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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 juin 2015Lecture 7 min

Les résultats à long terme de l’ablation de fibrillation atriale

V. MANENTI, E. ALIOT, Département de cardiologie, CHU de Nancy ; Institut lorrain du coeur et des vaisseaux, Vandœuvre-lès-Nancy

Ces vingt dernières années, l’ablation par radiofréquence de fibrillation atriale a acquis une place de choix dans l’arsenal thérapeutique dont dispose le praticien pour la gestion de la fibrillation atriale symptomatique, rebelle aux traitements pharmacologiques. Cette procédure est réalisée avec pour objectif de réduire les symptômes générés par ce type d’arythmie. La réduction de la fréquence et de la gravité des symptômes est obtenue en maintenant le rythme sinusal, ou en réduisant le temps passé par le patient en fibrillation atriale. Généralement, cette procédure est réservée aux formes paroxystiques, dont les symptômes ne peuvent être jugulés par les traitements antiarythmiques ou ralentisseurs.

L’évaluation des résultats de l’ablation, à court ou à long terme, est difficile. Ces résultats sont influencés par de nombreuses variables, comme le type de fibrillation atriale (paroxystique ou persistante), son ancienneté, l’expérience de l’opérateur et le savoir-faire du centre, ainsi que le procédé et le protocole employés (radiofréquence, cryothérapie, isolation veineuse, ablation du substrat dans le corps de l’oreillette gauche). Par ailleurs, il n’existe pas de définition universellement admise du « succès » d’une ablation de fibrillation atriale. Est-ce qu’un « succès » sousentend une résolution complète de l’arythmie et de ses symptômes, et nécessite une surveillance rythmique prolongée et à distance du geste ? Ou bien est-ce qu’une approche plus subjective et pragmatique fondée exclusivement sur les symptômes est plus pertinente ? Enfin, à très long terme (plusieurs années), une récidive de fibrillation atriale n’est-elle pas inéluctable, notamment pour les cas de fibrillation atriale persistante ? Nous allons, dans les parties suivantes, analyser de façon spécifique et thématique les résultats à long terme de l’ablation par radiofréquence, en nous intéressant tout d’abord au maintien du rythme sinusal, aux symptômes en rapport avec l’arythmie, puis au risque thromboembolique, et enfin au taux de mortalité.   Maintien du rythme sinusal   La plupart des études publiées à ce sujet ont une durée de suivi moyenne de un à deux ans. Pour diagnostiquer la récidive, la méthode de référence est une combinaison de surveillance rythmique « documentée » (Holter ECG de 24 h ou plus) et de surveillance clinique, subjective (arythmie rapportée par le patient comme un épisode de fibrillation atriale). D’après les principales études, le taux d’absence complète de récidive de fibrillation atriale pour la FA paroxystique à un an, et ce sans adjonction d’antiarythmiques, est de 75 à 93 %(1-5). Dans les formes persistantes, toujours sans traitement antiarythmique, ce taux est moins important, et varie de 63 à 74 %(5-7). D’autres études ont également analysé le pourcentage de patients sans récidive dans la fibrillation atriale paroxystique, mais avec un suivi à plus long terme. En effet, F. Ouyang et coll.(8) ont suivi 161 patients ayant bénéficié d’une isolation veineuse pulmonaire pour une fibrillation atriale paroxystique. La fonction systolique ventriculaire gauche de ces patients était préservée. La durée moyenne du suivi était de 4,8 années. Les auteurs de cette étude ont observé un taux de 47 % de patients sans récidive après une seule procédure. Ce taux atteignait 79,5 % lorsque l’on incluait les patients ayant eu jusqu’à trois procédures. Parmi les patients en rythme sinusal, 15 % prenaient un traitement antiarythmique. D’autre part, C. Medi et coll.(9) ont suivi une cohorte de 100 patients ayant bénéficié d’une ou plusieurs ablations de fibrillation atriale paroxystique (isolation antrale des veines pulmonaires), pendant 3,25 années. Après une seule procédure, et sans traitement antiarythmique, 49 % des patients étaient exempts de récidive. Après deux procédures, sans traitement antiarythmique, ce taux passait à 57 %. Enfin, ce taux totalisait 82 % des patients si l’on cumulait les patients ayant eu une ou plusieurs procédures, en comprenant ceux traités par antiarythmiques. Dans les formes persistantes, le taux de rechute à long terme est plus élevé. Ainsi, R.R. Tilz et coll.(10) ont rapporté une série de 202 patients ayant eu une ablation de fibrillation atriale persistante, de longue durée. Ces patients ont été suivis pendant 4,7 années. Après une seule procédure, seuls 20 % présentait une restauration et un maintien du rythme sinusal. En comptabilisant ceux ayant eu plusieurs procédures, ce taux était de 45 %. Dans cette série, 12 % de patients étaient sous antiarythmiques.   Symptômes   La plupart des essais cliniques et des études rétrospectives, publiées dans le domaine des résultats de l’ablation de fibrillation atriale, s’intéressent au « succès » en termes de restauration et de maintien du rythme sinusal à long terme. Cependant, on sait désormais qu’un nombre non négligeable de patients ressentent une amélioration clinique, subjective, et ce malgré les récidives d’arythmie. On suppose que cette amélioration clinique est due à une diminution du temps passé en fibrillation atriale, à une ralentissement de la cadence ventriculaire (grâce à un allongement du cycle atrial moyen), ou à une amélioration de la fonction hémodynamique atriale. Dans l’étude précédemment décrite, publiée par F. Ouyang et col l .(8), dans laquelle les patients étaient suivis pendant près de 5 années, en plus des 79,5 % de patients qui ne présentait aucune récidive, 13 % de patients (supplémentaires) rapportaient une amélioration clinique, portant le taux de patients ayant une amélioration globale à 5 ans à 92 %, ce qui est notablement élevé.   Risque thromboembolique   Une étude parue en 2012, publiée par l’équipe de Hunter et coll. a évalué le risque d’accident vasculaire cérébral après une procédure d’ablation chez 1 273 patients (dont 56 % souffraient de forme paroxystique). Ce risque a été comparé à la fois à un groupe de patients traités de façon pharmacologique pour de la fibrillation atriale, mais également à la population générale (en appareillant les patients ayant les mêmes caractéristiques, afin de rendre les différents groupes comparables). La durée moyenne du suivi de cette population était de 3,1 ans après la première procédure. L’absence de récidive était de 85 % pour les formes paroxystiques (dont 76 % sans traitement antiarythmique) et de 72 % pour les formes persistantes (dont 60 % sans traitement antiarythmique). L’intérêt principal de l’étude réside dans le fait que les auteurs ont constaté un lien statistiquement significatif entre l’absence de rechute et la survie sans accident vasculaire cérébral (risque relatif de 0,3 et p < 0,001). Ce résultat, positif, a été observé alors que seuls 27 % des patients sans récidive prenaient un traitement anticoagulant, contre 69 % des patients avec récidive. De plus, les taux d’incidence d’accident vasculaire cérébral et le taux de mortalité étaient significativement plus bas dans le groupe ayant bénéficié de l’ablation (versus le groupe de contrôle). Ces taux, très pertinents cliniquement, étaient proches de ceux observés dans la population générale. Bien qu’un biais de sélection ne puisse être exclu, car il ne s’agissait pas d’une étude avec distribution aléatoire de traitement, ces résultats suggèrent un effet bénéfique de l’ablation, à long terme, sur le risque thromboembolique artériel systémique. Bien que ces résultats soient encourageants, il est impératif que la procédure d’ablation ne soit pas proposée comme un moyen d’arrêter l’anticoagulation, ou comme une alternative à l’anticoagulation à long terme. Cette décision, en l’état actuel des connaissances, repose exclusivement sur le score de risque thromboembolique (score CHA2DS2-VASc).   Taux de mortalité   On sait que la fibrillation atriale est un facteur de risque indépendant d’augmentation du taux de mortalité, et ce de façon accrue chez les femmes. Le risque relatif chez l’homme est de 1,5 et chez la femme de 1,9(11). La stratégie de contrôle du rythme en utilisant un traitement antiarythmique n’a pas prouvée une réduction statistiquement significative du taux de mortalité(12). Des analyses en sous-groupe de ces essais randomisés ont cependant suggéré une association statistique entre la réduction du taux de mortalité et le maintien en rythme sinusal(13,14). Bien que ces analyses post-hoc soient d’un niveau de preuve plus faible, elles laissent supposer que le bénéfice du maintien du rythme sinusal est contrebalancé par l’effet délétère du traitement pharmacologique antiarythmique. Au jour où ces lignes sont écrites, aucune étude n’a pu démontrer que l’ablation par radiofréquence de fibrillation atriale entraîne une réduction statistiquement significative du taux de mortalité. La supériorité de l’ablation versus le traitement médicamenteux pour maintenir le rythme sinusal suggère une telle association, mais cela reste à prouver. Ce supposé bénéfice est actuellement à l’étude dans un essai randomisé de grande ampleur, nommé Catheter Ablation vs. Antiarrythmic Drug Therapy for Atrial Fibrillation (CABANA).    En pratique    Après une période de récidives précoces post-ablations, le maintien du rythme sinusal dans la fibrillation atriale paroxystique diminue de façon graduelle mais suivant la même tendance, avec un taux approximatif de maintien du rythme sinusal à un an de 80 %, avec parfois la nécessité d’un traitement antiarythmique adjuvant ou de procédures d’ablation supplémentaires. L’ablation de ces patients ralentit de manière significative la progression vers la forme persistante, avec un taux de progression de moins de 3 % entre 2 et 5 ans. Cela est plus bas que le taux de progression à un an observé chez les patients bénéficiant uniquement d’un contrôle médical du rythme, qui est contenu dans une fourchette entre 11 et 26 %(15). L’ablation des formes persistantes ne produit pas des résultats aussi durables, en termes de maintien du rythme sinusal, avec des taux d’absence de récidive de 40 à 50 %, à 5 ans. Par contre, à la fois pour les formes paroxystique et persistante, une amélioration symptomatique a été observée (amélioration fondée sur des scores de qualité de vie), et cela également chez les patients présentant des récidives. Une diminution du risque thromboembolique artériel a été observée après ablation, mais sans que cela ait été vérifié par une étude randomisée. Enfin, à ce jour, il n’est pas démontré que l’ablation par radiofréquence de fibrillation atriale réduise le taux de mortalité. L’étude CABANA tentera de répondre à cette question. 

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