Publié le 25 jan 2005Lecture 5 min
La maladie coronaire et la pratique du ski
S. WEBER, hôpital Cochin, Paris
À l’approche de l’ouverture des stations de sports d’hiver, lequel d’entre nous n’a pas eu à répondre à la demande d’un patient coronarien, ou plus souvent encore de son épouse, sur la possibilité ou non de s’adonner aux joies de la glisse sur les pentes neigeuses !
Pour tenter de répondre à cette question pratique, plutôt que de s’appuyer sur telle ou telle recommandation — au demeurant rare en la matière — je me contenterai de proposer une démarche purement pragmatique.
Quels sont, pour un patient, les enjeux de la pratique du ski alpin ?
Pour beaucoup d’activités sportives, il est relativement facile de suggérer au patient de renoncer à un sport imposant des efforts brutaux et saccadés pour se convertir à une activité sportive impliquant des efforts physiques plus progressifs, plus réguliers et plus faciles à doser. Cette conversion n’est, certes, pas toujours facile. Certains coronariens, parmi les plus jeunes, peuvent mal vivre une reconversion de leurs activités ludiques vers une catégorie de sport considérée comme « plus pépère » !
Moyennant un petit effort de conviction et de valorisation des sports d’endurance, les arguments passent généralement assez bien.
La pratique du ski alpin va au-delà du contenu sportif proprement dit. Elle conditionne assez souvent l’organisation des vacances du patient et de son entourage et représentent l’un des temps forts de la vie familiale.
En France, le taux d’activité professionnelle des 55-65 ans est l’un des plus faibles des pays économiquement développés. Le jeune grand-père actif et dynamique se faisant une joie d’amener ses petits-enfants « à la montagne » et souhaitant continuer à le faire est un personnage que nous connaissons bien… Dans quelle mesure est-il raisonnable d’accéder à son souhait ?
En quoi la pratique du ski peut-elle être dangereuse pour le coronarien ?
Les éléments de réponse sont multiples :
• l’altitude, bien sûr ;
• le relatif isolement de certaines stations de sports d’hiver, pouvant être majoré par les conditions météorologiques et ainsi allonger le délai de recours aux soins cardiologiques « techniques » comme la thrombolyse sans parler de l’angioplastie primaire ;
• l’exposition au froid, susceptible d’augmenter les besoins en oxygène du myocarde et parfois de provoquer des réflexes vasoconstricteurs coronaires ;
• l’effort physique proprement dit ;
• les conséquences d’un traumatisme toujours possible, quelles que soient les précautions prises, chez un patient recevant des modificateurs de l’hémostase.
Pour pouvoir pratiquer le ski avec une prise de risque minimale, malgré ces divers effets indésirables potentiels, il convient, d’une part, de sélectionner les coronariens aptes à la pratique de ce sport et, d’autre part, de définir certaines conditions de pratique du ski permettant d’en réduire considérablement l’éventuel surrisque coronaire.
Certains patients doivent être définitivement ou momentanément écartés des pentes neigeuses
- Les patients à dysfonction ventriculaire gauche sévère et/ou ceux dont l’ischémie myocardique reste active malgré les thérapeutiques de revascularisation et le traitement médical optimal. Il s’agit là d’une évidence de bon sens.
- Dans les trois premiers mois suivant un accident coronaire aigu ou dans les suites d’une angioplastie, il paraît préférable de renoncer transitoirement aux sports d’hiver. La probabilité d’un événement inopiné (trouble du rythme, thrombose ou sténose de sent) est, en effet, non négligeable. De surcroît, les patients reçoivent volontiers pendant cette période un traitement antithrombotique particulièrement puissant, associant aspirine et clopidrogrel, ce qui pourrait majorer les conséquences d’un contact un peu brutal avec la neige, un sapin ou un autre skieur…
- A contrario, un patient coronarien bien exploré, dont la fonction ventriculaire gauche est normale ou peu altérée, dont l’ischémie myocardique est contrôlée grâce à une revascularisation et/ou un traitement antiangineux efficace peut être, tout du moins à mon humble avis, raisonnablement autorisé à pratiquer son sport favori. Bien entendu, le contrôle de la négativité de l’épreuve d’effort, effectuée, bien sûr, sous traitement médicamenteux et poussée à un niveau honorable, représente un bon élément de sécurité.
Pour les coronariens stables, bien contrôlés par nos thérapeutiques et à fonction VG conservée, certains conseils restent de mise
- Éviter les stations de très haute altitude.
- Éviter de conjuguer la très haute altitude, les températures extrêmement faibles et les vents violents. Plutôt que d’imposer, artificiellement, une altitude à ne pas franchir, il est préférable d’expliquer au patient qu’au printemps, un jour sans vent et fortement ensoleillé, il n’est pas déraisonnable de « pousser » jusqu’à 2 600 m, voire même un peu plus, mais que, en plein mois de janvier, par – 30 °C, il est préférable de rester bien au chaud devant la cheminée de son chalet !
- La nature même de la pratique du ski gagne à être modifiée en privilégiant le ski promenade par rapport aux exploits sportifs.
- Le respect d’une période d’échauffement en début de journée où les efforts seront très progressifs est nécessaire. En ce qui concerne la pratique proprement dite, il n’est pas toujours possible d’en contrôler tous les aspects techniques ; la réalisation d’un effort brutal est parfois indispensable, mais il est possible d’orienter le style de notre coronarien skieur vers plus d’effort d’endurance et moins de résistance.
- Il est souhaitable, avec un maximum « de tact et de délicatesse », de conseiller au patient de fréquenter plutôt les « grosses » stations disposant d’un système médical consistant pour optimiser la gestion d’un accident coronaire toujours possible sur ce terrain, à la montagne comme à la ville.
- Enfin, chez ce coronarien recevant l’indispensable traitement bêtabloquant nécessaire à sa sécurité, le risque de survenue au froid d’un phénomène de Raynaud n’est pas négligeable. La coprescription avec le traitement bêtabloquant d’une dihydropyridine suffit, dans la majorité des cas, à contrôler cet effet indésirable. Je ne préconiserais pas cette coprescription systématiquement lors d’un premier séjour au sport d’hiver à un coronarien bêtabloqué. En revanche, s’il relate un phénomène de Raynaud, cette prescription sera vraisemblablement nécessaire pour le séjour suivant…
En conclusion
Si, malheureusement, les coronariens les plus sévères, instables, mal contrôlés, avec franche dysfonction ventriculaire gauche, doivent être privés des joies du ski alpin, ce sport et ce style de vacances restent tout à fait accessibles à la majorité de nos patients moyennant quelques précautions, somme toute assez simples.
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