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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 18 jan 2005Lecture 10 min

Rythmologie - Deux nouveautés : les « syncop units» et l'azimilide

L. FAUCHIER, CHU Trousseau, Tours

AHA 2004

Pour la première fois depuis longtemps, il n’y a rien eu de réellement nouveau en ce qui concerne la resynchronisation ventriculaire. L’étude CARE-HF devrait être présentée à l’ACC 2005, avec des informations essentielles dans ce domaine puisqu’il s’agit de la première étude de prévention de la mortalité dans l’insuffisance cardiaque par resynchronisation biventriculaire. Avec d’autres travaux plus descriptifs, ce sont donc deux grandes études présentées dans les late breaking trials — SEEDS et SHIELD — qui ont retenu l’attention.

Syncopes : l'étude SEEDS SEEDS est une étude prospective randomisée qui a comparé, chez 103 patients présentant une syncope avec un « risque intermédiaire » (tableau 1), une prise en charge standard (SC, n = 52) et une prise en charge spécifique dans une unité dédiée à cette prise en charge (SU, n = 51). - Le protocole préétabli du bras SU a inclus un ECG monitoré sur 6 heures, une mesure de la PA en position orthostatique, une échocardiographie, un test d’inclinaison à 70° avec évaluation de la régulation de la PA en cas de malaise vagal atypique, et un massage du sinus carotidien avec prise de la PA et mesure de la FC. Les patients du groupe SU ont reçu, en outre, un carnet d’éducation sur la prise en charge des syncopes au décours. Les résultats sont nets : • un diagnostic de présomption a pu être établi chez 67 % des patients du bras SU, mais seulement 10 % du bras SC (p < 0,001) ; • 43 % des patients du bras SU ont nécessité une admission à l’hôpital, alors qu’une hospitalisation a été nécessaire chez 98 % des patients du bras SC, compte tenu de l’absence de diagnostic et de la nécessité de réaliser des examens complémentaires (p < 0,001) ; • le temps d’hospitalisation s’est ainsi trouvé réduit à 64 jours dans le bras SU contre 140 jours dans le bras SC. À 2 ans de suivi, 97 % des patients du bras SU sont toujours en vie contre 90 % des patients du bras SC (p = 0,30). Ainsi, la réduction de la charge d’hospitalisation avec cette stratégie ne s’accompagne pas d’une perte en termes de pronostic pour les patients (tableau 1). Fibrillation auriculaire   FA et chirurgie valvulaire La FA est une complication fréquente des cardiopathies valvulaires et de leur chirurgie. Son incidence sur la morbi-mortalité à long terme chez ces patients est pourtant mal connue. L’équipe de Chaput à Montréal a réalisé une étude prospective évaluant le pronostic de la FA chez 5 489 patients après chirurgie valvulaire entre 1979 et 2003. Le suivi clinique de tous les patients a été complété par un ECG annuel pour tous. Les résultats montrent que le pronostic est moins bon pour les patients en FA préopératoire (figure 1), cependant la FA n’apparaît pas comme un facteur prédictif de mortalité indépendant. En postopératoire, le passage en FA est un marqueur de surmortalité à long terme (risque multiplié par 1,46). La cardioversion d’une FA préopératoire ne modifie pas le pronostic des patients en termes de mortalité. La chirurgie valvulaire mitrale est un déterminant du risque embolique postopératoire, mais pas la FA pré- ou postopératoire. Figure 1. Survie après chirurgie valvulaire en fonction du rythme préopératoire. La cardioversion des FA préopératoires ne réduit donc pas la mortalité après chirurgie valvulaire. En revanche, la FA préopératoire est un marqueur de surmortalité postopératoire et pourrait témoigner d’une cardiopathie sous-jacente plus sévère.   Quel est le schéma pertinent pour l’évaluation du risque d’AVC dans la FA ? Plusieurs schémas d’évaluation du risque thromboembolique des fibrillations auriculaires ont été publiés afin de déterminer les patients qui doivent ou devraient bénéficier d’un traitement anticoagulant pour prévenir la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC). La plupart de ces schémas sont basés sur l’âge et les comorbidités du patient (hypertension, diabète, insuffisance cardiaque, cardiopathie ischémique et antécédent d’AVC) (tableau 2). Ces modèles de risque établis chez des patients sans anticoagulants ont-ils la même efficacité chez les patients qui en reçoivent ? Les investigateurs de SPORTIF III et V ont évalué 5 scores différents chez les patients avec FA non valvulaire. Au cours d’un suivi de 11 245 années/patients, 159 AVC ischémiques sont survenus (1,4 % par an). Les auteurs ont trouvé que seulement 3 des scores publiés étaient en adéquation avec le risque thrombo-embolique retrouvé dans leurs études : CHADS2, SPAF et Framingham. Tous les schémas d’évaluation du risque thromboembolique de la fibrillation auriculaire publiés ne sont donc pas équivalents, même s’il est bien difficile de déterminer, à leur lecture, le critère qui fait la différence entre eux. Un critère additionnel de dysfonction systolique pourrait vraisemblablement améliorer la valeur de ces indices dans les années à venir.   Syndrome de Brugada   Registre français COBRA COBRA, qui est un registre français du syndrome de Brugada regroupant les données de 20 centres entre 2001 et 2004, a été présenté par R. Carlioz. Ces données sont très précieuses pour obtenir une vue « à la française » du problème, aussi bien dans la description du profil de nos patients que de leur prise en charge actuelle et du risque propre de cette population. Il contient actuellement les données de 384 patients (ECG revu par un comité, 77 % d’hommes, âge moyen 45 ans) qui vont être suivis pendant 5 ans. Les symptômes initiaux sont réunis dans le tableau 3. Des antécédents familiaux de mort subite sont retrouvés chez 35 % des patients et des antécédents familiaux de syndrome de Brugada chez 26 %. À la lecture des ECG, 66 % des patients ont un syndrome de Brugada de type 1 de la classification de l’ESC ; 48 % des patients ont eu une exploration électrophysiologique positive avec déclenchement d’un trouble du rythme ventriculaire soutenu. Un défibrillateur automatique a été implanté chez 42 % des patients et 3 % ont eu un Holter implantable (tableau 3). On constate, d’ores et déjà, que 45 % des patients ont une arythmie ventriculaire spontanée ou électro-induite. Le suivi de ces patients à moyen et long termes est, bien sûr, très attendu par nombre d’entre nous.   Prévalence de l’aspect électrique du Brugada Forleo et coll. ont, de leur côté, étudié la prévalence de l’aspect électrique de Brugada dans une population européenne de 10 528 adultes sains qui ont eu une visite médicale systématique. N’ont été inclus dans l’étude que les patients sans antécédents cardiaques pour lesquels existait au moins un enregistrement ECG de bonne qualité. Les tracés ont été analysés par deux investigateurs et les critères utilisés pour considérer un tracé comme positif étaient ceux récemment publiés par le groupe d’étude de l’ESC. Les résultats (tableau 4) montrent un nombre substantiel d’aspects ECG de syndrome de Brugada parmi les hommes, avec une prévalence de 38,46/ 10 000. Avec un suivi de 7,3 ± 4,7 ans, le taux de mortalité associée à l’aspect électrique de Brugada reste bas, de 0,38 % par patient et par année de suivi, ce qui rejoint les résultats qui avaient été retrouvés dans des populations japonaises. Étude SHIELD Bien que les défibrillateurs automatiques implantables (DAI) traitent efficacement les troubles du rythme ventriculaire soutenus, 50 % des patients porteurs d’un DAI reçoivent un traitement antiarythmique pour éviter une récidive et diminuer le nombre de thérapeutiques délivrées par le défibrillateur. L’objectif est d’obtenir une meilleure qualité de vie avec un nombre moindre de chocs électriques internes ressentis et, théoriquement, une amélioration de la longévité des appareils.   Azimilide chez les porteurs de défibrillateur ventriculaire automatique L’étude SHIELD a évalué l’effet antiarythmique de l’azimilide (de classe III, inhibiteur des canaux potassiques Ikr et Iks) chez des patients porteurs d’un DAI. Cette étude, randomisée en double aveugle, réalisée dans 129 centres (dont 9 centres en France), a inclus 633 patients porteurs d’un DAI pour recevoir 75 ou 125 mg d’azimilide ou un placebo, afin d’évaluer l’efficacité sur les récidives de tachyarythmies ventriculaires symptomatiques. Les patients inclus étaient soit nouvellement implantés avec une arythmie sévère dans les 42 jours précédents, soit porteurs d’un DAI depuis plus de 30 jours, mais avec un épisode d’arythmie choquée dans les 180 jours précédant l’inclusion. Le fait que les patients soient tous porteurs d’un défibrillateur automatique implantable a, en outre, permis un comptage précis des événements rythmiques au cours d’un suivi d’au moins un an.   Résultats Pour l’objectif principal, les chocs (appropriés et non appropriés) et les tachycardies ventriculaires (TV) symptomatiques nécessitant une stimulation antitachycardique ont été significativement moins fréquents sous azimilide. Les réductions du risque par rapport au placebo sont de 57 % (p = 0,006) pour le dosage à 75 mg et de 47 % (p = 0,0053) pour le dosage à 125 mg ; il n’y a pas de différence significative entre les deux dosages (figure 2). La réduction du risque n’est pas significative si l’on se limite aux chocs de toutes causes. Figure 2. Objectif principal de l’étude SHIELD : chocs de toutes causes + TV symptomatiques terminées par stimulation antitachycardique. Pour le total des traitements « appropriés », la réduction du risque est significative pour les deux dosages d’azimilide (figure 3) et semble meilleure pour le dosage à 125 mg (62 vs 48 % pour le bras 75 mg, p = 0,05). Elle concerne tous les sous-groupes de patients qui avaient initialement été déterminés. En ce qui concerne la tolérance, 5 patients des bras azimilide (1,2 %) et 1 patient du groupe placebo ont souffert de torsades de pointe. Tous ont été efficacement traités par le DAI. Figure 3. Objectif secondaire de l’étude SHIELD : ensemble des traitements appropriés (FV avec chocs ou TV terminées par stimulation antitachycardique). SHIELD apporte ainsi le résultat positif attendu depuis longtemps pour un antiarythmique à l’étage ventriculaire, en particulier chez des patients qui avaient souvent une dysfonction systolique et dont les deux tiers avaient des antécédents d’infarctus du myocarde. L’azimilide permet de réduire l’incidence des tachycardies ventriculaires monomorphes traitables par stimulation ventriculaire rapide. En revanche, l’incidence des tachyarythmies ventriculaires très rapides n’est probablement pas diminuée par l’azimilide, puisque le nombre de chocs internes délivrés par le DAI est similaire entre le placebo et l’azimilide.   DAI après 80 ans Belden et coll. ont évalué le bénéfice de l’implantation d’un DAI chez les patients âgés de plus de 80 ans. Dans les recommandations, il n’y a pas de limite d’âge concernant l’implantation de ce type de matériel, mais une espérance de vie de moins de 6 à 12 mois constitue une non-indication à l’implantation ; l’espérance de vie étant plus liée à une pathologie sévère associée qu’au grand âge. Parmi 1 672 patients implantés entre 1996 et 2004, les auteurs ont étudié la mortalité avec un suivi de 33 ± 26 mois : • il est survenu 367 décès (22 %). Les patients décédés étaient plus âgés, et plus souvent coronariens et de sexe masculin ; • la durée moyenne de survie des patients de plus de 80 ans a été de 4,2 ans contre 5,9 ans pour les patients de moins de 80 ans ; • l’âge > 80 ans est un des marqueurs pronostiques significatifs de mortalité après implantation du défibrillateur ; • malgré cela, la médiane de survie est de 4 ans chez les patients de plus de 80 ans. L’implantation d’un DAI chez un octogénaire n’est donc pas absurde ou systématiquement injustifiée, même si elle doit sans doute être mûrement réfléchie. Rappelons par exemple qu’une TV ou FV associées à une insuffisance cardiaque persistante chez un patient non candidat à la transplantation (ce qui est le cas d’un octogénaire) constitue aussi une non-indication d’implantation de défibrillateur.   Épidémiologie et risque de mort subite Le rôle du périmètre abdominal, de la glycémie et de la consommation d’acide alpha-linolénique L’équipe de X. Jouven, a fait deux présentations assez remarquées. - Dans le premier travail, tiré de l’étude prospective du registre médical de la préfecture de police de Paris, avec un suivi de plus de 7 000 sujets apparemment sains, âgés de 42 à 53 ans entre 1967 et 1994, il est mis pour la première fois en évidence une relation significative entre l’obésité abdominale évaluée par le diamètre abdominal antéro-postérieur et le risque de mort subite. Ce risque s’observe non seulement chez des sujets obèses, mais également chez les sujets non obèses. En revanche, il n’y a pas de relation entre le diamètre abdominal et les décès par infarctus du myocarde. L’obésité est donc un marqueur de risque cardio-vasculaire, mais aussi un marqueur de risque de mort subite. La graisse abdominale possède probablement des propriétés toxiques et sa libération dans la circulation sous forme d’acides gras libres pourrait être à l’origine d’une susceptibilité rythmique ventriculaire. - Le deuxième confirme un travail antérieur tiré de l’analyse du registre parisien qui avait établi la relation entre la sévérité du diabète et le risque de mort subite. Les auteurs arrivent aux mêmes conclusions à partir d’un registre américain. Dans une étude cas-témoins, les données de plus de 2 000 morts subites ont été comparées à celles de près de 4 000 témoins. Le premier constat est que le risque de mort subite augmente avec la sévérité du diabète, le second est que le risque de mort subite augmente avec le niveau de la glycémie, que le diabète soit compliqué ou pas. - Enfin, la cohorte des infirmières américaines a été évaluée pour explorer la relation entre la consommation d’acide alpha-linolénique (AAL), précurseur des acides gras oméga-3, et le risque de complication cardio-vasculaire. L’AAL est présent dans certains légumes verts, dans l’huile de colza, les huiles de poissons de mer froide et certaines margarines. L’étude a concerné 76 763 femmes ayant répondu à un questionnaire alimentaire en 1984 et réévalué tous les 4 ans. Au cours du suivi de 16 ans, 169 femmes ont eu un décès cardiaque subit, 564 ont eu un décès par cardiopathie ischémique et 1 325 ont eu un infarctus non fatal. Cinq groupes ont été déterminés en fonction de la consommation quotidienne d’AAL (de 0,7 à 1,5 g par jour). Cette étude confirme, sur un effectif important et un suivi prolongé, que le quintile consommant le plus d’AAL a une réduction de 46 % du risque de mort subite et de 21 % de décès coronarien comparativement aux femmes qui étaient dans le quintile avec la consommation la plus basse. En revanche, il n’existe aucune relation avec le risque d’infarctus non fatal, ce qui suggère plutôt un effet de protection vis-à-vis des arythmies ventriculaires. Ce bénéfice persiste après tous les types d’ajustements et les consommatrices d’acide alpha-linolénique n’avaient pas de caractéristiques particulières évidentes d’habitudes de vie et de facteurs de risque qui auraient pu biaiser l’interprétation. Ces données ont un intérêt particulier car les apports en acide alpha-linolénique sont assez faibles en France. La consommation d’acide alpha-linolénique étant associée à une réduction du risque de mort subite, l’enrichissement de l’alimentation en acide alpha-linolénique pourrait donc être une mesure diététique importante de prévention cardio-vasculaire.

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