Publié le 01 nov 2019Lecture 6 min
Insuffisance cardiaque à FE préservée : au coeur du traitement de cette entité complexe
L. BOURGAULT
Journées francophones de l'insuffisance cardiaque
Dans le diagnostic de l’ICFEp, la mesure de la fraction d’éjection peut s’avérer insuffisante. Quelles approches intégrer dans la pratique ? Contre ce syndrome hétérogène, quels sont les bénéfices du sacubitril/valsartan ?
L’imagerie, un appoint fondamental au diagnostic des ICFEp
D’après E. DONAL, Rennes
Le diagnostic de l’ICFEp repose sur des critères échographiques ou sur les peptides natriurétiques. Ces critères échographiques sont structurels et fonctionnels : le volume indexé de l’oreillette gauche, avec un cutoff à 34 ml/m2 en rythme sinusal. En cas de FA, la valeur de référence est 40 ml/m2. Autre paramètre à considérer, la masse du ventricule gauche. Plus la masse sera importante, plus la probabilité d’ICFEp augmente. Le rapport E/e’, valeur en Doppler tissulaire à l’anneau inférieure à 9 cm/s, instruit aussi le diagnostic.
Pour prédire le risque de décompensation cardiaque, on a recours à l’IRM et à la mesure du volume extracellulaire. Chez ces patients, on trouve des anomalies du rapport E/e’, une hypertrophie ventriculaire gauche, une dilatation de l’oreillette. Le strain global longitudinal est altéré dans au moins 50 % des cas, paramètre pertinent pour prédire le risque de décompensation.
Deux profils sont a priori plus à risque d’ICFEp : les patientes obèses ou en surcharge pondérale, avec hypertension artérielle et distension diastolique sévère ; les hommes avec un cœur très musclé, très hypertrophié et des stigmates de dysfonction systolique mis en évidence par le strain global longitudinal. Chez les femmes, l’étude de la diastole consiste à mesurer les vitesses de régurgitation du flux tricuspide, du flux mitral au doppler tissulaire à l’anneau et la taille de l’oreille gauche. En observant les cut-off, le flux tricuspide est de 2,8 m/s, le rapport E/e’ est de 14 et le volume de l’oreille gauche équivaut à 34 ml/m2. Chez l’homme, l’hypertrophie concentrique ventriculaire gauche est adaptée au strain global longitudinal. Plus le strain de l’oreillette est bas, plus la dysfonction diastolique est sévère. Chez certains patients, le cœur droit dispose d’une capacité très réduite d’adaptation à l’augmentation de la post-charge, ce qui constitue un paramètre pronostique indépendant. Le diastolic stress test est un outil utile en cas de dyspnée inexpliquée à l’examen au repos. En l’absence de signe clinique d’IC, les patients peuvent bénéficier de cette échographie d’effort sous-maximal.
Le diastolic stress test permet aussi d’observer l’incompétence chronotrope parfois associés à certains symptômes.
30 ans de recherche : que retenir ?
D’après M. GALINIER, Toulouse
La mortalité liée à l’ICFEr a été divisée par 2 ou 3 en 30 ans, mais la mortalité par ICFEp n’a toujours pas diminué bien que tous les médicaments efficaces dans l’ICFEr aient été testés dans l’ICFEp.
Veiller aux comorbidités
L’une des hypothèses pour expliquer cet échec est que la mortalité dans l’ICFEp est davantage liée aux comorbidités. Ainsi, dans PARAGON-HF(1), comparant l’efficacité du sacubitril/valsartan au valsartan seul, la prévalence des comorbidités est très élevée : diabète (43 %), obésité (49 %), FA (32 %), insuffisance rénale (47 %). La mortalité est davantage liée à ces comorbidités qu’à la pathologie cardiaque induisant la dysfonction diastolique. Autre explication, 6 phénotypes d’ICFEp ont été décrits. La physiopathologique de l’ICFEp sur le myocarde met en jeu une altération de la fonction diastolique (relaxation, rigidité) et systolique, des mouvements auriculaires avec une dysfonction atriale et une altération de la réserve diastolique, une incompétence chronotrope, des phénomènes vasculaires artériels périphériques, une insuffisance rénale associée à une surcharge liquidienne. Un seul médicament ne peut agir sur tous ces paramètres. Enfin, les systèmes neuro-hormonaux ne sont pas activés dans la l’ICFEr comme dans l’ICFEp d’où l’absence de bénéfice de l’inhibition de ces systèmes, et la négativité des études avec les IEC et les ARA2 réalisées antérieurement. L’objectif est aujourd’hui d’agir sur les systèmes vasodilatateurs.
Dans l’essai PARAGON-HF, chez des patients dont la FE était en moyenne de 57 %, après 35 mois, 2 000 patients étaient traités par sacubitril/valsartan, 2 385 traités par valsartan seul : 85 % des patients recevaient la posologie maximale de sacubitril/valsartan (97/103 mg x 2/j) ou le valsartan (160 mg x 2/j). Une réduction non significative de 13 % du critère de jugement principal, hospitalisations pour IC et décès de cause cardiovasculaire, a été observée (RR 0.87, IC95% : 0,753-1,005, p = 0,0585). Les patients traités par sacubitril/valsartan ont également bénéficié d’une amélioration de la symptomatologie appréciée par le score KCCQ, d’une meilleure qualité de vie et d’une moindre aggravation de l’insuffisance rénale.
Les facteurs de mortalité liés à l’ICFEp relèvent des comorbidités, fragilités sur lesquelles le suivi doit se concentrer.
Prise en charge thérapeutique du patient : l’essentiel de 2019
D’après P. JOURDAIN, Paris
Dans l’ICFEr, la phase de transition ville-hôpital est marquée par un sur-risque d’instabilité hémodynamique et d’hyperactivité neurohormonale. Approximativement 25 % des patients seront réadmis à l’hôpital dans les 30 jours. La mortalité pendant ces 30 jours peut atteindre 10 %. Pendant cette phase dite de vulnérabilité, l’utilisation des traitements de fond est insuffisante, et la titration des traitements trop lente.
Une titration trop lente
Plusieurs études ont comparé la titration du sacubitril/valsartan en intra-hospitalier vs en posthospitalier. L’étude TRANSITION(2) évalue l’indication du sacubitril/valsartan après un court délai suivant la stabilisation du patient hospitalisé pour une décompensation aiguë d’IC. À 10 semaines, plus de 86 % des 1 002 patients recevaient le sacubitril/valsartan pendant ≥ 2 semaines, sans interruption. La moitié de ces patients a atteint l’objectif des 200 mg x 2/j. En termes de tolérance, ces deux approches intraet post-hospitalier sont comparables, avec une très légère tendance à l’hypotension en intrahospitalier. Les doses atteintes sont à peu près équivalentes et les deux approches convenables, l’important étant de titrer le sacubitril/valsartan dès l’indication de ce traitement. Ces éléments valent pour la phase aiguë de l’ICFEr.
Chute rapide du taux de NT-proBNP sous sacubitrilvalsartan
Durant la phase chronique, il importe d’optimiser la prise en charge de façon rapide et continue, pour un bénéfice maximal du traitement de fond. Une étude(3) menée auprès de 794 patients atteints de l’ICFEr et suivis pendant 12 mois, a montré un remodelage positif très important sous sacubitril/valsartan, avec une amélioration de près de 10 % de la FE. L’étude révèle aussi la rapidité et la significativité de la baisse du taux de NT-proBNP sous sacubitril/valsartan vs énalapril. Sous sacubitril/valsartan, près de 90 % de la baisse du NT-proBNP était observée à 14 jours.
L’étude PIONEER-HF(4) a inclus 887 patients atteints d’ICFEp, hospitalisés pour décompensation aiguë. Une fois la stabilisation hémodynamique atteinte, les volontaires ont reçu le traitement sacubitril/valsartan (97 mg/103 mg x 2/j) vs enalapril (10 mg x 2/j). La diminution du taux de NT-proBNP a été plus importante sous sacubitril/valsartan vs énalapril (-46,7 % vs - 25,3 %, soit -29 %, p < 0,001). Cette réduction a débuté dès la première semaine de traitement. Les taux de mortalité et de réhospitalisation sous sacubitril/valsartan sont respectivement de 2,3 % et 8 %, vs 3,4 % et 13,8 % sous enalapril.
Autres éléments à retenir : l’arrivée des inhibiteurs de SGLT2 qui ont montré un effet sur les décès et les réhospitalisations liés à l’insuffisance cardiaque. Enfin, l’amylose est reconnue comme cause significative d’ICFEp et doit donc être systématiquement recherchée en cas de cardiopathie hypertrophique avec IC.
L’amélioration des filières d’IC et l’auto-évaluation par les équipes médicales constitue un autre objectif. À ce titre, un outil « chemins cliniques cohérents », ou C-Cube, a été mis en ligne en septembre 2019, qui permet aux cliniciens d’accéder à des données par pathologie au niveau des établissements publics (mortalité, réhospitalisations, actes). Cette restitution graphique vise l’amélioration de la prise en charge des patients pour lesquels l’accès au traitement n’est toujours pas optimal.
D’après un symposium Novartis, JFIC 2019
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