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Coronaires

Publié le 26 juin 2012Lecture 5 min

Prise en charge médicamenteuse des SCA à haut risque

M. DEKER

EuroPCR

Le succès des traitements interventionnels du syndrome coronaire aigu (SCA) dépend étroitement des thérapeutiques adjuvantes, dont on attend qu’elles préviennent les complications ischémiques tout en occasionnant le moins de complications hémorragiques possible. Ces bénéfices peuvent être obtenus en combinant un inhibiteur de la thrombine et un antiagrégant plaquettaire inhibiteur de P2Y12, mais il reste à déterminer quelle est la combinaison offrant le meilleur rapport bénéfice/risque.

La thrombose est un processus initialement localisé, caractérisé par son extrême rapidité et comportant trois séquences : initiation, amplification et propagation. Elle débute par une lésion vasculaire qui expose le facteur tissulaire, lequel se lie au facteur VII circulant, entrainant l’activation d’autres facteurs et la formation de thrombine, qui se lie aux plaquettes. La thrombine en activant les facteurs de la coagulation amplifie le processus et sa production connaît une hausse rapide, la propagation de la thrombose impliquant une production explosive de thrombine. C’est dire qu’il importe d’agir très rapidement pour inhiber la production de thrombine.   Les héparines (HNF, HBPM, fondaparinux) connaissent certaines limites à leur activité du fait de leur réponse anticoagulante imprévisible et d’une fenêtre thérapeutique étroite ; elles n’agissent que sur la fraction libre de la thrombine et participent à l’activation plaquettaire en se liant au récepteur GPIIb/IIIa. Les inhibiteurs GPIIb/IIIa inhibent l’agrégation plaquettaire mais ne préviennent pas l’activation plaquettaire induite par la thrombine. Les agents inhibiteurs P2Y12 n’inhibent pas l’activation plaquettaire consécutive à la liaison de la thrombine à ses récepteurs plaquettaires (PAR).   La bivalirudine est un inhibiteur direct de la thrombine actif, sur la thrombine libre ou liée, sans nécessité de cofacteur ; sa pharmacocinétique est linéaire, sa durée d’action courte, son effet anticoagulant puissant et prévisible, comportant un moindre risque hémorragique. Elle inhibe non seulement l’activation des plaquettes mais celles d’autres cellules de la lignée blanche qui sont recrutées pendant la formation du thrombus.   En pratique, une stratégie thérapeutique visant plusieurs cibles du processus thrombotique est nécessaire : inhibition du thromboxane A2, de P2Y12, de GPIIb/IIIa et de la thrombine.   Héparine ou bivalirudine ?   Depuis une dizaine d’années, de nombreux essais ont testé différentes associations de traitement antithrombotiques dans le cadre des revascularisations pour SCA. REPLACE 2 a montré chez des patients revascularisés en urgence ou programmés, et traités par clopidogrel + aspirine, que l’association bivalirudine + inhibiteur GPIIb/IIIa s’accompagne d’un moindre taux d’hémorragies majeures que l’association héparine + inhibiteur GPIIb/IIIa (2,4 vs 4,1 %, p < 0,001). Chez des patients ayant un angor stable prétraités par 600 mg de clopidogrel, ISAR-REACT 1 a montré que l’adjonction d’abciximab ne diminue pas la survenue du critère composite (décès, IDM revascularisation du vaisseau cible) comparativement à l’héparine seule. Dans ISAR-REACT 2, chez des malades SCA ST- traités par héparine, une réduction des événements ischémiques a été observée grâce à l’association d’abciximab comparativement au placebo, alors que chez les malades en angor instable, les résultats sont comparables à ceux d’ISAR-REACT 1. ISAR-REACT 3, chez des malades souffrant d’angor stable ou instable, prétraités par clopidogrel 600 mg, a comparé la bivalirudine à l’héparine : aucune différence n’a été mise en évidence sur les complications ischémiques, mais les événements hémorragiques majeurs sont significativement diminués sous bivalirudine (3,1 vs 4,6 %, p = 0,008).   La réduction des complications hémorragiques observée avec la bivalirudine comparativement à l’héparine associée un inhibiteur GPIIb/IIIa est mise en évidence par une analyse regroupant les malades SCA ST des études ISAR REACT 4 et ACUITY, soit une réduction de 46 % (0,40-0,72, p < 0,001). Il en est de même dans l’étude HORIZONS-AMI ayant inclus des patients avec SCA ST+ : réduction des complications hémorragiques, à laquelle s’ajoute une diminution de la mortalité, de 29 % (p = 0,037) à 1 an et 25 % à 3 ans, chez les malades du groupe bivalirudine.  En pratique, chez les patients ayant un angor stable, il apparaît que l’héparine et la bivalirudine constituent deux options équivalentes en termes de risques ischémique et hémorragique, mais le meilleur choix chez les malades ayant un SCA ST+ ou ST- est la bivalirudine.   Antithrombotique + antiplaquettaire : quelle synergie ?   Si la place de la bivalirudine est aujourd’hui incontestable, l’héparine reste à la base de nombreux protocoles hospitaliers, malgré ses limites. Quelles sont les combinaisons optimales ?   La classique association héparine + inhibiteur GPIIb/IIIa + clopidogrel est détrônée par l’association bivalirudine + clopidogrel. Toutefois, l’effet du clopidogrel est lent et l’inhibition de P2Y12 n’est pas constante ; la bivalirudine agit vite mais son effet cesse rapidement après l’arrêt post-procédure de la perfusion, d’où une période de vulnérabilité avant que le clopidogrel ne prenne tout son effet, pouvant expliquer les thromboses précoces de stent. Une administration prolongée de la bivaluridine pourrait résoudre ce problème, de même que l’emploi d’un antiagrégant plaquettaire plus prédictible et plus rapide, tel que le prasugrel. Une cohorte observationnelle réalisée au Royaume-Uni valide cette stratégie. Sur plus de 500 interventions (80 % avec voie d’abord radiale), la mortalité à J30 et le taux de thrombose aiguës de stent sont nettement diminués chez les patients du groupe prasugrel + bivalirudine comparativement au groupe héparine : 2,6 vs 12,2 % et 0 vs 0,5 % respectivement.   D’autres essais sont en cours pour déterminer la stratégie idéale dans la prise en charge médicamenteuse des patients revascularisés : FABULOUS PRO, EUROVISION, BRAVE 4, HORIZONS AMI TWO et EUROMAX. D’autres antiagrégants plaquettaires d’action plus rapide que le prasugrel sont également à l’étude.   Il est crucial de réduire le risque hémorragique   La prise en compte du risque hémorragique est tout aussi importante que celle du risque ischémique dans la décision thérapeutique. L’étude ACUITY a bien montré, en effet, que le risque de mortalité à 1 an dépend davantage des complications hémorragiques survenues dans les 30 jours suivant la procédure de revascularisation que des complications ischémiques. Dans HORIZONSAMI, la stratégie basée sur la bivalirudine a non seulement diminué le risque d’hémorragies graves mais réduit de 44 % la mortalité cardiaque et de 25 % la mortalité toutes causes à 3 ans, comparativement à l’association héparine + inhibiteur GPIIb/IIIa.   Si la voie d’abord radiale diminue le risque hémorragique de 70 % comparativement à la voie fémorale, les complications hémorragiques liées à la voie d’abord ne comptent que pour 40 % dans les événements hémorragiques. De son côté, la bivalirudine permet aussi de réduire de plus d’un tiers les hémorragies non liées à la voie d’abord Une bonne raison de considérer que le choix de la bivalirudine est d’un bon rapport coût-efficacité. D’après un symposium de The Medicines Company avec la participation de A. Baumbach, P.G. Steg, A.Kastrati et A. Gershlick.

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