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C Demain

Publié le 15 déc 2018Lecture 6 min

Thrombose veineuse aiguë - Traitement endovasculaire

Gilles PERNOD(a), Caroline MENEZ(a), Mathieu RODIERE(b), (a) service universitaire de médecine vasculaire ; (b) service universitaire de radiologie ; CHU de Grenoble

Au cours de la thrombose veineuse profonde (TVP), le traitement anticoagulant a pour objectif de bloquer l’extension du thrombus et d’empêcher sa migration pulmonaire. Il n’a pas d’effet direct sur la dissolution du thrombus. À l’inverse, le traitement endovasculaire de la TVP aiguë a pour finalité la réduction des symptômes aigus et la prévention à long terme du syndrome post-thrombotique (SPT). Le bénéfice sur la réduction du SPT reste cependant à prouver.

La problématique du syndrome post-thrombotique L’incidence du SPT après une TVP est de 15 à 40 % à 6 mois-2 ans. La présence et la sévérité du SPT sont hautement prédictives de la qualité de vie à 2 ans après une TVP. L’intérêt de la compression élastique dans la réduction du SPT reste discuté. L’extension anatomique du thrombus en iliofémoral est responsable d’une incidence de SPT à 2 ans > 50 %, d’un SPT plus sévère à l’origine de claudication veineuse et de troubles trophiques. Une réduction > 50 % de la taille du caillot permet une diminution de 50 % de l’incidence du SPT, d’où l’idée d’une prise en charge interventionnelle précoce des thromboses iliofémorales (figure 1) : thrombolyse guidée par cathéter ou désobstruction pharmacomécanique. Figure 1 : Thrombose iliofémorale (photo : M. Rodière, CHU Grenoble). La thrombolyse locale dirigée par cathéter La thrombolyse locale dirigée par cathéter (CDT) est grevée d’un taux de complications hémorragiques important. Elle consiste en l’infusion locale d’un traitement thrombolytique par l’implantation au sein du caillot d’un cathéter fenêtré. L’infusion est généralement effectuée sur une durée de 6 à 24 h. Le malade est monitoré sur la régression du thrombus, amenant à un repositionnement régulier du cathéter. Les deux limitations à cette technique sont la durée de traitement (1 à 3 jours) et le taux de complications hémorragiques. L’étude CAVENT a randomisé 209 patients présentant un premier épisode de TVP iliofémorale, dans les 20 jours suivant l’apparition des symptômes, traités par CDT versus traitement anticoagulant standard. À 2 ans, 37 patients (41,1 % ; IC95 % : 31,5-51,4) du groupe CTD versus 55 (55,6 % ; IC95 % : 45,7-65 ; p < 0,05) présentaient un SPT, soit une réduction de 14,4 % (IC 95% : 0,2-27,9). Dans le groupe CDT, on dénombrait 20 épisodes hémorragiques, dont 3 graves. Le bénéfice clinique est persistant à 5 ans, 43 % (IC95 % : 33-53) pour le groupe CDT versus 71 % (IC95 % : 61-79) de SPT (p < 0,0001), soit une réduction de 28 % (IC95 % : 14-42). Une métaanalyse de 6 études (dont CAVENT) a rapporté à 6 mois, dans le groupe CDT, un taux plus faible d’obstruction résiduelle (OR : 0,20 ; IC95 % : 0,09-0,44) et une amélioration de la perméabilité iliofémorale (OR : 5,77 ; IC95 % : 1,99-16,73). Malheureusement, seules deux études se sont intéressées au SPT, l’une à 12 mois, l’autre, l’étude CAVENT, à 6- 24 mois, puis à 5 ans : elles montrent une diminution de la fréquence du SPT (OR : 0,49 ; IC95 % : 0,19-0,96). En revanche, le CDT est responsable d’un surcroît de complications hémorragiques majeures (OR : 2,0 ; IC95 % : 1,62-2,2). Ces résultats sont consistants. L’analyse de la Cochrane souligne également l’excès de complication hémorragique. La désobstruction pharmacomécanique : méthode de choix des traitements endovasculaires La désobstruction pharmacomécanique consiste en une désobstruction mécanique par fragmentation/aspiration du thrombus combinée à un traitement thrombolytique (PCDT) (figure 2). Figure 2 : Désobstruction pharmacomécanique par système PTD® (Percutaneous Thrombectomy Device, ArrowTM) (photo : M. Rodière, CHU Grenoble). Les premières générations de PCDT combinaient l’utilisation d’une fibrinolyse dirigée par cathéter et d’une désobstruction mécanique. Une revue systématique de 16 séries rétrospectives (aucune étude contrôlée versus traitement anticoagulant), utilisant des techniques différentes de thrombectomie percutanée, a porté sur 511 procédures chez 481 patients. Ont été éliminées de la présente analyse les procédures reposant sur une thrombectomie chirurgicale première, une thrombectomie endovasculaire seule, et une étude portant sur de la thrombolyse échoguidée. Un succès technique (désobstruction > 50 %) a été rapporté chez 83 à 100 % des patients. Cinq des 7 études ont révélé l’utilisation d’un filtre cave ; aucune ne mentionne d’embolie pulmonaire. L’efficacité de cette approche thérapeutique est cependant mal connue, l’effet sur le syndrome post-thrombotique n’étant pas ou mal documenté du fait de l’absence de données de durée de suivi et des modalités d’évaluation du SPT (aucune échelle de Villalta, ni de qualité de vie). En revanche, malgré la diminution des doses de thrombolytique et de la durée d’infusion, l’incidence d’hémorragie grave reste très élevée (6 à 14 %). Les générations actuelles de PCDT Elles consistent en la combinaison d’un traitement thrombolytique local in situ, conjointement à une désobstruction mécanique par fragmentation/aspiration du thrombus. Elles ont l’avantage de permettre un traitement endovasculaire complet en un temps opératoire et de réduire la dose de traitement thrombolytique utilisée. Là encore, l’efficacité sur la réduction du SPT est non ou mal évaluée (tableau 1). Cinq des 6 études rapportent l’utilisation de filtre cave. À cet effet, un essai randomisé filtre versus non filtre au cours de désobstruction en phase aiguë a été mené sur 141 patients (PCDT, CDT, etc.). Les auteurs ont rapporté une incidence d’EP symptomatique de 1,4 % (filtre) versus 11,3 % (sans filtre) de la population totale (p = 0,048). On ne sait rien de l’effet de la technique de désobstruction utilisée (PCDT vs CDT) sur l’incidence d’embolie pulmonaire. Trois études se sont intéressées à l’effet de la désobstruction versus traitement anticoagulant sur l’incidence du PTS (tableau 2). Une première étude randomisée a comparé l’efficacité /tolérance d’une procédure de désobstruction en phase aiguë à un traitement anticoagulant (AVK). L’étude a inclus 183 patients (âge moyen 61 ans) randomisés et suivis sur 30 mois. L’évaluation du SPT reposait sur un critère combiné défini par la présence de 2 symptômes nouveaux (comme des douleurs, des fourmillements, des sensations de brûlure) plus les signes suivants : œdème plus reflux veineux au Doppler, hyperpigmentation ou ulcère (actif ou guéri). La désobstruction reposait, là encore, sur plusieurs procédés (PCDT, CDT, etc.). Tous les malades du bras interventionnel recevaient un filtre cave. Une autre étude comparative non contrôlée évaluant l’efficacité/tolérance d’une procédure de désobstruction en phase aiguë par CDT couplée à une désobstruction mécanique (n = 25) à un traitement anticoagulant (AVK, n = 26) ; 18 % des malades ont reçu un filtre cave. Le taux d’événements secondaires est important dans le groupe instrumental (24 %) ; malheureusement il n’est pas rapporté dans le groupe comparateur. La perméabilité iliofémorale à 6 mois était de 80 % dans le groupe CDT/PCDT versus 23 % dans le groupe anticoagulant (p < 0,01). L’incidence de SPT (Villalta) était de 20 % dans le groupe CDT/PCDT versus 77 % dans le groupe anticoagulant (p < 0,01). L’étude ATTRACT est la plus importante menée dans ce domaine, avec l’incidence du SPT selon Villalta comme critère de jugement principal. Six cent quatre-vingtdouze patients ont été prospectivement randomisés en phase aiguë entre procédure de désobstruction par CDT couplée à une désobstruction mécanique versus un traitement anticoagulant. Il n’y avait pas de différence dans l’incidence du SPT entre les 6e et 24e mois (47 % dans le groupe PDCT vs 48 % dans le groupe contrôle (RR : 0,96 ; IC95 % : 0,82 à 1,11 ; p = 0,56), bien qu’il y ait une réduction significative des PTS modérée à sévère (Villalta ≥ 10) (18 % vs 24 % dans le bras contrôle (RR 0,2, IC95 % : 0,54-0,97 ; p = 0,03). Cette étude comprend un certain nombre de limitations : 43,4 % des thromboses étaient uniquement fémoropoplitées, sans atteinte iliaque ; seuls 42,2 % des patients ont bénéficié d’une mesure mécanique, les autres étant traités par CDT seul ; la durée de fibrinolyse était encore d’environ 20 h, y compris en cas de procédure mécanique associée ; enfin seuls 62 % des patients ont bénéficié d’une angioplastie, et 28 % d’un stenting associé. Les grades de recommandations actuelles du traitement endovasculaire restent faibles Plusieurs sociétés savantes se sont positionnées sur le traitement interventionnel des thromboses proximales iliofémorales, avec des grades de recommandations faibles (exceptés pour les thromboses ischémiques ; tableau 3) Conclusion Le traitement endovasculaire de la thrombose veineuse aiguë a bénéficié d’un renouveau ces dernières années au vu de l’évolution des procédures pharmacomécaniques. Son impact réel dans la diminution du SPT doit encore être précisé. Il ne doit être envisagé que dans des centres recours ayant l’expertise.

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