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Coronaires

Publié le 17 mar 2009Lecture 7 min

Post-infarctus et insuffisance cardiaque : faut-il avoir le réflexe EPA/DHA ?

E. MILLARA, Suresnes

Les Journées européennes de la SFC

Effets anti-arythmiques de l’EPA(1) et du DHA(2) (acides gras polyinsaturés n-3) D’après S. Hatem (Paris) Les acides gras poly-insaturés (AGPI) ont plusieurs rôles essentiels dans les cellules cardiaques : substrats énergétiques, dont le cardiomyocyte est gros consommateur, éléments constitutifs des phospholipides membranaires et, à ce titre, seconds messagers, intervenant dans la signalisation entre des stimulations extérieures et le fonctionnement de la cellule, et présents dans l’environnement des effecteurs membranaires de l’excitabilité myocardique. Les AGPI n-3 agissent sur les canaux ioniques Historiquement, les effets anti-arythmiques des AGPI n-3 ont été décrits dès les années 90, par la démonstration chez l’animal de l’activité préventive du DHA administré en aigu vis-à-vis d’arythmies expérimentales liées à une ischémie. Cette action anti-arythmique s’exerce par le biais de deux grands mécanismes : d’une part, les structures protéiques constituant les canaux ioniques sont en contact avec les composants des membranes, et notamment les acides gras, qui peuvent modifier les mécanismes d’ouverture et de fermeture du canal. D’autre part, les acides gras AGPI n-3 sont susceptibles de modifier la densité des canaux fonctionnels dans les membranes : les canaux ioniques ont une durée de vie limitée et sont renouvelés en permanence. Il a été démontré que la diminution du contenu lipidique des membranes cellulaires entraîne une accumulation rapide de canaux à la surface des cardiomyocytes. En effet, les AGPI n-3 modulent les processus d’exocytose réalisant l’acheminement et l’insertion des protéines des canaux ioniques dans les membranes, et par ce biais, ils modulent probablement le recrutement des canaux ioniques membranaires. Ainsi, le canal sodique, responsable de l’activation rapide du cœur, est une cible majeure de l’action des AGPI n-3. Dans certaines situations pathologiques, telles que l’ischémie ou l’insuffisance cardiaque, le dysfonctionnement de la fermeture des canaux sodiques induit un courant sodique persistant générant une surcharge calcique à l’origine d’arythmies très délétères (DADs : post-potentiels tardifs lors de la phase diastolique). Or, les AGPI n-3 bloquent la composante lente ou persistante des canaux sodiques. Par ailleurs, le DHA bloque fortement les canaux potassiques de type Kv1.5 en réduisant leur expression membranaire. L’intensité du blocage ainsi réalisé par les AGPI n-3 est comparable à celle d’agents pharmacologiques anti-arythmiques de classe III, capables d’inhiber la survenue expérimentale de fibrillation auriculaire. Sur des modèles de tachycardie très rapide chez l’animal, le raccourcissement de la période réfractaire et du potentiel d’action est ainsi inhibé par le DHA. À ce titre, nombre de travaux sont actuellement en cours sur l’intérêt des AGPI n-3 dans le traitement de la fibrillation auriculaire. Les AGPI n-3 s’opposent au remodelage myocardique Dans le cadre de pathologies cardiaques chroniques, le remodelage myocardique par la fibrose constitue un facteur arythmogène majeur. Dans un modèle d’insuffisance cardiaque et de tachycardie chez le chien, il apparaît que l’administration chronique d’AGPI n-3 inhibe de façon très significative le développement de la fibrose, avec une réduction de la durée de la FA expérimentale et une augmentation des périodes réfractaires et des temps de conduction. Cette action des AGPI n-3 passe par leur incorporation dans les phospholipides membranaires et par la modulation des voies de signalisation aboutissant au remodelage du myocarde. En effet, la culture de cardiomyocytes en présence d’AGPI n-3 fait apparaître des modifications de l’expression de nombreux gènes, tels que ceux codant pour les métalloprotéinases, impliquées dans la cascade enzymatique fibrosante. Ainsi, les AGPI n-3 s’opposent aux processus arythmogènes, en aigu par une action directe sur les canaux ioniques, et à plus long terme, dans l’insuffisance cardiaque, par l’inhibition du remodelage myocardique. Les mécanismes mis en œuvre reproduisent les processus de protection contre le stress observés lors de l’hibernation myocardique. EPA/DHA et troubles du rythme D’après J.-M. Davy (Montpellier) Les AGPI n-3 réduisent le risque d’arythmie ventriculaire et de mort subite Dès 1998, l’étude des « US physicians » avait montré, après un suivi de 11 ans chez plus de 20 000 médecins américains, que la consommation de poisson était significativement corrélée à un moindre risque de mort subite. D’autres études épidémiologiques ont également montré le bénéfice d’un régime alimentaire riche en poisson vis-à-vis de la mort subite, pointant le rôle potentiel des AGPI n-3. Ces présomptions avaient été confortées dès 1999 par la publication de GISSI-Prevenzione, étude d’intervention randomisée portant sur 11 000 patients, et qui a montré qu’une supplémentation en AGPI n-3 et en vitamine E après un infarctus myocardique diminue significativement la mortalité totale et la mortalité cardiovasculaire, dès le 3e mois de traitement. À un an, la mortalité cardiovasculaire est réduite de 30 % (p = 0,04), avec un effet particulièrement important sur l’incidence de la mort subite (- 45 %, p = 0,01), et cela sans aucune modification du profil lipidique (figure 1).  Figure 1. Résultats de GISSI-Prevenzione. Récemment, une étude versus placebo réalisée chez 26 patients porteurs de défibrillateur implantable (Metcalf) a montré que l’EPA et le DHA administrés durant 6 semaines élèvent le seuil d’inductibilité des tachycardies ventriculaires, suggérant un effet anti-arythmique ventriculaire. Les AGPI n-3 réduisent le risque de fibrillation auriculaire L’étude de Nodari présentée à l’ESC en 2008 a porté sur 178 patients en FA devant subir une cardioversion. Tous les patients suivaient le même traitement pharmacologique, et se voyaient attribuer par randomisation une supplémentation en AGPI n-3 (1 g) ou un placebo. À 3, 6 et 12 mois, les résultats indiquent une incidence significativement moindre de fibrillation auriculaire, de l’ordre de -35 % , dans le groupe supplémenté (figure 2). Figure 2. Récidives de fibrillation auriculaire après cardioversion. La place des AGPI n-3 est actuellement établie en prévention secondaire dans le post-infarctus et probablement prochainement en amont chez les patients en FA et avec des troubles du rythme ventriculaire. GISSI-HF : AGPI n-3 et insuffisance cardiaque D’après A. Cohen Solal (Paris) Les AGPI n-3 réduisent la mortalité totale dans l’insuffisance cardiaque GISSI-HF est un essai prospectif, multicentrique, randomisé, en double aveugle contre placebo, qui a évalué l’intérêt des AGPI n-3 (EPA/DHA 1 g/jour), chez près de 7 000 patients atteints d’insuffisance cardiaque symptomatique et suivis en moyenne durant 4 ans. Les patients, âgés en moyenne de 67 ans, étaient pour les deux tiers d’entre eux en classe II NYHA. La FEVG moyenne était de 33 % et l’étiologie ischémique concernait 50 % des patients, 18 % avaient des antécédents de fibrillation auriculaire. Le traitement de base était conforme aux recommandations en vigueur avec 93 % des patients sous IEC ou ARA2, 65 % sous bêtabloquant, 90 % des diurétiques, et 40 % sous spironolactone. Les résultats montrent dans le groupe AGPI n-3 une réduction de 9 % de la mortalité totale, par comparaison au groupe placebo (p = 0,041), cet effet apparaissant entre la 2nde et la 3ème année de traitement. Le critère combiné de mortalité et d’hospitalisations pour causes cardiovasculaires montre une réduction de 8 % avec les AGPI n-3 (p = 0,009). Les résultats sont majorés en faveur des AGPI n-3. Dans l’analyse per-protocol, la réduction de la mortalité totale atteint 14 % (p = 0,004) et la mortalité et les hospitalisations pour causes cardiovasculaires montre une réduction de 8 % (p = 0,036) (figure 3). Figure 3. Analyse per protocol (4 994 patients). Les résultats font apparaître une incidence légèrement moindre, quoi que non significative, de mort subite et pour l’aggravation de l’insuffisance cardiaque dans le groupe traité. Il n’y a pas de différence statistiquement significative dans les sous groupes d’analyses pré-définies en fonction de l’age, de la fraction d’éjection ventriculaire de l’origine ischémique ou non et du niveau d’insuffisance cardiaque à l’inclusion. Les arrêts de traitement pour intolérance ont été identiques pour les AGPI n-3 et pour le placebo, et aucune différence significative n’est apparue en termes d’effets indésirables. Au total, les AGPI n-3 ajoutés à un traitement optimal de l’insuffisance cardiaque offrent un effet additionnel modéré mais significatif sur la mortalité totale et la mortalité et les hospitalisations pour causes cardiovasculaires : selon les résultats de GISSI-HF, le traitement de 56 patients durant 47 mois permet de sauver une vie, sans effet indésirable notable. En pratique Les AGPI n-3 (EPA/DHA) exercent des effets anti-arythmiques directs par des actions sur les canaux ioniques et indirects en s’opposant au remodelage myocardique. Administrés en postinfarctus immédiat, ils diminuent précocement et de façon importante la mortalité, notamment les morts subites, dès le 3e mois, avec une accentuation dans le temps. Dans l’insuffisance cardiaque, une réduction moins spectaculaire mais néanmoins significative est observée pour des traitements de plus longue durée, en complément d’un traitement cardiovasculaire de base optimal. La tolérance des AGPI n-3 est excellente. 1 EPA : eicosapentaenoic acid 2 DHA : docosahexaenoic acid D'après S. Hatem (Paris), J.-M. Davy (Montpellier) et A. Cohen Solal (Paris)

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