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Complication

Publié le 25 oct 2019Lecture 6 min

Quelles boissons sont arythmogènes ?

Laurent FAUCHIER, CHRU Trousseau, Tours

La physiopathologie du développement des arythmies n'est pas toujours complètement connue, mais plusieurs facteurs de risque modifiables de leur développement ont été identifiés. L’existence de facteurs de risque liés au mode de vie est assez bien établie pour les arythmies, en particulier pour la fibrillation atriale (FA), et l'impact du café, du thé et des boissons énergisantes sur l'arythmogénicité suscite un intérêt croissant dans le grand public. Nous résumons ici certains de ces aspects, en excluant la consommation des produits toxiques illicites.

Alcool Le « Holiday heart syndrome » est l’une des plus anciennes descriptions d’arythmie induite par l’alcool. Il a initialement été décrit chez des individus en bonne santé avec diagnostic de FA après des vacances ou week-ends associés à une forte consommation d’alcool, le retour au rythme sinusal survenant souvent dans les 24 h(1). Depuis, plusieurs études ont démontré le caractère arythmogène de la consommation d’alcool et la relation positive entre une consommation élevée et la FA. La Copenhagen City Heart Study a montré que chez les hommes, la consommation de ≥ 35 boissons alcoolisées par semaine était associée à un risque accru de FA (HR 1,45). Les auteurs indiquaient qu’environ 5 % des cas de FA pourraient être liés à la consommation d’alcool. L’étude de Framingham a aussi montré une augmentation significative du risque de FA chez les personnes consommant plus de 36 g d’alcool/jour (environ > 3 verres par jour), mais il n’y avait pas d’association significative entre consommation modérée d’alcool et risque de FA. La Women’s health study a évalué le risque de FA induite par l’alcool spécifiquement chez les femmes : la consommation de 2 verres ou plus par jour était associée à un risque accru de FA (HR 1,60). L’étude prospective de Larsson a suivi 79 019 hommes et femmes suédois sur une période de 12 ans pour évaluer l’association entre consommation d’alcool et FA. Par rapport à ceux qui ont consommé < 1 verre/semaine (12 g d’alcool/boisson), le RR ajusté de FA était de 1,01 (NS) pour ceux consommant 1 à 6 boissons/semaine, 1,07 (NS) pour ceux avec 7 à 14 boissons/semaine, 1,14 pour ceux avec 15 à 21 boissons/semaine, et 1,39 pour ceux qui en étaient à plus de 21 boissons/semaine. L’association ne différait pas selon le sexe. L’effet-dose se retrouve dans une métaanalyse de 2010 : par rapport aux non-buveurs, les femmes consommant 2/5/10 boissons par jour avaient respectivement des RR de FA de 1,07/1,42/2,02. Les RR correspondants étaient de 1,08/1,44 et 2,09 chez les hommes. La consommation d’alcool, même modérée, mais surtout lorsqu’elle est importante, semble donc être un facteur de risque de FA(2). Réduire la consommation d’alcool pourrait être un moyen de prévention de FA. En l’absence d’étude d’intervention à ce sujet, on conclura que la limitation de la consommation d’alcool à ≤ 1-2 boissons par jour est probablement bénéfique pour essayer de prévenir la FA, et que cela facilitera la prise en charge d’une éventuelle obésité, pour un bénéfice cardiovasculaire optimal. Café La consommation de caféine en quantité modérée semble plutôt associée à une moindre survenue de FA. Une métaanalyse de 6 cohortes prospectives menées auprès de 228 465 personnes a ainsi montré que la consommation de caféine était associée à un moindre risque de FA. L’analyse en sous-groupes montrait un risque de FA plus bas de 11 % avec des doses basses de caféine (p = 0,03) et un risque plus bas de 16 % pour les doses élevées (p = 0,002). Pour chaque augmentation de 300 mg/jour de la consommation de caféine, l’incidence de la FA diminuait de 6 % dans l’analyse doseréponse(3). Malgré cette corrélation négative entre FA et consommation de caféine, on conseille habituellement de limiter le thé et le café en cas de FA. Le problème des symptômes de FA potentiellement plus désagréablement ressentis avec la caféine n’est en effet pas pris en compte dans ces analyses. La consommation de caféine ne devrait donc pas être limitée dans un but de prévention des arythmies, sauf si la corrélation individuelle entre consommation et symptômes est manifeste(4). Thé Quelques données observationnelles suggèrent que le thé (en particulier le thé vert) pourrait être bénéfique sur les arythmies. Le thé contient moins de caféine que le café et est riche en gallate d’épigallocatéchine, une substance aux propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, associée chez l’animal à une prolongation des périodes réfractaires atriales, et des taux moindres de FA induite et de fibrose atriale(4). Dans une étude cas-témoins sur 801 sujets, la consommation de thé vert était associée à moins de FA paroxystique ou persistante (odds ratio 0,35 ; IC95 % : 0,25-0,48). Cet effet favorable du thé peut également se voir expérimentalement pour les arythmies ventriculaires. Chez l’homme, une consommation modérée de thé (jusqu’à 14 tasses par semaine) était associée à un moindre risque de décès (odds ratio 0,72 ; IC95 % : 0,55-0,94) chez 1 900 patients après un infarctus du myocarde(5). Boissons énergisantes (BE) Elles contiennent souvent de la caféine à des concentrations plus élevées que le café et le thé, et augmentent donc la sensibilité des myofilaments au calcium, pouvant reproduire les effets de l’adrénaline. Les effets pro-arythmiques peuvent être majorés par d’autres substances associées, telles que le guarana, le ginseng, la yohimbine et l’éphédra, ainsi que par la consommation simultanée d’alcool et de drogues illicites. Le guarana, en particulier, a une concentration en caféine supérieure à celle du café et contient de la théophylline, qui possède également des propriétés stimulantes. De nombreux cas ont été rapportés d’association temporelle entre la consommation de ces boissons et diverses arythmies. Ce sont souvent de jeunes patients, sans maladie cardiaque structurelle, chez qui survient une FA, une TSV, une TV ou une FV peu après avoir consommé ces boissons. Trois-quarts des patients ayant consommé 2 BE ou plus ont signalé des palpitations dans les 24 h suivantes, contre 12 % seulement des consommateurs occasionnels(4). Les BE peuvent abaisser la variabilité sinusale ou augmenter la durée de QT. Chez les patients avec QT long congénital, une prolongation de QTc de ≥ 50 ms après la consommation de BE a été rapportée. Ce sont les ingrédients autres que la caféine qui sont responsables de l’allongement du QT. Des cas isolés de prise de BE démasquant des syndromes de QT long ou de Brugada ont aussi été décrits. Un effet prothrombotique a également été signalé avec les BE, et ceci pourrait avoir un impact en cas de FA. De ce fait, la Food and Drug Administration demande aux fabricants de BE de préciser dans les données nutritionnelles les concentrations exactes de caféine. Quelques sociétés internationales recommandent aux patients avec maladies cardiovasculaires de ne pas consommer de BE, et indiquent qu’une consommation pluriquotidienne de BE peut être nocive, même chez les personnes en bonne santé(4). L’éditeur de cette revue a également souhaité que soit abordée la question de possibles arythmies liées à la consommation de baies de goji, suite à des interrogations occasionnelles de patients sur la médecine traditionnelle chinoise. La recherche sur Pubmed des termes « goji » avec « atrial » ou « ventricular » ou « arrhythmia » ne retrouvant aucun article, on peut raisonnablement considérer qu’il n’y a à ce jour pas d’association objective entre la consommation de ce produit et un risque arythmogène significatif. Pour conclure, rappelons que si les arythmies ventriculaires ont parfois les présentations les plus dramatiques, la FA est le trouble du rythme cardiaque soutenu le plus fréquent à l’échelle mondiale. À côté du traitement médical traditionnel, la prise en charge multifactorielle et les changements de style de vie peuvent diminuer les facteurs de risques modifiables de FA (obésité, consommation excessive d’alcool, HTA, apnée du sommeil). Ceci peut aider à limiter les accès de FA et les rechutes symptomatiques. Il n’est pas encore démontré que cela permette de diminuer significativement le risque d’AVC inhérent à cette arythmie, en plus des stratégies antithrombotiques actuellement recommandées.

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