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Mise au point

Publié le 30 sep 2013Lecture 7 min

ROTAZEN : « Rota efficace, non compliqué »

P. BRUNEL, Groupe de cardiologie interventionnelle, GCI Dijon Bourgogne ; Clinique de Fontaine, Fontaine-Les-Dijon

« La navigation est parfois très complexe, voire impossible… » 
 
Le Rotablator® (Boston Scientific) reste le seul matériel d’athérectomie utilisé en routine en 2013. On note une augmentation de son utilisation au cours des années 2000, depuis l’arrivée des stents actifs. La France fait partie des pays à taux de pénétration supérieur à 2 % des cas pratiqués (figure 1).
C’est même un outil indispensable à la pratique d’angioplasties de qualité, et dans un centre de haut volume, un des garants de bons résultats.
Encore faut-il l’utiliser dans de bonnes conditions et qu’il n’y ait pas de complications. 

Figure 1. Taux de pénétration de l’utilisation du Rotablator® en Europe (données Boston Scientific). Plusieurs indications et situations anatomiques conduisent à son utilisation. Bien évidemment c’est dans le cadre de lésions très calcifiées, résistantes, ou chez un patient inopérable par ailleurs que l’on est le plus souvent amené à l’utiliser : indication discutée, patient contre-indiqué pour un pontage aortocoronaire. Le cas est alors bien envisagé, tranquillement derrière la console de revue des scènes de coronarographie, discuté, et le « plan thérapeutique » établi à l’avance.   Mais ce n’est pas la seule situation : l’indication « surgit » aussi, régulièrement, en cours d’intervention, au cours d’une angioplastie que l’on pensait conventionnelle quand une lésion ne se laisse pas franchir ou qu’elle résiste au ballonnet non compliant. Pouvoir engager une procédure d’athérectomie rotationnelle en toute quiétude et confiance dans cette situation rend la pratique de l’angioplastie bien plus sûre et confortable. Dans un monde idéal, tout angioplasticien devrait être à l’aise dans cette configuration, cela d’autant plus que, constamment, dans toutes les séries publiées, le taux de complications avec l’utilisation du Rotablator® est un peu plus élevé que la moyenne (deux fois plus environ) (figure 2).   Figure 2. Registre TAROT France : perforation 0,79 %, moins de 0,3 % au ballon en moyenne dans la littérature. C’est la raison pour laquelle nous avons développé un programme de formation et d’ateliers Rotablator avec la compagnie Boston Scientific destiné aux médecins et au personnel paramédical, leur permettant de venir se former « à la table » par petits groupes. Dans les gros centres avec des opérateurs acquis de longue date à cette pratique, ces programmes sont très appréciés et continuent d’être actifs. Mais c’est bien sûr aussi dans le respect des bonnes indications et l’écoute de la connaissance et de l’expérience acquise au fil des années par les collègues, que repose une bonne pratique avec le minimum de complications.   Parmi les complications possibles, deux principales peuvent conduire à la chirurgie en urgence et doivent à tout prix être évitées : la perforation coronaire et le blocage de fraise.   Je voudrais rappeler ici quelques situations anatomiques qui sont très à risque et qui constituent à mon sens des contre-indications à l’utilisation de l’athérectomie rotationnelle, tirées de mon expérience personnelle, mais aussi de l’étude des cas compliqués du registre français TAROT et de la littérature. Angulation de 90° et plus immédiatement avant la sténose à « fraiser » : perforation Les cas de perforation dans le registre TAROT, ainsi que d’autres cas de perforation que j’ai été amené à discuter (par exemple, lors de nos réunions du GARO) ont tous ceci en commun : une angulation de 90° ou plus immédiatement avant la sténose à fraiser (figure 3).   Figure 3. A : angulation immédiatement avant la sténose à fraiser ; B : fraisage ; C : perforation au niveau de la zone d’angulation. Tous les cas de perforation se situent au niveau d’une angulation coronaire immédiatement en amont de la lésion à fraiser.   En effet, la technique de fraisage consiste à « picorer » la lésion : la paroi d’une courbe située avant la lésion est donc « attaquée » à chaque avancée de fraise. Il faut éviter de franchir la lésion au premier passage de la fraise pour ne pas risquer un blocage de fraise. La paroi saine ne pouvant pas être forcément repoussée, l’effet coupant peut finir par être actif sur ce segment sain en tension contre la fraise au niveau de la courbure et créer la perforation. Il est frappant de noter que dans tous les cas de perforations, lorsque l’on analyse attentivement les scènes d’acquisition de procédure, l’issue de produit de contraste hors la coronaire est constamment située au niveau de cette courbe, immédiatement avant la lésion à fraiser.   En conséquence, le conseil est qu’il faut contre-indiquer une athérectomie rotationnelle d’une lésion calcifiée ou résistante située immédiatement après une courbure de plus de 90°, ce qui va déjà permettre d’éliminer un bon nombre de perforations ! Laisser la lésion vaut mieux que de perforer l’artère, primum non nocere. Double sténose serrée à traiter et tortuosités de la coronaire : blocage de fraise Situation très délicate également que celle du blocage de fraise car une fois bloquée, elle ne repartira pas (figure 4). Le mécanisme moteur de rotation par air comprimé en est la cause. Mais c’est aussi une « protection » car si l’on pouvait forcer coûte que coûte sur une fraise bloquée, cela aboutirait encore une fois à une perforation.   Figure 4. Double sténoses serrées et tortuosités de la coronaire. Néanmoins la situation de fraise bloquée n’est pas toujours des plus aisées et doit impérativement être évitée. La seule solution qui s’offre à l’opérateur est de tirer sur le cathéter : il peut alors s’allonger, et ceci jusqu'à la rupture. Il faut alors confier le patient au chirurgien. Il est même arrivé qu’il soit impossible au chirurgien d’extraire une fraise et de la laisser dans l’artère coronaire qui reçoit le pontage !   Deux sténoses serrées ou sténoses en tandem et artère tortueuse : risque de blocage de fraise si l’on traite la sténose distale trop rapidement après avoir franchi la lésion proximale sans l’avoir fraisée correctement.   Encore une fois l’analyse des cas de blocage de fraise compliqués montre après lecture attentive des acquisitions durant la procédure que la situation anatomique est toujours la même : deux sténoses serrées, au sein de courbures coronaires importantes. Le plus souvent d’ailleurs une des deux sténoses, la proximale, a pu être « mal identifiée » et son caractère serré sous-évalué.   En conséquence, notre conseil est qu’il faut étudier très attentivement l’arbre coronaire proximal d’une lésion cible d’athérectomie rotationnelle (une lésion cachée dans une tortuosité est une expérience de tous les jours …), multiplier les incidences en cas de doute et dans cette situation de doubles lésions serrées, bien traiter les lésions séparément et ne toucher la lésion distale que lorsque la lésion proximale a été bien « fraisée ». Cela évitera quelques élongations de cathéter de Rotablator® qui conduisent parfois à la rupture, et le risque de devoir laisser une fraise dans la coronaire. Fraisage dans un stent sous-déployé fraîchement posé : blocage de fraise C’est une situation qui peut être évitée en ne fraisant jamais un stent sous-déployé qui vient d’être posé. Éviter le sous-déploiement passe par une bonne palpation de la lésion. Là aussi nous avons vu, plus rarement, des cas catastrophiques avec blocage de fraise coincée dans un stent avec une issue défavorable pour le patient (figure 5). J’ai longtemps refusé d’utiliser le Rotablator® dans cette situation. Plus récemment, après avoir vu quelques « case reports », j’ai été amené à le faire dans quelques rares cas. Dans cette situation, le fraisage n’a jamais permis d’améliorer l’ouverture du stent. Le risque pris dans cette situation est bien trop important pour un bénéfice quasi nul. Cette situation a été récemment rapportée comme facteur de risque de blocage de fraise par D. Sulimov et al.(1). Il convient donc d’évaluer correctement la qualité d’ouverture du ballon de prédilatation et de bien adapter sa taille au diamètre de l’artère, avant l’implantation d’un stent. On pourra le cas échéant réaliser une athérectomie si nécessaire avant la mise en place d’un stent, et non pas l’inverse, stent en place et mal ouvert. C’est toute la justification de l’approche par palpation de la lésion, qui permet d’utiliser une fraise de Rotablator® au bon moment durant la procédure.   Figure 5. Fraise bloquée dans un stent nécessitant extraction.   En conséquence, le conseil est de bien vérifier la qualité d’ouverture du ballon d’angioplastie avant de poser un stent et de ne pas utiliser le Rotablator® dans un stent fraîchement posé et mal ouvert. Peut-on envoyer le patient en chirurgie de pontage face à un stent mal ouvert ? Dans le cas contraire, soit on diffère le geste, soit on pourra proposer de fraiser si le patient évolue vers une resténose.   Conclusion Les lésions infranchissables ou résistantes, immédiatement après une courbure, les lésions en tandem et avec tortuosités et les stents fraîchement posés représentent des contre-indications à l’athérectomie rotationnelle. Au-delà d’une technique bien maîtrisée, c’est dans le respect des indications bien posées que l’on peut espérer une pratique fiable et apaisée de l’athérectomie rotationnelle, en évitant les complications majeures afin que la technique soit pleinement profitable au patient. 

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