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Coronaires

Publié le 30 sep 2014Lecture 8 min

Désobstruction des occlusions coronariennes chroniques : quel est le niveau de preuve en 2014 ?

B. BERTHOUD*, P.-V. ENNEZAT*, S. MARÉCHAUX**, O. ORMEZZANO*, G. VANZETTO* *Pôle Thorax et Vasculaire, CHU de Grenoble **Groupement des Hôpitaux de l’Université Catholique de Lille

Madame H. âgée de 47 ans, dyslipidémie, tabagisme actif, obésité est adressée pour chirurgie valvulaire d’une insuffisance mitrale ischémique.

Cas clinique   Madame H. âgée de 47 ans, dyslipidémie, tabagisme actif, obésité est adressée pour chirurgie valvulaire d’une insuffisance mitrale ischémique. Dix-huit mois auparavant, elle est prise en charge dans une autre structure pour une dyspnée progressive. La scintigraphie myocardique met en évidence une ischémie limitée résiduelle au sein d’une séquelle d’infarctus du myocarde de la paroi inférieure. La coronarographie révèle une sténose serrée de la circonflexe moyenne qui est dilatée avec implantation d’un stent actif, associée à une occlusion chronique de la coronaire droite proximale. Cette dernière est difficilement recanalisée dans un second temps avec implantation de quatre stents actifs depuis la coronaire droite ostiale jusqu’à l’interventriculaire postérieure. Parallèlement est introduit un traitement associant diurétique, inhibiteur de l’enzyme de conversion et bêtabloquant. Après une amélioration transitoire des symptômes, la patiente est réhospitalisée environ 1 an plus tard pour un tableau d’insuffisance cardiaque congestive sans élévation des troponines. L’échocardiographie révèle une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG 45 %) associée à une large séquelle d’infarctus inféro-latéral, une insuffisance mitrale ischémique sévère et une dysfonction ventriculaire droite. La coronarographie met en évidence une réocclusion de la coronaire droite proximale avec reprise controlatérale par le réseau gauche. L’IRM cardiaque met en évidence une absence de viabilité de la paroi inféro-latérale. Un remplacement valvulaire mitral est associé à une annuloplastie tricuspide avec des suites simples.   Femme de 60 ans, BPCO post-tabagique, hospitalisée en cardiologie pour un syndrome coronarien aigu non ST+. La coronarographie révèle une thrombose chronique (CTO) de l’IVA. Une IRM cardiaque est réalisée montrant une viabilité dans le territoire antérieur, puis une échocardiographie de stress est réalisée révélant une ischémie franche dans ce même territoire.   Compte tenu de la viabilité et de la large ischémie dans le territoire antérieur, décision collégiale (« heart team ») de revascularisation. Une angioplastie percutanée est retenue devant les caractéristiques angiographiques et l’expérience du cardiologue. Désocclusion de l'IVA moyenne avec implantation d’une longue endoprothèse active (2,25 x 30 mm) associée à une angioplastie avec ballon actif de l'IVA distale (20 mm). Récupération d’un flux TIMI 3 en fin de procédure. Discussion   Une occlusion coronarienne chronique (Chronic Total Occlusion CTO) correspond à une occlusion athérosclérotique complète ou quasi complète depuis plus de 3 mois d’une artère coronaire (flux TIMI 0-1). La découverte d’une CTO, lors d’une coronarographie diagnostique réalisée dans le cadre d’un angor stable symptomatique et/ou d’une ischémie silencieuse, représente environ 1/3 des patients(1). La désobstruction d’une CTO est un challenge pour l’angioplasticien et les complications ne sont pas si rares. Seulement 5 à 15 % des angioplasties coronaires programmées concernent des CTO(2). Quelle est la place de cette thérapeutique à l’ère de l’« evidence based medicine » ? Les résultats de registres souvent multicentriques sur les procédures de CTO concerne une population majoritairement constituée d’hommes (75 à 86 %) relativement jeunes (60 à 67 ans en moyenne) et avec une FEVG relativement préservée (autour de 50 %) (tableau). La recherche d’une ischémie myocardique n’est pas communiquée ou documentée dans les différentes études publiées. La coronaire droite est majoritairement concernée par les procédures de désobstruction de CTO. Les taux de succès publiés de la procédure sont variables (66 à 92 %). Concernant les complications intrahospitalières, le taux de décès est compris entre 0 à 1,06 %, d’infarctus du myocarde entre 0,4 à 8,24 %, de pontages ou angioplasties coronaires en urgence entre 0,2 et 4,04 % et enfin de tamponnades entre 0,4 et 3,1 %. Une métaanalyse récente portant sur 12 970 patients(3) suggère que la recanalisation d’une CTO est associée à une réduction de mortalité et d’événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, pontages). Or le groupe comparatif est constitué par les patients chez qui la procédure de désocclusion a échoué, et aucun ajustement statistique n’est réalisé (âge, sexe, anatomie de l’occlusion, atteinte pluritronculaire, étendue de l’ischémie et de la viabilité, fraction d’éjection, etc.).      Les difficultés techniques sont nombreuses et les résultats aléatoires en raison de l’athérosclérose dense, fibreuse et calcifiée avec l’impossibilité de franchir la lésion de manière classique (guide et ballonnet), la non-visualisation de l’artère. Le risque de resténose est corrélé à la longueur des stents utilisés. Il faut souligner que la perméabilité à moyen et/ou long terme de l’artère désoccluse n’a pas été évaluée de façon prospective. Dans l’exemple présenté ci-dessus, une réocclusion s’est produite de façon asymptomatique. L’implication du cardiologue pour acquérir les nouvelles techniques est indispensable à la réalisation de la recanalisation d’une CTO : voie antérograde et rétrograde, CART (Controlled Anterograde and Retrograde sub-intimal Tracking), dissection-réentrée. Les complications des procédures de désocclusion sont potentiellement graves et ne font pas l’objet d’un registre prospectif national. Il s’agit d’hémopéricardes (par perforation coronaire), de complications vasculaires (abords multiples et répétés avec risque d’occlusion radiale et d’hématomes aux points de ponction). L’utilisation de quantité importante de produits de contraste est associée à un risque rénal accru surtout chez les patients diabétiques, âgés ou avec insuffisance rénale chronique préexistante. L’irradiation prolongée lors des procédures est associée au risque de complications post-radiques (dermite, nécrose cutané, néoplasie, etc.). Des reprises de procédure sont fréquentes pour compléter un geste ou adopter d’autres stratégies en cas d’échec initial.   La tentation du challenge technique défie souvent le cadre clinique. L’attitude de revascularisation ne devrait pas être guidée par l’anatomie coronaire. Les indications du traitement de l’angor stable, que ce soit sur une sténose facilement accessible à l’angioplastie ou sur une CTO, ne doivent pas différer et dépendent de la classe fonctionnelle de l’angor et de l’importance de l’ischémie myocardique. Rappelons qu’aucune étude randomisée n’a démontré jusqu’à présent la supériorité de la revascularisation myocardique dans le cadre de l’angor stable face au traitement médical optimal sur la survenue des événements durs « hard events » en attendant les résultats de l’étude ISCHEMIA (évaluation prospective randomisée des stratégies interventionnelles ou médicales selon l’étendue de l’ischémie estimée en tomoscintigraphie myocardique ou en échocardiographie de stress). Citons les études COURAGE (1 149 patients dans le bras revascularisation et 1 138 dans le bras traitement médical optimal ; suivi médian de 4,6 années sans différence significative sur le critère primaire composite décès/infarctus du myocarde/ AVC)(4), BARI 2D (2 368 patients avec angor stable et diabète de type 2 ; suivi de 5 ans sans différence entre revascularisation et traitement médical sauf pour le sous-groupe revascularisation par pontages)(5) mais surtout plus récemment FAME 2 (1 220 patients inclus)(6). L’angioplastie coronaire guidée par l’étude de la réserve coronaire (FFR [Fractional Flow Reserve]) comparée au traitement médical optimal (TMO) n’a pas montré de bénéfice en termes de mortalité ou d’infarctus du myocarde alors que 97 % des patients randomisés angioplastie avaient effectivement une angioplastie et que seulement 20 % des patients randomisés TMO étaient traités aussi par angioplastie coronaire. On peut remarquer que le seuil ischémique de la FFR (≤ 0,8) utilisé dans l’étude FAME2 est supérieur à celui de 0,76 démontré dans les études de validation de la méthode. En revanche, l’étude FREEDOM(7) démontrait un bénéfice de la revascularisation par pontages coronaires chez les diabétiques (1 900 patients avec une atteinte tritronculaire ; suivi médian de 3,8 années avec critère primaire composite mortalité toutes causes/infarctus du myocarde non fatal/AVC non fatal ; supériorité de la revascularisation par pontages comparée à l’angioplastie en termes de mortalité et d’infarctus ; mais infériorité en termes d’AVC). L’étude STITCH(8) publiée en 2011 a comparé une stratégie de revascularisation par pontage au traitement médical optimal chez des patients présentant une cardiopathie ischémique avec dysfonction systolique ventriculaire gauche importante (FEVG < 35 %). Aucune différence significative n’a été démontrée chez 1 212 patients inclus pour le critère primaire mortalité toutes causes (41 vs 36 %, OR 0,86 [0,72- 1,04]). Dans l’analyse en sous-groupe(9) des patients ayant bénéficié d’une recherche de viabilité (601 des 1 212 patients), par tomoscintigraphie et/ou échocardiographie sous dobutamine, la présence de viabilité avait tendance à améliorer la survie dans le groupe pontages (37 vs 51 % de mortalité, OR 0,64 [0,48-0,86]) mais cette différence n’est pas significative après ajustement (p = 0,21). Au final, la recherche de viabilité n’a pas permis d’identifier un sous-groupe de patients pouvant améliorer leur survie après revascularisation par pontages comparativement à un traitement médical optimal. Très récemment, une métaanalyse publiée dans le JAMA Internal Medicine(10) a comparé les bénéfices d’une revascularisation par angioplastie face à un traitement médical optimal dans la maladie coronarienne chronique stable avec ischémie prouvée (épreuve d’effort, tomoscintigraphie myocardique, échocardiographie de stress ou FFR). Un suivi médian de 5 ans a été réalisé chez 4 064 patients, ne mettant pas de différence significative dans les 2 groupes en termes de mortalité (6,5 vs 7,3 %, OR 0,90 [0,71-1,16]), d’infarctus non fatal (9,2 vs 7,6 %, OR 1,24 [0,99-1,56]), de revascularisation en urgence (18,3 vs 28,4 %, OR 0,64 [0,35-1,17]) ou d’angor (20,3 vs 23,3 %, OR 0,91 [0,57- 1,44]). Rappelons également que les études OAT(11) et DECOPI(12) qui ont évalué une stratégie de désocclusion tardive dans le post-infarctus du myocarde (> 48 h mais < 28 jours) comparée avec le traitement médical n’ont pas démontré de bénéfice de la procédure d’angioplastie coronaire. Les patients pouvant bénéficier d’une revascularitsation de CTO doivent donc être soigneusement sélectionnés : patients symptomatiques malgré un traitement médical optimal avec une ischémie myocardique significative (> 10 %) démontrée dans le territoire concerné par l’artère occluse. La présence d’une viabilité dans un territoire nécrosé (que ce soit par IRM gadolinium ou tomoscintigraphie myocardique, etc.) n’est pas une indication en soi ; il faut également documenter une ischémie (« jeopardized myocardium ») dans le territoire viable (test fonctionnel avec injection de dobutamine ou d’adénosine). Le mode de revascularisation dépendra des caractéristiques anatomiques, des comorbidités du patient, mais également de l’environnement du centre (chirurgie cardiaque sur site) et de l’expertise du centre et des opérateurs.    Perspectives d’avenir   Pour reprendre les recommandations de l’ESC 2013(13), le traitement médical est la pierre angulaire du traitement de la pathologie coronaire stable. La revascularisation des CTO peut être considérée, en cas d’angor ou d’ischémie significative dans le territoire concerné sous traitement médical optimal, de la même manière que les sténoses non CTO. Il est également important de ne pas confondre viabilité et ischémie dans cette décision de revascularisation. Des études randomisées contrôlées évaluant cette procédure apparaissent nécessaires. Dans l’attente de ces études, l’intérêt technique de cette intervention ne doit pas primer sur l’intérêt du patient. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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