré ou rétropectorale est souvent une affaire d’école.
Elle reste souhaitable chez l’enfant et le sujet jeune.
Au prix d’une technique un peu plus difficle, elle comporte des avantages essentiellement esthétiques et ergonomiques pour le patient mais ils ne doivent pas faire oublier un risque accru de lésion des sondes.
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