Thérapeutique
Publié le 05 sep 2006Lecture 4 min
Thrombus de l’artère pulmonaire en ETO ?
J. DARCHIS, J.-J. BAUCHART, A. VINCENTELLI, O. FABRE, A. WURTZ, C. DECOENE, P.-V ENNEZAT et P. ASSEMAN, hôpital cardiologique de Lille
Nous rapportons l’observation clinique d’un patient âgé de 18 ans, opéré d’une pneumonectomie gauche pour un tératome médiastinal. Les suites opératoires ont été marquées par une détresse respiratoire associée à des complications hémodynamiques nécessitant une reprise chirurgicale et la pose d’une assistance circulatoire extracorporelle. Le diagnostic est celui d’une subluxation du cœur. L’échographie transoesophagienne (ETO) réalisée avant la reprise chirurgicale montrait une image compatible avec un thrombus adhérent de l’artère pulmonaire droite.
Une image de thrombus de l’artère pulmonaire en ETO est classiquement recherchée en coupe petit axe entre 60 et 90° centrée sur l’aorte. Cependant la visualisation d’un thrombus peut être difficile et sujette à une interprétation erronée.
Observation
Une tumeur germinale maligne médiastinale secrétant de la bêta-HCG et de l’alpha fœtoprotéine a été diagnostiquée chez ce jeune homme de 18 ans qui ne présentait aucun antécédent particulier. Le traitement initial par chimiothérapie d’induction a permis la normalisation des marqueurs tumoraux sans freiner la progression de la masse tumorale, ni une déviation majeure du médiastin (figure 1A).
Une intervention chirurgicale thoracique et cardiaque a par conséquent été réalisée avec exérèse de la masse tumorale (figure 2) et pneumonectomie gauche élargie à l’artère pulmonaire gauche. L’anatomopathologie a retrouvé une masse essentiellement fibreuse avec un contingent de tératome bénin mature. La radiographie pulmonaire de contrôle a montré une disparition de la déviation médiastinale (figure 1B).
Figure 1. A. Radiographie thoracique de face en préopératoire montrant la masse tumorale à gauche avec déviation du médiastin et de la trachée ; B. Radiographie thoracique de face en postopératoire avec disparition de la déviation médiastinale.
Figure 2. Masse tumorale après exérèse chirurgicale (7 kg).
Les suites opératoires immédiates ont été sans complication. À H48 postopératoire, le patient a présenté une détresse respiratoire accompagnée d’une défaillance hémodynamique nécessitant une intubation et une ventilation mécanique associée à la prescription de drogues vasoactives.
Une ETO a été réalisée retrouvant une dysfonction systolique biventriculaire avec un ventricule droit dilaté, en adiastolie (figure 3 A, B et C). La visualisation de l’artère pulmonaire droite a mis en évidence une image compatible avec un thrombus pariétal adhérent (figure 4 A et B).
A
B
C
Figure 3. A et B. Coupe en échographie transœsophagienne 4 cavités partie moyenne de l'œsophage à 10° en diastole (A) et en systole (B) mettant en évidence la dilatation et la dysfonction VD ; C. Coupe en échographie transgastrique en petit axe à 90° retrouvant du VD (à droite) par rapport au VG (à gauche) avec un septum paradoxal.
Figure 4. A et B. Coupe en échographie transœsophagienne petit axe centré sur l'aorte à 35° et 50° permettant de visualiser une image pariétale adhérente à la paroi de l'artère pulmonaire droite (APD), compatible avec un thrombus, en déroulant le tronc de l'artère pulmonaire (A) et l'APD (B).
En raison de l’aggravation hémodynamique, une nouvelle intervention a été réalisée en urgence, en vue d’une thrombectomie et de la pose d’une assistance circulatoire. En peropératoire, le diagnostic d’embolie pulmonaire a été éliminé avec l’absence de thrombus dans l’artère pulmonaire.
Bien que le rare diagnostic de subluxation du massif cardiaque autour des gros vaisseaux avec plicature de l’artère pulmonaire droite ait été posé et malgré la prise en charge, le patient est décédé.
Discussion
Un thrombus des artères pulmonaires proximales peut être mis en évidence dans les pathologies thromboemboliques veineuses et nécessite une prise en charge rapide et adaptée. L’imagerie diagnostique de prédilection est l’angioscanner thoracique. Néanmoins, certains patients très sévères sur le plan hémodynamique ne peuvent être déplacés, et l’échographie cardiaque, notamment transœsophagienne, prend toute son importance. En effet, le tronc de l’artère pulmonaire ainsi que l’artère pulmonaire gauche et, surtout, droite sont bien visualisés en ETO en coupe petit axe sur l’aorte en déroulant de 45 à 90°. Cependant, il faut se méfier des artefacts ainsi que des diagnostics différentiels en cas de détection d’un aspect de thrombus dans les artères pulmonaires en échographie.
Dans notre cas clinique, l’image de thrombus pariétal correspondait à une plicature de la paroi de l’artère pulmonaire dans le cadre d’une luxation du massif cardiaque. Ce déplacement du massif cardiaque a déjà été décrit dans la littérature soit en post-pneumonectomie droite, soit dans les suites d’un violent traumatisme thoracique avec rupture péricardique. Dans notre cas, il était secondaire à une pneumonectomie gauche. Dans cette situation aiguë, souvent mal tolérée sur le plan hémodynamique, un repositionnement cardiaque à l’aide de filets, par thoracotomie est nécessaire.
Conclusion
Une image de thrombus adhérent de l’artère pulmonaire droite en échographie transœphagienne peut s’avérer trompeuse, et les images doivent être examinées de façon attentive, notamment pour exclure des images d’artefacts.
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