Insuffisance cardiaque
Publié le 07 fév 2012Lecture 6 min
Insuffisance cardiaque aiguë - Prise en charge du choc cardiogénique par ECMO
O. BASTIEN, Université Claude-Bernard, Lyon I Hôpital cardiologique et pneumologique Louis Pradel
L’utilisation de l’ECMO (oxygénateur à membrane extracorporel) en réanimation cardiologique a été large en France ces dernières années, maillant le territoire par le biais de la coopération entre SAMU et unité mobile d’assistance. Si les résultats sont décevants lors de l’utilisation pour arrêts cardiorespiratoires (ACR) extrahospitaliers, les indications et la bonne maîtrise en réanimation sont maintenant établies, soit en pont vers une assistance plus lourde, soit dans un processus de récupération multiviscérale où la mortalité était autrefois majeure. Les cardiologues recevant ce type de patients doivent, dès la phase initiale, intégrer une dimension de gestion de la dette en oxygène par le monitorage de ces paramètres.
Principes - Définitions
Définition du choc cardiogénique
Le choc cardiogénique constitue une entité différente de l’insuffisance cardiaque grave, car il s’y associe une malperfusion tissulaire aiguë de type ischémique. Ceci engendre un véritable cercle vicieux à deux variantes selon le caractère élevé ou abaissé des résistances vasculaires systémiques. Les chocs à résistances basses, reconnus plus récemment en cardiologie, ont un pronostic plus sombre. L’ECMO (encadré) en assurant un débit circulatoire et une oxygénation extracorporelle, peut améliorer le transport en oxygène mais ne corrige pas l’hypotension, obligeant à l’utilisation de posologie parfois élevée de noradrénaline.
Une SVO2 basse, < 40 %, est un moyen simple d’évaluer l’incapacité de l’organisme à extraire plus d’oxygène face à une baisse du débit cardiaque et constitue une alarme devant faire discuter une assistance rapidement. L’élévation persistante de la lactacidémie ou du rapport lactate/pyruvate est aussi un reflet de la situation de dette en oxygène, situation dite de dépendance entre la VO2 et la DO2. Le seuil de lactate classique de 2,4 mmol/l est très rapidement dépassé, des niveaux > 10 devant faire discuter rapidement une stratégie non médicamenteuse.
Figure 1. Indications de l’ECMO dans l’ACR selon les recommandations françaises 2009. (En cours de révision concernant la durée de low-flow.)
Retentissement viscéral
Les retentissements rénal et hépatique sont les plus rapides à apparaître et sont des facteurs indépendants de mortalité. Si l’insuffisance rénale est aisée à suppléer par les techniques d’hémofiltration continues, l’insuffisance hépatique est plus difficile à traiter et de ce fait peut constituer une contre-indication lorsque la bilirubine totale dépasse initialement 100 mmol/l. Le retentissement hépatique est initialement cytolytique, mais très rapidement en fait cholestatique comme tout état de choc à composante inflammatoire.
Insuffisance respiratoire et insuffisance cardiaque
L’insuffisance respiratoire est souvent une composante de l’insuffisance cardiaque grave par œdème pulmonaire. Néanmoins, la surinfection est fréquente, comme la composante musculaire liée à l’épuisement du patient, et explique l’hypoventilation alvéolaire hypercapnique justifiant l’intubation. Il peut arriver pendant l’ECMO que la valve aortique reste fermée, réalisant alors une situation particulière où, malgré l’oxygénation artificielle liée à la CEC, le patient reste cliniquement en OAP, souvent de façon cliniquement bruyante. Une décharge ventriculaire gauche doit alors être envisagée rapidement par canule transeptale, par canule centrale dans l’oreillette gauche ou par système d’aspiration comme le système Impella.
Indications
ACR
Le terme utilisé est souvent celui de ECLS (extra corporeal life support) qui est en fait une ECMO à visée non respiratoire. Il faut différencier l’arrêt cardiaque intra- et extrahospitalier. En intrahospitalier, le pronostic et la survie peuvent dépasser 30 %, sous réserve d’une bonne organisation permettant une mise en route rapide de l’assistance par ECMO et une bonne coordination à tous les niveaux, dans un processus de soins complexe et lourd. En cas d’arrêt extrahospitalier, les résultats ne retrouvent que rarement des survies supérieures à 5 %. Les bonnes indications où le rapport moyens/bénéfice est favorable ont donné lieu à des recommandations françaises, associant malaise devant témoin, massage cardiaque débuté dans les 5 minutes, efficacité du MCE validé par un chiffre de capnographie élevé (et CO2 > 10), et transport sous planche à masser vers un centre d’ECMO dans des conditions dites de « low flow » < 100 minutes jusqu’au moment du démarrage de l’ECMO.
Un syndrome spécifique de post-arrêt est décrit sous ECMO comprenant troubles majeurs de l’hémostase, acidose lactique, insuffisance rénale, convulsions. L’hypothermie à 33 °C, facilement et rapidement réalisable sous ECMO, permet de diminuer les séquelles neurologiques et devient recommandée par les sociétés internationales. Elle doit être instaurée rapidement et maintenue 24 h, même si elle retarde l’évaluation neurologique.
Choc cardiogénique
L’indication d’ECMO doit se poser en intégrant à la fois le mécanisme de la défaillance et le projet thérapeutique à moyen terme. Ainsi, l’adaptation d’un VD après embolectomie pulmonaire, l’assistance gauche après revascularisation coronarienne satisfaisante, ou la plastie mitrale en situation de fonction VG altérée s’intègrent dans un processus curatif où la survie attendue après ECMO peut atteindre 35 %. En revanche, l’ECMO est discutable et ne peut s’envisager qu’après une concertation multidisciplinaire de praticiens expérimentés, lorsque les dégâts myocardiques post-infarctus sont majeurs (pic de troponine > 500), les interventions multiples avec en particulier des valves mécaniques, l’âge élevé (contre-indiquant une éventuelle transplantation) ou le caractère ancien de l’insuffisance cardiaque, en particulier droite. La limitation des soins doit pouvoir aussi se poser après quelques jours selon les règles actuelles de bonne pratique en réanimation.
En pratique
Les dispositifs
Canules
Chez l’adulte, les canules sont le plus souvent fémoro-fémorales en artério-veineuses (figure 2).
Pompes et oxygénateurs
Les oxygénateurs sont spécifiques de l’ECMO, permettant actuellement une assistance de 3, voire 4 semaines.
Ces pompes non occlusives sont, en revanche, très dépendantes de la volémie, expliquant la nécessité fréquente d’expansion volémique et la prise de poids fréquente du patient.
Figure 2. Canulation fémorale A-V. Prévention de l’ischémie artérielle par reperfusion.
La surveillance
La surveillance concerne les dispositifs et le patient. La surveillance du patient est celle d’un patient en état de choc. L’ECMO impose une pression artérielle sanglante car celle-ci devient non pulsatile (figure 3). Une minime pulsatilité partielle signant l’ouverture intermittente de la valve aortique est souhaitable. Le raisonnement doit se faire sur une pression moyenne sachant que les pompes centrifuges assurent un débit inversement proportionnel à la postcharge. Une pression artérielle moyenne de 70 à 80 mmHg est optimale. Les chiffres de débit par cathéter de Swan-Ganz ne sont plus fiables et la surveillance du débit est réalisée par un capteur électromagnétique. L’hypocapnie, rarement observée en médecine, est ici potentiellement très aisée par l’importante diffusion du CO2, et doit être absolument prévenue au regard du risque neurologique. Les trois éléments concourant à l’échange gazeux doivent être contrôlés et adaptés, à savoir le débit sanguin, le débit de balayage du gaz et la FiO2. La surveillance technique concerne le positionnement des canules en imagerie ou en échographie, l’apparition de thrombus dans les canules ou la membrane, les compétitions de flux et les pressions transmembranaires. L’arrêt brutal, volontaire ou non, sans clampage réalise une insuffisance aortique aiguë et doit être absolument interdit. Le sevrage doit s’effectuer progressivement.
Figure 3. Monitorage de la PA durant une phase non pulsatile.
Résultats
Choc cardiogénique
Les indications à fort potentiel de récupération (bridge to recovery des Anglo-Saxons), à savoir les myocardites, les intoxications avec médicaments cardiodépresseurs et IDM revascularisés, ont une survie d’environ 60 %.
Les décompensations d’insuffisance cardiaque chronique ne sont pas de bonnes indications d’ECMO et ne peuvent s’envisager qu’en pont à un autre système plus lourd. De ce fait, leur analyse est difficile. Les indications de sauvetage comme les ACR ont une survie pouvant atteindre 30 % en intrahospitalier ou équivalent, mais moins de 5 % en général pour les ACR dans le contexte français.
IDM et revascularisation
La majorité des décès surviennent durant la phase d’ECMO (60 %) à la phase initiale ou durant les premières heures post-revascularisation. Le risque hémorragique lié à l’utilisation large des agents antiagrégants plaquettaires est élevé.
La récupération est parfois longue, supérieure à un mois, posant le problème d’un changement de système pour une assistance de longue durée.
Post-cardiotomie
Les ECMO en post-cardiotomie sont le plus souvent centrales et utilisent soit les canules de CEC, soit des canules nouvelles coatées en héparine, mais insérées au même site que la CEC, c’est-à-dire en oreillette droite et au niveau de l’aorte ascendante. Les risques hémorragiques et infectieux sont plus importants mais les débits et la décharge VG sont meilleurs. Les résultats en termes de survie sont en moyenne de 35 %, mais dépendent bien sûr de l’étiologie et du terrain puisque l’on retrouve dans ce groupe hétérogène très grave, des transplantations cardiaques (IVD par HTAP, greffon marginal), des cardiopathies congénitales complexes et des tableaux d’IVG sévères postchirurgicaux (IM à fonction VG altérée, RA serré en défaillance opéré en urgence, CIV post-infarctus, etc.).
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