Publié le 15 fév 2023Lecture 7 min
Avenir de la cardiologie hospitalière en 25 solutions - Propositions du livre blanc du CNCH
Walid AMARA*, Simon CATTAN*, Franck ALBERT**, *Montfermeil ; **Chartres
Le Collège national des cardiologues des hôpitaux (CNCH) vient de publier un rapport ambitieux redessinant, en 25 solutions, le paysage de la cardiologie hospitalière d’aujourd’hui et de demain : ses réussites, ses besoins, ses manques et les améliorations nécessaires pour conserver un lien de confiance avec la société, les patients, les institutions et les professionnels. S’il est impossible de tout résumer, le document complet de plus de 200 pages est accessible gratuitement sur le site du CNCH.
État des lieux
Nous faisons face à une crise de la démographie des cardiologues tout à fait considérable, qui ne permettra plus d’assurer la permanence des soins dont nous avons la principale responsabilité dans de nombreux territoires. Notre hôpital public subit des contraintes très lourdes liées à l’exigence d’assurer des soins 24 heures sur 24 tout au long de l’année. Or, il n’attire plus les médecins et les soignants en raison d’un manque de reconnaissance économique et de conditions de travail âpres. Pour autant, la cardiologie est une des disciplines médicales les plus innovantes, avec de nouvelles techniques de soin prometteuses qui ne peuvent se permettre de rester sans réagir aux pertes de chance des patients. La réflexion engagée par le CNCH sur les questions qui se posent dans notre pays vise à proposer des solutions, en responsabilité, dans un moment particulier où les pouvoirs publics déclarent vouloir reconstruire, sur de meilleures bases, le système de santé. En 25 solutions, il redessine ce que devrait être un hôpital efficace et bienveillant. Qui assurerait la prise en charge équitable des malades atteints des principales affections cardiaques (figure 1).
Des besoins en hausse continue face à un hôpital public en crise et à une pénurie de cardiologues hospitaliers
Les besoins de prise en charge des pathologies cardiovasculaires ne cessent de progresser et se reflètent dans le taux de croissance annuel des séjours de cardiologie, de l’ordre de 3 % par an entre 2009 et 2019 : 1 549 385 hospitalisations sont désormais réalisées chaque année en cardiologie (figure 1).
Avec une progression moyenne des effectifs de 1 % par an, les 6 319 cardiologues en activité régulière au 1er janvier 2022 ont de plus en plus de mal à répondre à cette demande croissante. Ainsi, 38,3 % des postes de PH à temps plein et 51,2 % des temps partiels étaient vacants en 2019.
Le besoin de prise en charge des pathologies cardiovasculaires ne cesse de progresser et se reflète dans le taux de croissance annuel des séjours de cardiologie, de l’ordre de 3 % par an entre 2009 et 2019 : 1 549 385 hospitalisations sont désormais réalisées chaque année en cardiologie (figure 2).
Les centres hospitaliers couvrent près de la moitié de l’activité nationale, avec 47 % des séjours en cardiologie. Parmi eux, 87 % des séjours se déroulent dans les CH, 12 % dans les ESPIC et environ 1 % dans les HIA ; 70 % de son activité concerne des séjours non interventionnels.
Les centres hospitaliers couvrent 1/3 de l’activité de cardiologie interventionnelle (figure 3)
L’activité de cardiologie interventionnelle est réalisée par 212 plateaux interventionnels en France et est majoritairement assurée par le secteur privé à but lucratif. Avec 87 centres autorisés, les centres du CNCH couvrent près du tiers de l’activité : il est particulièrement actif sur la prise en charge des angioplasties coronaires pour lesquelles il réalise près de 40 % de ces actes.
Les centres de rythmologie interventionnelle du CNCH réalisent 29 % de l’activité nationale (figure 4)
Au total, 377 centres en France pratiquent des actes de rythmologie interventionnelle en France : 208, dont 122 du CNCH, réalisent exclusivement des actes diagnostiques et des poses de pacemakers. 169, dont 74 au CNCH, sont en outre autorisés à pratiquer des ablations et à poser des défibrillateurs et stimulateurs multisites. Plus nombreux et relativement plus petits que leurs homologues du privé lucratif et des CHU, les centres du CNCH couvrent 29 % de cette activité, tous types d’actes confondus.
Acteur incontournable de la prise en charge des urgences cardiologiques, le CNCH accueille 70 % des séjours issus des urgences (figure 5)
La qualité de ce maillage territorial se reflète dans la participation du CNCH à la prise en charge des urgences cardiologiques, qui augmentent chaque année en moyenne de 3 %. Le CNCH prend en charge 70 % des 600 000 séjours de cardiologie issus des urgences.
Les 5 groupes d’activité les plus fréquents sont détaillés sur la figure 6).
Pathologie la plus fréquemment rencontrée en service de cardiologie, l’insuffisance cardiaque est majoritairement prise en charge au CNCH (figure 7)
L’insuffisance cardiaque est une des pathologies dont la prévalence ne cesse d’augmenter, avec une croissance annuelle moyenne de 2 %. En 2019, presque 280 000 hospitalisations avaient pour cause principale une insuffisance cardiaque.
Le CNCH est impliqué dans la prise en charge de la majorité des hospitalisations liées à l’insuffisance cardiaque : 63 % des séjours liés à cette pathologie sont effectués dans un service du CNCH, 22 % dans un service des CHU et 15 % dans un service des acteurs privés lucratifs.
Les 25 solutions du CNCH
Adapter l’offre de soins aux besoins cardiologiques du territoire
• Définir une gradation des soins de cardiologie dans le cadre de filières pensées à l’échelle de chaque bassin de santé en tenant compte des densités de population et du temps d’accès aux soins et orienter les patients vers le niveau de recours le plus adapté à leur pathologie.
• Prendre en compte le besoin réel du bassin de santé lors de l’attribution des nouvelles autorisations de cardiologie et de rythmologie interventionnelle pour ne pas dégrader les conditions d’accès aux soins sur les territoires isolés ni créer de concurrences inutiles.
• Renforcer le développement de la télémédecine en cardiologie en proposant un financement plus juste des missions.
Contrer la crise démographique et renforcer l’attractivité de l’hôpital public
• Repenser les rémunérations du secteur public pour tenir compte de la technicité des métiers, des responsabilités managériales, de la mobilisation des professionnels, et réduire l’écart avec le secteur libéral.
• Revaloriser les rémunérations des gardes et astreintes pour tenir compte de la pénibilité de cette activité, afin de les aligner sur celles du secteur privé.
• Faciliter les conditions d’exercice en libéral au sein des équipes hospitalières.
• Augmenter de 30 places supplémentaires par an le nombre de postes ouverts pour les diplômes d’études spécialisées (DES) de cardiologie en coordination étroite avec le Collège national des enseignants en cardiologie (CNEC).
• Sauvegarder l’ensemble des diplômes inter-universitaires (DIU), notamment au bénéfice de la formation des médecins étrangers afin d’amortir le choc démographique prévu en cardiologie interventionnelle, en lien avec les responsables concernés.
• Recourir davantage aux postes partagés entre les CHU et les centres du CNCH, notamment pour les assistants et les docteurs juniors.
• Améliorer l’attractivité hospitalière en proposant des postes au sein d’équipes d’une taille suffisante pour limiter l’impact sur la vie personnelle et basées dans des centres référents avec possibilité d’exercice multisite.
• Accélérer la formation des infirmiers en pratique avancée (IPA) et valoriser les compétences acquises par délégation de tâches et dans le cadre de protocoles de coopération en cardiologie.
• Donner une place croissante aux médecins et soignants dans la gouvernance des établissements de santé : mettre en place des trinômes, médecin, cadre soignant et cadre administratif, disposant de délégations de pouvoir efficientes pour faciliter la mise en œuvre de projets équilibrés économiquement.
• Engager une réflexion sur la rémunération de l’investigation réalisée par les centres hospitaliers impliquant une révision de la grille de répartition des enveloppes Missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI).
Décloisonner le système de santé
• Encourager la constitution de fédérations médicales inter-hospitalières organisant l’accès, la gradation et le recours au sein du GHT par la mise en place de temps partagés, de consultations avancées et d’équipes de territoire.
• Réviser le périmètre de certains GHT dont la composition actuelle suscite des problèmes de gouvernance et d’efficience.
• Autoriser les établissements de santé à créer des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) à proximité des services d’accueil des urgences (SAU).
• Créer des outils juridiques permettant la constitution d’équipes médicales cardiologiques de territoire avec des missions intra et extra-hospitalières disposant d’une organisation commune.
• Organiser collégialement entre les professionnels de santé hospitaliers et libéraux d’un même bassin de santé la permanence des soins en ville et à l’hôpital.
Accompagner les patients avec des parcours de soins adaptés
• Généraliser le développement d’équipes mobiles coordonnant le suivi des patients insuffisants cardiaques entre la ville et l’hôpital en instaurant des protocoles de coopération appuyés par des délégations de tâches et des outils numériques adaptés.
• Encourager le développement des protocoles de coopération et les inscrire systématiquement dans des parcours de soins coordonnés par le service de cardiologie.
Adapter les organisations pour une meilleure qualité de prise en charge
• Définir un référentiel des effectifs médicaux cibles nécessaires au fonctionnement d’un service en tenant compte de son capacitaire et de son plateau technique selon la méthodologie de l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP).
• Réserver des vacations dédiées d’imagerie cardiaque en coupe (coroscanner, IRM cardiaque) sous la responsabilité médicale des cardiologues.
• Accélérer le virage ambulatoire dans un objectif de 70 % d’actes interventionnels en ambulatoire sur les prises en charge programmées, à adapter en fonction des territoires et des politiques d’établissement.
• Inciter les centres de cardiologie interventionnelle à adhérer à des registres nationaux (France PCI et France TAVI, etc.) avec le soutien des Agences régionales de santé (ARS) en lien avec la Société française de cardiologie, pour faciliter la traçabilité et l’évaluation des pratiques sur la base de comparaisons inter-établissements fiables.
• Revaloriser les tarifs des séjours hospitaliers (groupements homogènes de séjours, GHS) actuellement inférieurs aux coûts réels, en particulier pour la prise en charge des urgences vitales.
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