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Trucs et astuces

Publié le 01 mar 2022Lecture 6 min

Ablation des extrasystoles ventriculaires

Nicolas LELLOUCHE et David HAMON, Créteil

Les extrasystoles ventriculaires (ESV) sont un trouble du rythme très fréquent. Les indications reconnues d’ablation sont : les patients symptomatiques avec suffisamment d’ESV (> 2 000/24 h) et une résistance ou mauvaise tolérance au traitement médicamenteux, et ceux avec dysfonction VG (ou dégradation de la fonction VG sur cardiopathie) et assez d’ESV pour l’expliquer, soit environ > 10 000/24 h.

Préparation avant l’ablation Une fois l’indication d’ablation portée, plusieurs éléments doivent être déterminés : • L’analyse de l’ECG pour la localisation de l’ESV et repérer celles pouvant rendre l’ablation difficile et nécessiter des approches particulières : hissienne, intra-murale, épicardique(1), sommet du VG ou piliers. • Le couplage des ESV. Il s’agit d’une information sous-exploitée : un couplage variable (> 60 ms de variabilité), est généralement en faveur d’un foyer profond notamment épicardique(2). • Le profil nycthéméral des ESV sur le Holter, pour évaluer le risque d’ESV peu fréquentes durant l’ablation, et la probabilité d’induction des ESV par des tests pharmacologiques, notamment l’isoprénaline, qui les fera émerger plutôt quand elles sont liées à l’effort diurne(3). Intervention sous anesthésie générale ou sous sédation légère ? Cette question est importante car sous anesthésie générale (AG) les ESV peuvent être plus difficiles à induire, et sous sédation légère le patient peut bouger et induire des difficultés au cours du mapping avec les systèmes de cartographie. Il faut donc en discuter avec le patient avant l’intervention, qui doit évidemment être informé des risques et des bénéfices de l’intervention. Enfin, cela dépend aussi de la disponibilité d’un anesthésiste. Idéalement, lorsque le patient est hospitalisé la veille, il est conseillé de le télémétrer pour évaluer son nombre d’ESV et leurs caractéristiques (nombre de morphologies dominantes, distribution nycthémérale, etc.)(4). Au cours de l’ablation La stratégie va dépendre du nombre d’ESV au cours de l’intervention. • Si les ESV sont fréquentes (sans ou avec isoprénaline), on fera une carte d’activation avec analyse de la précession maximale et de la présence d’un signal unipolaire négatif exclusif (aspect QS). Les caractéristiques du tissu myocardique sous-jacent peuvent être évaluées en parallèle (voltage, etc.). • Si les ESV sont peu fréquentes, une étude en topostimulation avec concordance entre le QRS stimulé et l’ESV spontanée sera effectuée. Il faut noter qu’en utilisant ces deux techniques, il est possible d’avoir une petite discordance entre la meilleure zone de précession et la meilleure zone de topostimulation. C’est particulièrement vrai dans les zones isolées (cuspides aortiques) ou pathologiques. Pour réduire cet écart, il est conseillé de stimuler à une intensité juste au-dessus du seuil local pour éviter une capture ventriculaire trop étendue. Réaliser la carte d’activation La première étape consiste à choisir une référence de primo-dépolarisation fiable en étudiant les 12 dérivations sur la baie et le système de cartographie (s’accorder avec l’ingénieur). Il faut notamment se méfier de l’onde P ou de l’onde T qui peut mimer ou masquer un début du QRS. Il faut aussi étudier les différentes morphologies et être certain de réaliser un mapping spécifique. Les algorithmes de mapping simultané et de remapping facilitent grandement ce procédé. Il est conseillé ensuite de bien entourer la zone de primo-activation, localement mais aussi sur une zone anatomique plus étendue. Une précession d’au moins 25- 30 ms est recommandée pour estimer qu’il peut s’agir de la zone de localisation de l’ESV. Si ce niveau de précession n’est pas atteint ou que la zone de meilleure primo-dépolarisation est large, a fortiori en l’absence de pré-potentiel, il faut compléter la carte en cartographiant les structures anatomiques adjacentes à la précédente afin d’essayer d’améliorer la précession (exemple : en passant de l’infundibulum pulmonaire à l’infundibulum aortique ou au fond du sinus cor naire, structures anatomiques proches)(5). Si plusieurs zones ont des précocités d’activation similaires, il s’agit probablement d’un foyer profond qui devra faire l’objet d’applications de radiofréquence itératives séquentielles ou simultanées depuis ces zones anatomiques. Enfin, il est aussi intéressant lors de la carte d’anatomie de réaliser une carte de substrat ventriculaire car, avec l’amélioration des systèmes de cartographie, il est possible de retrouver une zone tissulaire pathologique en regard de la zone d’origine des ESV (potentiels électriques tardifs en rythme sinusal). Pendant les tirs En radiofréquence, le réglage de la puissance se situe entre 25 et 50 watts en fonction de la zone anatomique : épaisseur, zone à risque (perforation, lésions du tissu conductif sous-jacent). Il faut utiliser les index de profondeur de lésions tissulaires : ablation index, lesion size index (LSI). Faire quelques tirs complémentaires autour de la zone efficace, d’autant plus si le foyer est profond, l’index de puissance faible, le contact faible, en cas de petit décalage de la carte et d’endpoint difficile. Repérer la zone où les ESV disparaissent pendant le tir. Parfois elles reviennent, ce qui signale la proximité du foyer : augmenter la puissance du tir, aller dans une autre zone anatomique voisine, tirer en bipolaire... Si l’ESV est épicardique, notamment dans le sommet VG, il est possible d’alcooliser des veines proches du foyer en l’absence d’efficacité des tirs(6). Après l’ablation Il est conseillé d’attendre 20 à 30 minutes après l’ablation pour surveiller une éventuelle réapparition des ESV, éventuellement en injectant de l’isoprénaline pour sensibiliser cette potentielle réapparition en fonction du profil de l’ESV et de sa sensibilité préablation. L’endpoint de l’ablation peut être particulièrement difficile, surtout chez des patients avec très peu d’ESV pendant la procédure. En cas de récidive du foyer après de longues heures de procédures, il est pos- sible de retenter un antiarythmique qui auparavant était inefficace car après l’ablation, le foyer a pu être « fragilisé ». Enfin, des disparitions tardives d’ESV postablation peuvent être observées, notamment du fait de l’effet retard de l’ablation, notamment après ablation extensive de foyers profonds, grâce au phénomène de cicatrisation qui a résulté en une extinction ou isolation du foyer. Cas particuliers  • ESV multiples. Il est difficile d’ablater jusqu’à 3 ou 4 morphologies d’ESV dans la même procédure, signant aussi la présence d’une cardiomyopathie évoluée. Cependant, certaines ESV peuvent ne différer que sur 1 ou 2 dérivations avec des morphologies assez ressemblantes. Dans ce cas, il s’agit en général de foyers profonds avec des points de sortie différents, et l’ablation d’une même zone peut faire disparaître plusieurs morphologies d’ESV (ESV des piliers, par exemple). • Foyer profond (intramyocardique sur CMH, septaux, sommet VG). Dans ces cas, il faut essayer d’augmenter la profondeur de la lésion tissulaire : tirs longs avec forte puissance, soluté d’irrigation dilué, trouver une zone anatomique en regard pour « entourer » le foyer, utilisation de cathéter dédié avec aiguille, tir en bipolaire... • ESV proche des voies de conduction ou hissienne (figure). Utilisation de la cryothérapie, ou tirs en regard dans la cusp non coronaire. Figure. A : ESV hissienne avec potentiel hissien avant le meilleur signal en précession (flèche) ; B : Cartographie montrant la zone blanche (flèche) de primoactivation au niveau du faisceau de His après mapping dans le VD et le VG ; C : Tir protégé dans la cuspide non coronaire permettant une disparition des ESV après quelques minutes de tir avec vérification constante de la conduction auriculoventriculaire. • ESV des piliers : ablation difficile. On constate parfois plusieurs morphologies d’ESV, dues à un foyer profond avec différents points de sortie autour du pilier. Intérêt d’une imagerie par échographie intracardiaque, si disponible. Possible utilisation de la cryothérapie pour améliorer le contact. Sinon, faire des tirs à haute puissance, parfois avec nécessité d’entourer le pilier par de nombreux tirs (attention au risque de fuite mitrale postablation).

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