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Médico-légal

Publié le 30 nov 2011Lecture 9 min

Plaintes en cardiologie interventionnelle : comment mieux les prévenir ?

C. GAULTIER, Médecin-conseil au Sou Médical, groupe MACSF, La Défense ; Hôpital Européen de la Roseraie, Groupe Villa-Maria, Aubervilliers ; Hôpital Foch, Suresnes

La cardiologie interventionnelle est une spécialité relativement « jeune » et en perpétuelle évolution. Sa haute technicité ainsi que les organes traversés ou traités laissent à penser qu’elle est à risque d’accidents et de plaintes judiciaires.
Après avoir exposé les différents types de procédures contentieuses qui existent, la sinistralité de cette spécialité, les types d’accidents faisant l’objet de plaintes et l’appréciation des experts, cela permettra d’envisager les mesures qu’il faut s’approprier pour tenter de réduire le risque d’accident et donc de plaintes.

Différentes types de procédures judiciaires En cas d’accident médical, il est important de comprendre que ce sont les patients ou leur famille qui ont le choix du type de procédure qu’ils souhaitent engager. Ils peuvent manifester leur mécontentement simplement par la rédaction d’un courrier direct au médecin, ou faire appel à un avocat ou à un service de protection juridique. Si le climat entre le patient, sa famille et le médecin s’est dégradé, ils donneront probablement d’emblée une tournure contentieuse contre le médecin. S’il existe une gravité particulière de l’accident (décès, handicap lourd) et une relation particulièrement dégradée entre la famille et le médecin, il peut alors être choisi de procéder à une plainte pénale. C’est une procédure particulièrement difficile à vivre pour un médecin, car il sera convoqué au commissariat de police et pourra être amené à être entendu par un juge d’instruction. Cette procédure passe par une expertise où le médecin sera entendu, sans pouvoir confronter en temps réel son point de vue aux différentes parties ou à l’expert. À terme, il pourra faire l’objet de sanctions telles que des peines d’emprisonnement, habituellement avec sursis, ou d’une amende payable au Trésor public (qui ne peut pas légalement être prise en charge par l’assurance). Ensuite, les plaignants peuvent se porter partie civile, pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation. Lorsque la démarche a uniquement pour objectif d’obtenir une indemnisation pour faire face à un handicap ou des préjudices coûteux pour le patient, sans qu’il existe du ressentiment vis-à-vis du médecin, les patients ont la possibilité de s’orienter soit vers les tribunaux civils (tribunal de grande instance) ou les commissions régionales de conciliation ou d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI). La procédure civile est une démarche payante qui nécessite l’aide d’un avocat. Pour obtenir une indemnisation, le patient devra impérativement mettre en évidence une faute du médecin. En revanche, la CRCI est une démarche entièrement gratuite pour les plaignants et rapide, permettant une expertise et une indemnisation en moins de 2 ans. L’indemnisation pourra être obtenue aussi bien en cas de faute qu’en cas d’aléa thérapeutique, sans faute. Lorsque les faits se passent à l’hôpital, c’est vers le tribunal administratif que les plaignants doivent se tourner. Ils mettent en cause l’établissement et non pas directement les médecins, qui ne sont que des agents du service public. Enfin, de façon plus anecdotique, le conseil de l’ordre peut être saisi lorsque le problème porte plus sur des questions déontologiques, ce qui est rare en cardiologie interventionnelle. Les chiffres Avec environ 3 100 cardiologues (toutes activités confondues) adhérents au Sou Médical, le nombre de déclarations de sinistres (réclamations directes par le patient, par voie d’avocat ou plaintes judiciaires), fluctue entre 60 et 75 dossiers par an, ce qui fait une sinistralité aux alentours de 3,5 %. Contrairement aux idées reçues, la cardiologie interventionnelle ne représente pas la majorité des dossiers de mise en cause des cardiologues en France et le nombre de dossiers reste assez stable : 10 en 2007, 12 en 2008 et 9 en 2009. Avant 2002, les patients et leur famille se tournaient traditionnellement vers les juridictions civiles, mais il y avait relativement peu de condamnations. Depuis la loi Kouchner, les patients s’orientent de préférence vers les CRCI, car ils savent qu’ils ont plus de chance d’obtenir une indemnisation au titre de l’aléa thérapeutique. Les différents types d’accidents Il y a plus de 10 ans, un tiers des accidents concernait essentiellement des dissections extensives et occlusions coronaires périprocédurales. Il est indiscutable que l’arrivée des stents a quasiment permis de faire disparaître ces accidents. En revanche, près d’un tiers des accidents sont des complications de la voie d’abord, qu’elle soit fémorale ou radiale. Alors que la voie radiale est devenue la voie la plus utilisée (plus de 60 % en France), les complications touchant la voie fémorale donnent plus de plaintes. Les complications de la voie fémorale sont principalement des hématomes graves, surtout avec la surenchère dans l’utilisation des combinaisons d’antiagrégants plaquettaires, avec transfusions, compressions nerveuses ou infections sévères. Le risque d’infection au point de ponction est habituellement aux alentours de 0,02 %. Si l’utilisation des systèmes de fermeture percutané représente un moyen pour diminuer le risque hémorragique, on note qu’elle semble associée à une possible augmentation du risque infectieux local, favorisé peut-être par le maintien de matériel surajouté (collagène, fils), qui est en continuité de la peau. Ces infections peuvent être simplement un abcès au point de ponction, mais peuvent également contaminer par contiguïté une prothèse de hanche homolatérale, mais aussi à distance par diffusion hématogène, avec septicémie, voire endocardite. Dans un cas, l’infection au niveau du point de ponction a occasionné une infection de l’artère fémorale avec embolisation distale et amputation de jambe. Le manque de surveillance des hématomes et de réactivité face à l’apparition de douleur ou d’un déficit moteur se solde parfois par des atteintes neurologiques irréversibles avec paralysie crurale ou de l’avant-bras avec des douleurs neurogènes chroniques très invalidantes, avec incapacité professionnelle. Une autre cause fréquente d’accident est l’accident vasculaire cérébral ou embolique. Lors d’une angioplastie complexe, le patient a présenté une occlusion embolique de l’artère centrale de la rétine pour laquelle une fibrinolyse in situ a été tentée, mais s’est compliquée d’une hémorragie intracérébrale. Bien entendu, il reste tout de même des complications strictement coronaires : rupture coronaire lors d’une rotablation, perforation avec un guide ou dissection de la coronaire droite avec un cathéter guide avec extension rétrograde dans l’aorte. Dans ce dernier dossier, le reproche principal n’est pas la dissection, considérée comme un aléa, mais plutôt une surveillance insuffisante et l’absence de transfert immédiat en chirurgie. Plusieurs dossiers récents se sont intéressés à la question de la dose de charge de clopidogrel, pour laquelle il existe une sensibilité individuelle imprévisible, occasionnant soit des hémorragies, soit des thromboses de stents en cas de résistance. Les expertises Le médecin mis en cause sera assisté d’un médecin conseil de sa compagnie d’assurance pour répondre aux questions de la mission de l’expert, mais aussi aux critiques du patient et de ses conseils. On s’aperçoit que pour la cardiologie interventionnelle, la plupart des accidents faisant l’objet de réclamations sont souvent considérés comme des accidents aléatoires non fautifs. Pour autant, on assiste à des critiques de plus en plus fréquentes concernant la gestion de la complication pouvant faire retenir le principe d’une perte de chance de guérison. Concernant les infections nosocomiales, il est désormais systématiquement étudié la démarche de préparation cutanée des patients (protocole, douche, badigeon en salle de cardiologie interventionnelle). Il en est de même pour l’information. Les experts et les avocats des plaignants demandent systématiquement si le patient ou leur famille ont été informés des risques des procédures de cardiologie interventionnelle, comme ils vérifient si le document d’information de la SFC a bien été signé ou non. Mesures de prévention Si se conformer aux recommandations des sociétés savantes doit être la règle, il existe, bien entendu, des situations qui ne trouvent pas de réponses dans ces guidelines, où les praticiens doivent trouver une ligne de conduite. Le médecin doit alors toujours pouvoir se justifier, soit en se reposant sur des données de la littérature, soit en ayant pris le soin d’une discussion collégiale, avec de surcroît une explication claire au patient. À chaque étape de la prise en charge médicale, les cardiologues de ville, les cardiologues chargés de l’hospitalisation et les cardiologues interventionnels doivent veiller à une information des patients sur les risques des procédures. Puisque la loi l’impose, les médecins doivent se prémunir en vérifiant que le document d’information a bien été compris et signé par le patient. Pour pouvoir prouver la qualité des soins délivrés, il ne suffit plus de bien travailler, mais il faut surtout assurer une parfaite traçabilité des actes autant dans le service d’hospitalisation qu’en salle de coronarographie. De nombreux logiciels permettent de tracer de façon horodatée la délivrance de telle ou telle molécule ou tel ou tel matériel. Cette traçabilité doit également concerner la préparation cutanée et les badigeons de solution iodée. Il convient, en dehors des syndromes coronariens aigus, de pouvoir laisser un délai entre la coronarographie et l’angioplastie coronaire, pour convenir de la stratégie avec le patient et le cardiologue traitant. Ce délai de réflexion permet de choisir idéalement entre le traitement médical, l’angioplastie coronaire ou le pontage, en exposant les bénéfices/risques de chaque option. Ce délai supplémentaire peut permettre également d’assurer une meilleure hydratation du patient, une bonne imprégnation aux antiagrégants plaquettaires. Cela peut permettre également de réfléchir posément à la meilleure stratégie interventionnelle (choix du cathéter guide, du type de stent nu ou actif). Concernant l’utilisation des antiagrégants plaquettaires, il est capital de sensibiliser les patients sur l’observance thérapeutique et leur dire que toute interruption de traitement doit se faire avec l’accord du cardiologue traitant en raison du risque vital de thrombose de stent. Pour les procédures interventionnelles innovantes, telles que les poses percutanées de valves aortiques ou autres interventions sur des valves ou pathologies congénitales, elles doivent faire l’objet d’une information spécifique du patient après une discussion collégiale. Elles doivent être réalisées dans un environnement adapté permettant de traiter les complications procédurales. Enfin, lorsque l’on pense qu’un accident est en rapport avec un matériel défectueux, le médecin est tenu légalement de faire dans les plus brefs délais une déclaration de matériovigilance auprès de l’Afssaps (www.afssaps.fr), en sus d’avoir prévenu le laboratoire. Il devra noter le lot défectueux et remettre le matériel à l’Afssaps, pour qu’il fasse l’objet d’une expertise. C’est parce que cette défectuosité peut toucher un nombre important de patients ayant été traités par le même lot, que le législateur fait de l’absence de déclaration une sanction pénale. En conclusion Contrairement aux idées reçues, la cardiologie interventionnelle n’est pas tant une discipline à haut risque de plaintes ou de condamnations. Si jusqu’à présent, un bon nombre de plaintes étaient considérées comme des accidents non fautifs (aléa), il existe néanmoins une pression croissante sur les praticiens. Cela concerne tout d’abord les attentes en matière de préparation cutanée en prévention des infections nosocomiales avec une exigence de traçabilité, mais aussi pour que les praticiens soient beaucoup plus réactifs et exigeants sur la gestion des complications. C’est essentiellement sur le travail d’équipe et la transmission des informations entre praticiens techniciens et cliniciens qu’une meilleure synergie est attendue. Enfin, comme nous l’avons déjà vu dans un autre numéro, le principe d’information sera systématiquement recherché par les plaignants et leurs conseils, avec un risque quasi systématique en cas de défaut.

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