Publié le 15 fév 2017Lecture 8 min
Quelle prothèse implanter chez l'insuffisant cardiaque ?
Walid AMARA, Unité de rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil
Des recommandations concernant la prise en charge des patients avec arythmies ventriculaires et prévention de la mort subite cardiaque ont été publiées en 2015(1). Cellesci ont été reprises en 2016 dans les recommandations de prise en charge de l'insuffisance cardiaque(2).
Recommandations de l’ESC
Celles-ci viennent confirmer la place de la défibrillation et de la resynchronisation, avec une indication de classe I à la pose d’un DAI chez les patients ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche ≤ 35 % (tableau 1). La resynchronisation a également une indication de classe I qui prend en compte l’aspect du QRS (bloc gauche vs non gauche), la durée des QRS (≥ 150 ms vs 120-150 ms) et la classe NYHA.
Les indications de resynchronisation au stade III et au stade IV (ambulatoire) sont résumées dans le tableau 2. Les indications de resynchronisation au stade II sont résumées dans le tableau 3.
L’étude MADIT CRT à 7 ans a montré le bénéfice de la resynchronisation chez les patients en stade II de la NYHA (18 % vs 29 %) pour le DAI triple, par rapport à un DAI sans resynchronisation(3).
Dans ces recommandations sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, l’indication de DAI n’a pas changé. Il reste indiqué en classe I chez les patients ayant une fraction d’éjection inférieure à 35 %, en classe NYHA 2 à 3 et ayant une espérance de vie d’au moins 1 an, avec un niveau de preuve A pour la cardiopathie ischémique et un niveau de preuve B pour la cardiopathie non ischémique.
Pour la resynchronisation, quelques modifications à la marge sont notées. Elles concernent notamment la largeur des QRS requise qui doit être maintenant au minimum de 130 ms. Les principales indications de resynchronisation dans les recommandations ESC de 2016 sont notées au tableau 4.
La resynchronisation est contre-indiquée en cas de durée QRS < 130 ms.
Les sondes ventriculaires gauches quadripolaires : nouveau standard
La stimulation du ventricule gauche se faisait jusque récemment par sondes bipolaires et limitait ainsi les possibilités de stimulation, notamment en cas de présence d’une stimulation phrénique.
Les sondes quadripolaires permettent d’éviter une éventuelle stimulation phrénique et de pouvoir stimuler au niveau qui n’entraîne pas cette stimulation délétère(4).
Si ces sondes quadripolaires permettent d’éviter une stimulation phrénique, elles sont également associées à une moindre tendance au déplacement (1,7 % vs 4,6 % ; p = 0,03).
Du choix du pôle de stimulation à la stimulation de tous les pôles, le pas a été franchi et permet maintenant de stimuler tous les pôles (appelée stimulation multipoints). Une étude récente a montré que 90 % des patients stimulés par cette méthode présentent une amélioration hémodynamique sur la dP/dT avec des QRS plus fins qu’en stimulation classique bipolaire(5).
Le suivi à 12 mois avec cette méthode de stimulation montre une augmentation du pourcentage de patients super-répondeurs (33 % vs 14 %)(6), en comparaison à la stimulation bipolaire classique.
Étude MPP IDE trial
Récemment, lors du congrès Cardiostim (juin 2016, Nice), G. Tomassoni (Lexington, États- Unis) a présenté les résultats de cet essai(7).
Tous les patients de cette étude étaient implantés d’un défibrillateur cardiaque triple chambre St-Jude Medical avec une sonde ventriculaire gauche quadripolaire (figure 1).
Figure 1. Configurations de stimulation avec sonde ventriculaire gauche quadripolaire.
Le principe de la stimulation multipoints (MPP) est de permettre de stimuler sur 2 dipôles ventriculaires gauches afin d’améliorer la réponse à la stimulation multisite.
L’étude a inclus 455 patients implantés de défibrillateurs triple chambre avec sonde quadripolaire. Les patients ont eu 3 mois de stimulation bipolaire puis ont été randomisés entre une stimulation VG bipolaire et une stimulation multipoints. Le critère primaire d’efficacité était d’évaluer la réponse à la resynchronisation en non-infériorité. Le principal critère de tolérance était la tolérance évaluée à 9 mois.
Il n’a pas été noté de différence entre les 2 bras, que ce soit en termes d’efficacité (avec une non-infériorité démontrée) qu’en termes de tolérance. Le taux de réponse dans cette étude était de 77 % à 3 mois. Il n’a pas été noté de différence concernant le nombre d’épisodes de TV, FV ou de chocs internes.
Le remodelage inverse était meilleur dans le groupe MPP que dans le groupe BiV classique. Le taux de réponse à la stimulation MPP était meilleur lorsque les points de stimulation VG son espacés d’au moins 30 mm anatomiquement et lorsque les délais de stimulation intra-VG de 5 ms au maximum. Le taux de super-répondeurs était significativement plus important dans ce cas (tableau 5).
La stimulation multipoints revêt donc une certaine importance en termes d’amélioration de la réponse à la resynchronisation.
La question en suspens est celle d’une activation d’emblée ou en cas de non-réponse (réduction de la durée de la batterie en cas de stimulation multipoints estimée de 9 mois). Les études à venir devraient nous donner des réponses.
Et si la sonde atriale jouait un rôle ?
L’étude RESPOND CRT a évalué l’intérêt d’une sonde atriale « particulière » dans la resynchronisation. Les résultats ont été par J. Singh (Boston, États-Unis)(8) au congrès Cardiostim.
Le principe est d’évaluer si la synchronisation atrioventriculaire et interventriculaire pouvait être facilitée par une évaluation hémodynamique déterminée par la sonde atriale. C’est le cas du capteur de contractilité SonR et mis en place sur une sonde atriale dédiée et développée par Sorin (figure 2). L’extrémité de cette sonde est munie d’un micro-accéléromètre. Les mesures de la sonde sont corrélées à la contractilité cardiaque. Le capteur adapte les délais au repos et à l’effort.
Figure 2. Représentation de l’extrémité de la sonde atriale SonR.
L’étude a inclus des patients implantés d’un défibrillateur triple chambre (FEVG < 35 %, QRS 120 ou 150 ms selon la présence ou pas d’un BBG) avec une sonde SonR. Les patients ont été randomisés entre des réglages des délais sous échographie et une activation de la fonction SonR. L’étude a inclus près de 1 000 patients. L’étude a évalué le taux de réponse à 12 mois avec une comparaison en non-infériorité, ce qui était le critère primaire d’efficacité. Le taux de réponse dans le groupe SonR était de 76 % et répondait aux critères de non-infériorité.
Le critère primaire de tolérance était l’absence de complication liée à la sonde atriale. Sur ce point, la tolérance était bonne sans complication à la phase chronique dans 99,8 % des cas. Il a été noté dans le groupe SonR une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 35 % (HR = 0,65 ; IC95% : 0,45-0,92) (tableau 6).
Au total, cette étude montre des résultats encourageants pour ce nouveau moyen d’amélioration de réponse à la stimulation biventriculaire par le biais d’une sonde atriale dédiée avec mesure de la contractilité atriale.
La question cruciale : resynchronisation avec ou sans défibrillateur ?
DANISH
L’année 2016 a vu la publication de cette étude(6). Il s’agit d’une étude multicentrique, prospective, randomisée danoise. Elle a inclus des patients insuffisants cardiaques en classe II à IV. Les patients avaient une cardiomyopathie à coronaires saines (une tolérance existait pour 1 ou 2 sténoses non responsables de la CMD). Les patients avaient un NT-proBNP > 200 pg/ml et étaient sous traitement médical optimal.
Les patients étaient randomisés pour avoir un défibrillateur implantable ou pas. Le critère primaire de jugement était la mortalité totale.
L’étude a inclus près 1 100 patients. L’âge moyen était de 63 ans. La durée médiane de QRS était de 146 ms. Au total, 99 % des patients étaient en classe II ou III. Les patients étaient bien traités puisque plus de 95 % recevaient un IEC ou ARA2, plus de 90 % un bêtabloquant, et plus de 55 % un antialdostérone.
Une information importante est que 58 % des patients avaient une resynchronisation dans cette étude (c’est-à-dire que 58 % des patients du groupe DAI avaient un DAI triple chambre et 58 % des patients du groupe contrôle avaient un PM triple chambre).
L’étude n’a pas montré de différence entre les 2 groupes en termes de mortalité totale (figure 3). Le HR était de 0,87 (IC95% : 0,68-1,12 ; p = 0,28). La réduction de la mortalité subite était cependant significative dans le groupe défibrillateur (HR = 0,50 ; IC95% : 0,31- 0,82 ; p = 0,005). Le taux de mort subite dans le groupe DAI était de 4,3 % alors qu’il était de 8,2 % dans le groupe contrôle (figure 4).
Figure 3. Mortalité toutes causes dans l'étude DANISH.
Figure 4. Évolution de la mortalité subite dans l'étude DANISH.
Le taux d’infection n’était pas significativement différent entre les 2 groupes. Il était de 4,9 % dans le groupe DAI et 3,6 % dans le groupe contrôle (p = 0,29). La différence devient significative en défaveur du défibrillateur si on ne s’intéresse qu’aux patients sans indication de resynchronisation.
Le taux de chocs inappropriés était de 5,9 % dans le groupe DAI (sachant que les détails du mode de programmation n’ont pas été fournis).
L’analyse en sous-groupe révèle une information importante : les patients les plus jeunes bénéficient de la pose du DAI avec une différence significative en faveur du DAI chez les patients de moins de 59 ans et une tendance chez les patients ayant un âge entre 59 ans et 68 ans.
Cette étude, même si elle négative, ouvre la question du choix de mode de resynchronisation chez les patients insuffisants cardiaques non ischémiques (58 % des patients de cette étude).
Même s’il ne s’agit que d’une analyse en sous-groupe, les patients les plus jeunes sont ceux qui bénéficient le plus du DAI.
Cette étude ne remet pas pour autant en cause les recommandations récemment publiées ni les nombreuses études publiées.
SCD HeFT
La place du défibrillateur chez les patients insuffisants cardiaques a été montrée, notamment dans l’étude SCD-HeFT(9). Dans cette étude, plus de 2 500 patients insuffisants cardiaques en classe II ou III (ischémiques ou non) et ayant une fraction d’éjection inférieure à 35 % ont été randomisés entre un placebo, un traitement par amiodarone ou la pose d’un défibrillateur (non resynchronisateur). L’étude n’a pas retrouvé de bénéfice au traitement par amiodarone. La mortalité totale, critère primaire de jugement, était significativement moindre dans le groupe défibrillateur.
L’analyse en sous-groupe retrouve une baisse significative de la mortalité totale dans le sous-groupe des patients avec une cardiopathie ischémique (HR = 0,79 ; IC95% : 0,60-1,04 ; p = 0,05) et non significative (quoique avec une tendance) dans le sous-groupe des patients avec cardiomyopathie non ischémique (HR = 0,73 ; IC95% : 0,50-1,07 ; p = 0,06).
COMPANION
Cette étude(10) a spécifiquement compris un bras avec un DAI triple et un bras avec un PM triple. Les deux bras ont démontré une diminution du critère mortalité ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Par contre, seul le bras DAI triple a démontré une diminution de la mortalité (figure 5). Le baisse de la mortalité dans le bras PM triple n’était pas loin d’atteindre la significativité (par manque de puissance tout simplement).
La resynchronisation par un PM triple est associée à une réduction de la mortalité qui a été démontrée dans l’étude CARE-HF.
Ainsi, la resynchronisation par un PM ou un défibrillateur triple chambre est associée à un bénéfice significatif.
Figure 5. Effet sur la mortalité dans les bras resynchronisation de l'étude COMPANION.
En pratique
La resynchronisation a maintenant une place indiscutable dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque systolique symptomatique malgré le traitement médical.
De nombreuses nouveautés techniques actuelles permettront certainement d'améliorer les résultats de la resynchronisation.
L'une des questions en suspens sera de choisir la bonne prothèse chez le bon patient (PM ou DAI triple). Pour y répondre, on doit prendre en compte notamment l'âge du patient, son espérance de vie et le type de cardiopathie, ischémique ou non.
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