Publié le 30 nov 2012Lecture 6 min
L’antibioprophylaxie en rythmologie interventionnelle
S. BOULÉ, D. KLUG, pôle de cardiologie, Hôpital Cardiologique, CHRU de Lille
Les taux d’infection de dispositifs cardiaques implantables (DCI) habituellement retenus sont compris entre 1 et 2 %, ce qui équivaut à une incidence d’environ 2 ‰ dispositifs par an(1). La prévalence des infections de DCI ne cesse d’augmenter, et cette croissance se fait de façon disproportionnée par rapport à l’augmentation du nombre d’implantations(2). Plusieurs mesures permettent de réduire le risque d’infection de matériel. Parmi celles-ci, l’antibioprophylaxie occupe une place majeure.
Synthèse des principales études cliniques
Une antibioprophylaxie doit systématiquement être administrée avant l’implantation d’un DCI. Plusieurs travaux ont permis d’établir le bien-fondé d’une telle attitude. Si les résultats des premières études sur le sujet, datant des années 1980-1990, étaient contradictoires, une métaanalyse publiée en 1998 par Antoine Da Costa a permis de démontrer le bénéfice d’une antibioprophylaxie systématique avant l’implantation d’un stimulateur cardiaque(3).
Dans ce travail incluant 7 études (2 023 patients), l’antibioprophylaxie permettait une nette réduction des complications infectieuses postimplantation. Le rôle majeur de l’antibioprophylaxie préopératoire a ensuite été souligné par l’étude PEOPLE(4), publiée en 2007. Cette étude prospective multicentrique française visait à identifier les facteurs de risque d’infection liés à l’implantation d’un pacemaker (PM) ou d’un défibrillateur automatique (DAI).
Parmi les 6 319 patients de l’étude, une antibioprophylaxie était administrée dans la grande majorité des cas (88,3 %), la plupart du temps par une β-lactamine. En analyse multivariée, l’administration d’une antibioprophylaxie était protectrice vis-à-vis du risque d’infection de matériel (OR : 0,37 [0,2-0,7] ; p < 0,01). Des résultats concordants ont également été retrouvés par Sohail dans une étude rétrospective cas-témoin publiée la même année(5).
La confirmation définitive du bénéfice de l’antibioprophylaxie a été apportée en 2009 par la publication d’une étude brésilienne(6). Dans cette étude prospective multicentrique, randomisée en double aveugle contre placebo, 649 patients implantés d’un PM ou d’un DAI (primo-implantation ou changement de boitier) ont été inclus. L’étude a été interrompue prématurément en raison d’un excès de risque infectieux chez les patients ayant reçu le placebo (3,3 % vs 0,6 % ; p = 0,037).
Plus récemment, une étude danoise a étudié les facteurs de risque d’infection après implantation de pacemaker chez plus de 46 000 patients consécutifs(7). Là encore, l’absence d’antibioprophylaxie était associée à une nette majoration de l’incidence des infections de matériel (Hazard ratio : 2,33 [1,81- 2,98] ; p < 0,001). Ces différentes études ont permis de démontrer très clairement la nécessité d’une antibioprophylaxie avant l’implantation d’un PM ou d’un DAI. Elles servent de base aux recommandations actuelles sur le sujet.
L’antibioprophylaxie en pratique
Lors de l’implantation
Deux documents principaux permettent de résumer les modalités pratiques d’administration de l’antibioprophylaxie. Il s’agit des recommandations de la Société française d’anesthésie et réani-mation (SFAR) publiées en 2010(8) et du consensus d’experts de l’American Heart Association (AHA) publié en 2011(9).
Les recommandations de la SFAR(8) proposent l’administration d’une céphalosporine en première intention : céfazoline (Cefacidal®, Kefzol®) 2 g IVL, céfamandole (Kefandol®) ou céfuroxime (Zinnat®) 1,5 g IVL. La vancomycine est quand à elle indiquée en seconde intention, en cas d’allergie aux bêtalactamines. Les autres indications proposées de la vancomycine sont la colonisation suspectée ou prouvée par un staphylocoque résistant à la méticilline (SARM), la réintervention chez un malade hospitalisé dans une unité avec une écologie à SARM, une antibiothérapie antérieure. L’injection de vancomycine dure 60 minutes et doit se terminer au plus tard lors du début de l’intervention. Il faut préciser que ces recommandations ne concernent que l’implantation d’un stimulateur cardiaque, et sont calquées sur les protocoles de chirurgie cardiaque.
Le consensus d’experts de l’AHA décrit plus précisément les modalités pratiques d’administration de l’antibioprophylaxie(9). Les auteurs insistent sur le fait que l’antibioprophylaxie doit être absolument systématique avant l’implantation d’un DCI, que la prothèse soit un stimulateur cardiaque ou un défibrillateur automatique implantable. Un antibiotique ayant une activité in vitro contre le staphylocoque doit être administré. La plupart des experts continue de conseiller l’utilisation d’une céphalosporine de 1re génération (céfazoline par exemple). L’administration doit être effectuée par voie parentérale, dans l’heure précédant l’incision. Bien que non recommandée en routine, certains proposent l’usage de la vancomycine à la place de la céfazoline, en particulier dans les centres où la proportion de staphylocoques résistants à la méticilline (SARM) est élevée. Il faut donc tenir compte de l’écologie locale propre à chaque centre d’implantation. Si la vancomycine est utilisée, elle doit être administrée entre 90 et 120 minutes avant le début de la procédure. Il est crucial de bien respecter les délais d’administration de l’antibiotique : dans l’heure précédant l’incision si une céphalosporine est choisie, dans les 2 heures précédant l’incision si la vancomycine est choisie.
La vancomycine constitue une alternative aux céphalosporines de 1re génération chez les patients allergiques aux céphalosporines. Chez les patients allergiques aux céphalosporines et à la vancomycine, la daptomycine (Cubicin®) et le linézolide (Zyvoxid®) sont les molécules de choix à administrer. Le tableau ci-dessous résume les modalités pratiques d’administration de l’antibioprophylaxie.
Autres cas de figure
Réintervention
En cas de réintervention sur la prothèse (changement de boitier, repositionnement ou ajout de sonde, etc.), l’antibioprophylaxie est également recommandée, selon les mêmes modalités que lors d’une primo-implantation(9).
En postopératoire
Il n’est pas recommandé d’administrer des antibiotiques à titre systématique en postopératoire. Le rapport bénéfice-risque d’une telle attitude est défavorable, du fait des risques d’effets secondaires des antibiotiques, de sélection d’organismes multi-résistants, ainsi que pour des raisons de coût(9).
En cas de geste invasif chez un patient porteur de PM ou DAI
Le consensus d’experts de l’AHA indique très clairement que l’antibioprophylaxie n’est pas recommandée lors de soins dentaires ou en cas de procédures invasives sans manipulation directe de la prothèse implantée (recommandation de classe III, niveau de preuve C)(9). Cette position est en accord avec les recommandations européennes de prise en charge de l’endocardite infectieuse(10).
Autres mesures permettant de réduire le risque d’infection de matériel
Outre l’antibioprophylaxie, plusieurs mesures simples permettent de limiter le risque d’infection de DCI. Les principales sont les suivantes :
- s’assurer d’une préparation cutanée parfaite avant l’implantation(11) ;
- décaler l’intervention en cas de syndrome infectieux(4) ;
- éviter autant que possible la stimulation temporaire avant l’implantation(4) ;
- limiter au maximum les réinterventions sur la prothèse(4,7) ;
- prévenir la survenue d’un hématome.
Conclusion
L’efficacité de l’antibioprophylaxie avant l’implantation d’un dispositif cardiaque implantable est désormais clairement établie. Elle permet de réduire le taux d’infection de prothèse, et doit donc être systématique. Ses modalités de prescription doivent être respectées, en particulier concernant le choix de molécule et les délais d’administration avant l’intervention.
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