Publié le 15 juin 2017Lecture 8 min
Les points clés de l'évaluation per-procédure de la valve mitrale
Éric BROCHET, Hôpital Bichat, Paris
L’insuffisance mitrale (IM) est actuellement la valvulopathie mitrale la plus fréquente dans les pays industrialisés, et son incidence augmente avec l’âge.
Le traitement percutané de l’insuffisance mitrale est en plein essor
L’insuffisance mitrale (IM) est actuellement la valvulopathie mitrale la plus fréquente dans les pays industrialisés, et son incidence augmente avec l’âge. Si le traitement chirurgical reste le traitement de référence des insuffisances mitrales organiques (primaires) symptomatiques, beaucoup de patients ne peuvent bénéficier de la chirurgie en raison de contre-indications ou de risque opératoire jugé excessif.
Cet état de fait explique l’intérêt et l’essor important du traitement percutané de l’insuffisance mitrale ces dernières années, permettant de proposer une alternative thérapeutique à la chirurgie à ces patients.
La technique du MitraClip ou réparation bord à bord, inspiré de la technique chirurgicale d’Alfieri est de loin la technique la plus diffusée, avec actuellement plus de 40 000 patients traités dans le monde. Cette technique s’adresse à la fois à l’IM primaire (ou organique) par prolapsus, et à l’IM secondaire (ou fonctionnelle) des cardiopathies dilatées ou ischémiques. Les résultats de l’étude randomisée EVEREST ont montré la faisabilité de la technique et ses résultats satisfaisants et stables à 5 ans, avec cependant une supériorité de la chirurgie dans l’IM primaire. Pour cette raison, le MitraClip n’est indiqué aux États-Unis que chez les patients à haut risque ou contre-indiqués pour la chirurgie. En France, le développement de la technique du MitraClip a longtemps été limité, et c’est seulement depuis le début de l’année 2017 que le remboursement du MitraClip a été accordé pour les patients avec insuffisance mitrale sévère, d’origine dégénérative, symptomatique malgré une prise en charge médicale optimale, non éligibles à la chirurgie de réparation ou de remplacement valvulaire (indication HAS).
Dans l’IM secondaire, la validation de cette technique fait l’objet de plusieurs essais randomisés en cours (étude COAPT aux États-Unis, étude MITRA FR en France, qui vient de se terminer, et étude RESHAPE 2 en Allemagne).
Les patients doivent également répondre aux critères échocardiographiques d’éligibilité, éléments essentiels du succès de la procédure.
Rôle essentiel de l’ETO 3D pendant la procédure
Toutes ces techniques percutanées complexes sont essentiellement basées sur un guidage échographique et n’ont pu se développer que grâce aux progrès simultanés de l’imagerie échographique, et notamment de l’ETO 3D.
L’ETO 3D permet en effet une analyse unique des relations spatiales entre les cathéters, dispositifs intracardiaques et structures anatomiques et facilite également la communication entre échographistes et cardiologues interventionnels. Cette communication est un élément clé de la réussite de la procédure. Elle passe par l’utilisation d’un nombre limité de plans de coupe standardisés, avec une orientation spatiale prédéfinie permettant de se repérer sans ambiguïté.
L’ETO 3D permet différentes modalités d’imagerie :
- le mode 3D volumique en temps réel est essentiel pour la représentation anatomique des structures cardiaques, l’analyse lésionnelle de la valve mitrale et l’orientation spatiale au sein des cavités cardiaques ;
- l’imagerie biplan (ou Xplan) permet une analyse simultanée dans deux plans (orthogonaux ou non) en temps réel. Par rapport au mode 3D, le mode biplan a l’avantage d’une visualisation en profondeur avec une résolution spatiale et temporelle élevée aussi bien en mode B qu’en Doppler couleur.
Analyse lésionnelle
L’analyse lésionnelle complète du mécanisme et de la sévérité de l’insuffisance mitrale est bien sûr réalisée avant la procédure mais elle doit être systématiquement répétée en début d’intervention afin d’affiner la stratégie interventionnelle.
L’acquisition 3D de la valve mitrale en mode zoom et/ou full volume permet d’obtenir la vue « chirurgicale » en face de la valve mitrale où sont clairement identifiables les différents segments valvulaires et les structures adjacentes (figure 1). L’orientation de cette coupe est standardisée (avec l’aorte en avant et l’auricule gauche à gauche).
En cas de prolapsus, sa localisation et son extension en largeur peuvent être facilement précisées sur cette vue. La vue 3D est également la seule qui permet d’identifier clairement un prolapsus commissural ou des anomalies anatomiques comme des indentations profondes des feuillets valvulaires (cleft) pouvant poser des problèmes lors de l’intervention.
Cette vue 3D en face permet également de comprendre l’intérêt du mode biplan (ou Xplan). En partant d’un plan bi-commissural (autour de 60°), le plan orthogonal (entre 130 et 150°) passant par l’aorte permet de balayer les différents segments de valve mitrale de la partie médiane à la partie latérale. Sont ainsi successivement analysés les segments A3P3, A2P2, et A1P1.
La reconstruction multicoupe obtenue à partie de l’image 3D permet également des mesures quantitatives précises des anomalies valvulaires (hauteur et largeur du prolapsus, hauteur de tenting, coaptation, dimensions annulaires…).
Figure 1. Analyse de la valve mitrale en ETO 3D. Vue « en face » dite vue chirurgicale de la valve mitrale, à partir de l’oreillette gauche. Les différents segments de la valve mitrale sont indiqués sur le schéma. Ao : aorte. LAA : auricule gauche ; SIA : septum inter-auriculaire. À droite : prolapsus de P2 P3 (flèche).
Guidage échographique au cours de la procédure (exemple du MitraClip)
Le guidage échographique interventionnel des procédures type MitraClip fait appel à l’ETO 3D sous ses différentes modalités. Les vues les plus importantes sont :
- la vue « en face » de la valve mitrale à partir de l’oreillette gauche en mode zoom 3D ou full volume en un battement (figure 1) ;
- la vue biplan ou Xplan couplant une vue inter-commissurale 60° ;
- et une vue 3 cavités (dite « LVOT ») à 150° (figure 2).
Ces 3 vues permettent une orientation spatiale bien définie du clip comme l’illustre la figure 2. Sur la vue 3D, la valve aortique est le repère antérieur, l’auricule gauche est situé à gauche et est le repère latéral. Le septum inter-auriculaire situé à droite est le repère médial.
La coupe bi-commissurale donne les orientations médio-latérales, et la coupe 3 cavités l’orientation antéro-postérieure.
Figure 2. Mode ETO Xplan (ou biplan). Coupe bi-commissurale (à gauche) à 60° et coupe 3 cavités (à droite) à 150°, visualisées simultanément. L’orientation spatiale est indiquée sur les images : MED : médial ; LAT : latéral ; ANT : antérieur ; POST : postérieur.
Évaluation échographique au cours des différentes étapes de la procédure (cas de l’insuffisance mitrale primaire par prolapsus)
Ponction transseptale
La ponction transseptale est elle aussi échoguidée, car le site de ponction doit être situé à la partie supérieure et postérieure de la fosse ovale, et suffisamment haut par rapport au plan de la valve mitrale. L’imagerie biplan est ici tout à fait essentielle pour préciser la bonne position du site de ponction et la visualisation du tenting du septum.
Introduction du clip dans l’oreillette gauche
(figure 3)
L’apport du guidage 3D est important au cours de cette étape pour s’assurer que le clip n’entre pas en contact avec les parois de l’oreillette lors des manoeuvres nécessaires dans l’oreillette gauche, afin d’orienter le clip vers la valve mitrale.
Figure 3. En haut : ETO 3D, introduction du clip et navigation dans l’oreillette gauche. En bas : mode Xplan ou biplan, positionnement du clip dans les 2 plans et alignement avec le jet d’insuffisance mitrale.
Navigation vers la valve mitrale
(figure 3)
L’orientation du clip vers la valve mitrale est guidée en mode biplan ou Xplan. Ceci permet d’adapter la position antéro-postérieure et médio-latérale du clip, positionné dans l’axe du jet de l’insuffisance mitrale.
Le clip est ensuite ouvert et ses deux bras doivent être positionnés perpendiculairement à la ligne de coaptation. La vue 3D « en face » est ici fondamentale, permettant de visualiser parfaitement l’axe du clip qui doit être aligné avec la valve aortique (figure 4). Des mouvements de rotation horaire et antihoraire du clip permettent d’optimiser la perpendicularité dans cette vue.
Figure 4. En haut : Vue ETO 3D permettant d’aligner le clip perpendiculairement à la ligne de coaptation. En bas : capture des feuillets, fermeture du clip et réduction de la fuite mitrale.
Capture des feuillets
Le clip est ensuite avancé dans le ventricule gauche et positionné sous les feuillets valvulaires.
Le mode ETO biplan ou la coupe ETO 2D en 3 cavités permettent de suivre ensuite le retrait progressif de clip et la capture des feuillets. Le guidage échographique est crucial lors de cette étape, afin de s’assurer du bon positionnement des feuillets et de la capture par le clip (figure 4).
Évaluation du résultat
(figure 5)
Le résultat immédiat peut être apprécié par la vue 3D en face, mettant en évidence l’aspect caractéristique de double orifice mitral.
Après évaluation de la bonne capture des feuillets, le clip est libéré et une analyse précise du résultat final est réalisée.
Les points essentiels à évaluer à ce stade sont le degré et la localisation d’une éventuelle fuite mitrale résiduelle, la mesure du gradient transvalvulaire au Doppler pour s’assurer de l’absence de sténose et la nécessité ou non de mettre en place un second clip.
L’ETO 3D, en mode de reconstruction multicoupe permet une mesure précise de la surface valvulaire, par planimétrie de chaque hémi-orifice. Il permet également de mesurer la vena contracta des jets d’IM résiduelle.
Figure 5. En haut : ETO 3D, vue en face du double orifice mitral avant largage par le patient. du clip. ETO 3D couleur permettant d’apprécier la fuite mitrale résiduelle. En bas : vue en face ETO 3D du double orifice mitral après largage du clip. Évaluation de la surface mitrale de chaque orifice par planimétrie en reconstruction multiplan (QLab).
Autres techniques percutanées
D’autres techniques percutanées ont été introduites plus récemment, comme la technique d’annulopastie directe type Cardioband. Le principe de cette technique est de mettre en place un anneau prothétique par voie transseptale fixé par une série de vis dans l’anneau mitral. L’anneau peut ensuite être resserré afin de réaliser une annuloplastie restrictive.
Cette technique est également dépendante d’un guidage échographique très précis, assuré par l’ETO 3D et les techniques biplan et multiplan en temps réel (figure 6).
Figure 6. Procédure Cardioband. À gauche : implantation de l’anneau prothétique (flèches) sous guidage ETO 3D. À droite : mode Xplan permettant de s’assurer du bon positionnement des vis sur l’anneau (flèches). Remerciements au Dr D. Messika Zeitoun.
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