Insuffisance cardiaque
Publié le 01 avr 2017Lecture 5 min
Dysfonction ventriculaire gauche : approche multimodale
Arthur CESCAU, Services de cardiologie et de médecine nucléaire, hôpital Lariboisière, Paris
À l’occasion des dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie, nous sommes passés d’une approche binaire de l’insuffisance cardiaque (fraction d’éjection ventriculaire gauche préservée ou altérée) à une plus subtile comportant une troisième catégorie : celle de la « zone grise » des patients ayant une FE comprise entre 40 et 50 %, répondant au nom de Heart Failure with mid range Ejection Fraction (HFmrEF). Cette classification, outre son intérêt clinique, témoigne des progrès réalisés dans le domaine de l’imagerie cardiaque.
L’échocardiographie
L’échocardiographie reste l’examen de première ligne dans la mise en évidence et l’exploration d’une dysfonction VG. La robustesse du Simpson biplan pour évaluer volumes et FE du VG n’est plus à prouver, mais des techniques plus récentes ont montré leur intérêt : leur mesure en ETT 3D par exemple est plus proche des résultats obtenus en IRM (en dépit d’une sous-estimation des volumes liée à la difficulté d’identification précise des trabéculations), plus reproductible à la fois en inter- et intraobservateur. Cependant, outre que cette option ne soit pas disponible sur tous les échographes, il n’a à ce jour pas été défini de valeurs normales des volumes VG pour cette technique, ce qui limite son utilisation(1).
L’imagerie de déformation avec en particulier la mesure du strain rate longitudinal apporte également des informations intéressantes : diagnostic précoce d’atteinte myocardique diffuse comme dans les cardiopathies toxiques liées à certaines chimiothérapies, pronostiques(2) et peut aider dans la description fine de troubles de la cinétique segmentaire. Cette technique souffre cependant d’une grande variabilité entre les différents constructeurs.
Cardiologie nucléaire
La ventriculographie isotopique (extrapolation d’un volume cavitaire à partir de l’activité radioactive des globules rouges marqués in vivo au 99mTc) a longtemps été le gold standard pour la mesure des volumes VG, eu égard à sa reproductibilité interobservateur exceptionnelle (r = 0,99 déjà en 1979 pour des mesures planaires !). En dépit d’études (plus) récentes soulignant l’intérêt de mesures tomographiques et de sa disponibilité, cette technique irradiante (autour de 5 mSv, comparable à celle générée par un coroscanner) est à présent supplantée par l’IRM (non irradiante, moins coûteuse et apportant davantage d’informations). À noter que la ventriculographie isotopique est à différencier de la fraction d’éjection largement fournie avec les résultats de scintigraphie myocardique de perfusion utilisée dans la recherche d’ischémie, qui, reconstruite à partir des mouvements des parois myocardiques marquées au 201Th, n’est qu’indicative. Notons dans les dernières recommandations sur l’IC, la mention de la scintigraphie aux biphosphonates (radiomarqueur utilisé en scintigraphie osseuse) pour le diagnostic étiologique des amyloses à TTR(3) ; enfin, à visée essentiellement pronostique, la mesure de la captation myocardique du MIBG (un analogue de la noradrénaline) dont l’altération témoigne d’une dénervation myocardique.
IRM cardiaque
L’IRM cardiaque s’est imposée comme le gold standard pour la mesure des volumes, de la masse et de la FE du VG, de même que pour l’étude du ventricule droit grâce à sa très grande précision et à sa reproductibilité(4).
Dans l’insuffisance cardiaque à FE altérée, l’attitude classique est de réaliser une coronarographie diagnostique afin d’éliminer une origine ischémique.
Won et coll. dans l’American Journal of Cardiology en 2015 ont montré que chez des patients ayant une dysfonction VG, l’absence de pattern ischémique en IRM (rehaussement tardif sous-endocardique/transmural et akinésie segmentaire) avait une spécificité de 94 % pour affirmer le caractère non ischémique de la dysfonction VG(5).
Un PHRC est en cours afin de confirmer ces résultats qui modifieraient sensiblement nos pratiques
Dans les dysfonctions VG non ischémiques, l’étude du rehaussement tardif permet certains diagnostics étiologiques (séquelle de myocardite, amylose, maladie de Fabry, sarcoïdose, etc.), mais a également une valeur pronostique péjorative dans les CMD idiopathiques témoignant d’une fibrose intramyocardique fixée. Des séquences plus récentes de cartographie T2, mais aussi et surtout T1, sont prometteuses en particulier dans les atteintes myocardiques diffuses comme dans la maladie de Fabry (T1 natif du myocarde abaissé) ou dans l’amylose cardiaque (T1 natif augmenté). En réalisant ces cartographies avant et après injection, et en disposant de l’hématocrite du patient, il est même désormais possible d’appréhender le volume extracellulaire du myocarde et ainsi de disposer de données histologiques avec un examen non invasif(6).
Avec les nouvelles machines et grâce à une organisation rodée et des techniciens bien formés, il est maintenant possible d’effectuer un examen standard (coupes cinés, séquence de perfusion et étude du rehaussement tardif) en moins de 20 minutes ce qui, avec l’augmentation du nombre de machines, permet maintenant de considérer l’IRM comme une technique de routine. À noter que la généralisation des PM et DAI IRM-compatibles et la très théorique toxicité cutanée en cas d’insuffisance rénale sévère (aucun cas de fibrose systémique néphrogénique décrit avec les nouveaux chélates de gadolinium) rendent l’IRM cardiaque maintenant accessible au plus grand nombre.
Scanner cardiaque
Même si des études ont montré la faisabilité et une reproductibilité acceptable de la mesure des volumes VG en scanner, le caractère irradiant et la faible résolution temporelle du scanner cardiaque n’en font pas vraiment un examen de choix dans cette indication. De même, on préférera une IRM au coroscanner afin d’éliminer une origine ischémique à une dysfonction VG (plus d’information sans irradiation).
En pratique
Les progrès de l’imagerie cardiaque ont été importants ces dernières années et l’avenir est prometteur, particulièrement dans le domaine de l’IRM, faisant apparaître un nouveau profil de cardiologue imageur transversal.
Les besoins de formation sont là, les filiales d’imagerie de l’ESC et de la SFC, très actives, en témoignent.
Figure 1. Exemple de captation myocardique pathologique des biphosphonates marqués au 99mTc dans une amylose TTR sénile.
Figure 2. A. Cartographie T1 (séquence MOLLI) : coupe petit axe médiane montrant un VG présentant une atteinte amyloïde avec une augmentation de la valeur du T1 natif (mesuré à 1 115 ms). B. Même niveau de coupe : étude du rehaussement tardif (séquence PSIR) montrant une infiltration diffuse du myocarde.
Figure 3. Myocardite aiguë : coupe petit axe médiane. A. Séquence T2 STIR montrant un hypersignal inférolatérale (oedème). B. Séquence FL3D, étude du rehaussement tardif : hypersignal inférolatéral. C. Cartographie T1 (avant injection) : augmentation localisée du T1 en inférolatéral (1 211 vs 1 019 mS au niveau du septum). D. Cartographie T1 (12 minutes après injection) : diminution localisée du T1 en inférolatéral (354 vs 408 mS au niveau du septum).
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